Pour les touristes québécois, la Guadeloupe demeure une perle cachée des Antilles. L'archipel est essentiellement visité par des Français de l'Hexagone - parmi les touristes qui visitent le département d'outre-mer, on ne compte en effet que 5 % de Nord-Américains. Du nombre, le quart proviennent du Québec, tout au plus. Mais un projet développé conjointement au Québec et en Guadeloupe veut justement changer la donne en proposant une offre faite mesure pour les Québécois.

L'initiative, lauréate du Fonds franco-québécois pour la coopération décentralisée, est un projet novateur de codéveloppement touristique mené par les étudiants de la Chaire de tourisme Transat de l'UQAM et ceux de la communauté d'agglomération de la Riviera du Levant, en Guadeloupe. Les étudiants ont aussi pu appuyer leurs recherches sur un sondage réalisé auprès des voyageurs québécois qui se sont rendus dans l'archipel l'an dernier. Tout ça se met en branle alors que le transporteur au rabais Norwegian Airlines vient d'inaugurer un vol direct reliant Montréal et Pointe-à-Pitre trois fois par semaine jusqu'à la fin du mois de mars.

Le rapport final du projet n'a pas encore été déposé qu'on est d'ores et déjà sûr de voir la démarche couronnée de succès.

«Il y a des propositions concrètes qui font déjà saliver les autorités guadeloupéennes qui se sont déplacées à Montréal le mois dernier pour la présentation préliminaire du projet», explique Marc-Antoine Vachon, professeur titulaire de la Chaire de tourisme Transat.

«Les élus de la Guadeloupe sont dans une réflexion assez avancée, il y a des budgets et ils attendent ardemment nos propositions pour les implanter», a indiqué M. Vachon.

«Ce n'est pas seulement une initiative pédagogique», nous a assuré de son côté la Guadeloupéenne Catherine Cosaque, qui a proposé le projet alors qu'elle était à Montréal pour faire sa maîtrise à la Chaire de tourisme de l'UQAM. «Il y a une volonté derrière pour arriver à des résultats. C'est un parti pris du projet que de compter sur la jeunesse, mais il y a de réelles ambitions en matière d'investissements et de développement économique.»

Plus qu'une destination soleil

Le premier objectif de la démarche est de faire comprendre aux Québécois que la Guadeloupe n'est pas une destination soleil comme les autres. À la lumière du sondage réalisé par la Chaire de tourisme Transat, les touristes d'ici vont essentiellement dans le Sud pour fuir l'hiver. «Mais la Guadeloupe ne souhaite pas développer des forfaits tout inclus, a soutenu Marc-Antoine Vachon. Elle a les ingrédients pour offrir plus, elle veut devenir la prochaine destination soleil au-delà des tout-compris.»

«Il y a une distorsion entre ce que la Guadeloupe a vraiment à offrir et la façon dont on se la représente, a affirmé de son côté Catherine Cosaque, qui oeuvre au sein de la communauté d'agglomération de la Riviera du Levant. Mais nous avons une gastronomie riche, on partage la même langue que les Québécois, on trouve chez nous des activités de niche tant du côté sportif que du tourisme nature», a fait valoir Mme Cosaque.

«Je crois que le voyageur québécois passe à côté de quelque chose et que la Guadeloupe se passe de touristes intéressés.»

Parmi les idées déjà envisagées, on explore notamment les axes gastronomique et culturel, mais on veut aussi tabler sur le fait que les Québécois ne rechignent pas à l'idée de se déplacer une fois arrivés à destination. «Les étudiants guadeloupéens ont par exemple pensé à une sorte de chasse au trésor pour faire connaître les attraits de leur pays, a illustré M. Vachon. Leur travail a permis de dénicher de véritables petits trésors. Des sites comme TripAdvisor permettent de connaître les endroits les plus populaires, mais là, on a accès à des initiés qui nous donnent des informations privilégiées. On a ainsi l'occasion de vraiment découvrir l'archipel, qui est à la fois dépaysant et sécuritaire; ça me fait un peu penser à Hawaii.»

Bientôt deux fois plus de touristes québécois?

L'apport des étudiants locaux permet aussi de faire la découverte de restaurants spécialisés qui ne sont pas nécessairement connus du grand public. Aussi, on voudrait permettre aux touristes québécois de goûter aux festivités du Carnaval de Guadeloupe, qui se déroule de janvier à mars dans de nombreuses régions. Et tout ça s'inscrit dans une logique du tourisme durable: «On parle de codéveloppement touristique, a insisté Marc-Antoine Vachon. On sort de l'optique du produit qui prétend savoir ce que les touristes veulent. On parle ici de marketing sociétal, on intègre la communauté dans le processus d'accueil touristique.»

Selon le professeur Vachon, le nombre de touristes québécois en Guadeloupe pourrait ainsi rapidement doubler. Une estimation partagée par Catherine Cosaque. «Les Québécois sont prêts à payer pour voyager, mais tant que la Guadeloupe est perçue comme une destination du Sud, on n'arrivera pas à être concurrentiels, nous a-t-elle expliqué. Mais si on convainc qu'il y a plus à faire et à voir, là on devient une destination intéressante. C'est ce pari-là qu'on a fait.»

Photo David Boily, Archives La Presse

Le premier objectif de la démarche est de faire comprendre aux Québécois que la Guadeloupe n'est pas une destination soleil comme les autres.