En plus des ravages qu'il a causés, l'ouragan Irma aura également un impact sur les projets des vacanciers et sur toute l'industrie du voyage. Destinations incertaines, hausses de prix, augmentation du nombre de liaisons aériennes vers des endroits considérés comme plus sûrs, etc. Survol de la situation dans la foulée de l'ouragan.

Le Sud plus cher?

Nombre de voyageurs qui projettent de mettre le cap vers le Sud pendant l'hiver devront sans doute modifier leur itinéraire, et pourraient peut-être même payer plus cher, en raison des dégâts provoqués par le passage d'Irma

Bien qu'elles occupent une place de choix dans les brochures en couleur - imprimées à l'avance - des agences de voyages, les îles de Saint-Martin et de Cuba ne sont probablement plus des destinations à envisager, pour le moment à tout le moins. Résultat: même s'ils sont déjà populaires, la Jamaïque, la République dominicaine et le Mexique pourraient bien devenir le lieu de détente d'un plus grand nombre de touristes, provoquant du coup une hausse des prix pour un séjour sous les palmiers.

Lorsqu'on demande à André Desmarais, propriétaire de l'agence Aéroport Voyage, si l'on doit rayer Saint-Martin de la liste de destinations-soleil pour cet hiver, il répond d'emblée: «Oui, complètement. J'ai bien l'impression que les voyagistes vont cesser d'offrir des vols là-bas.»

Selon lui, Saint-Martin, dont la partie française a été détruite à 95 % par Irma, qui y a aussi fait des dizaines de victimes, mettra un minimum d'un an avant de se relever. Du côté de Club Voyages Raymonde Potvin, on partage le même avis. «On oublie ça pour la saison, lance sans détour Raymonde Potvin, propriétaire de l'agence. Et il reste encore deux mois à la saison des ouragans.»

«Il n'y a rien qui va se passer là-bas cet hiver, l'aéroport est détruit», renchérit Manon Martel, directrice régionale de l'Association canadienne des agences de voyages (ACTA). 

Pourtant, les voyagistes interrogés par La Presse laissaient plutôt planer le mystère en ce qui concerne Saint-Martin. Aucun d'entre eux n'a voulu dire s'il avait l'intention d'annuler complètement son service aérien cet hiver à destination de cette Île. Les porte-parole d'Air Canada et d'Air Transat ont toutes deux répondu qu'il était encore trop tôt pour se prononcer et que la situation évoluait rapidement. Sunwing a pour sa part répondu que ses liaisons entre Montréal et Saint-Martin étaient annulées jusqu'au 9 novembre. WestJet, de son côté, affirme avoir cessé ses vols «pour le moment».

La plupart des transporteurs font toutefois preuve de souplesse envers les voyageurs qui souhaiteraient annuler des vols réservés pour cet hiver à destination de Saint-Martin, où un certain chaos règne toujours une semaine après le passage de la tempête. Chaque cas est évalué, et les clients ont la possibilité de jeter leur dévolu sur une autre destination.

Cuba

La situation à Cuba inquiète également certains conseillers en voyages. La Havane et la côte nord du pays, en particulier la région de Cayo Coco, très fréquentée par les touristes, ont été touchées. Bien que toute l'île communiste n'ait pas été touchée, c'est plutôt la possibilité d'une lente reconstruction qui laisse André Desmarais songeur. Il croit aussi que si certains hôtels à Varadero, par exemple continuent de recevoir des touristes, les palmiers secoués par le vent et les nombreux débris sur la plage pourraient rebuter certains vacanciers. «Arriver sur un site touristique où toute la végétation a été balayée, ce n'est pas très intéressant», illustre M. Desmarais. 

Paul Arseneault, titulaire de la Chaire de tourisme Transat-UQAM, est quant à lui plus optimiste en ce qui concerne le pays de Raúl Castro. Selon lui, la reconstruction des régions touchées se fera rapidement. «Ils ne vont pas rester les deux bras croisés. En trois mois, je suis convaincu que tout ça est réparé», prédit-il. M. Arseneault explique que la plupart des grands hôtels ont des copropriétaires étrangers qui mettront toutes les ressources nécessaires pour remettre les infrastructures touristiques en bon état. Il rappelle également que Varadero et Holguin ont somme toute été épargnés. Dans ces deux secteurs, à tout le moins, «à la relâche scolaire, ajoute-t-il, ça sera de l'histoire ancienne».

En ce qui concerne les navires de croisières qui prévoyaient des arrêts dans les endroits touchés, ils peuvent plus aisément changer de trajectoire, estime Annie Gauthier, porte-parole de CAA-Québec. «Ils sont davantage maîtres de leur itinéraire.»

Hausses de prix possibles

Par ailleurs, les images qui tournent en boucle, montrant des palmiers déracinés et des toits arrachés, risquent d'inciter les gens à se tourner vers des endroits épargnés par Irma, accentuant ainsi la demande plus qu'à l'habitude dans certaines régions. «Il y a de fortes chances que le client décide d'aller dans un endroit qui n'a pas été touché», ajoute André Desmarais.

«Nous avons ajouté des vols additionnels sur Cancún et rajouterons d'autres destinations dans les prochains jours dans le but d'offrir des options aux clients», souligne Marie-Josée Carrière, porte-parole de Sunwing.

Des endroits comme la Jamaïque ou Los Cabos, au Mexique, considérés comme des destinations haut de gamme, pourraient ainsi accueillir sur leurs plages des «habitués» de Saint-Martin. Plus abordable, la République dominicaine pourrait, quant à elle, être populaire chez les voyageurs qui ont l'habitude d'aller à Cuba. 

À ce sujet, Cosette Garcia, directrice de l'Office de promotion touristique de la République dominicaine, à Montréal, cachait mal son malaise devant cette situation. «Grâce à Dieu, la République dominicaine n'a pas été touchée, mais nous ne voulons pas tirer avantage du malheur des autres», dit-elle, admettant du même souffle qu'il serait logique que plus de gens se tournent vers ce pays.

Est-ce que cette nouvelle réalité pourrait entraîner une hausse de prix pour des séjours là-bas? «Les prix varient toujours selon la loi de l'offre et de la demande», répond simplement Marie-Lise Baril, directrice des communications de Voyages Bergeron. 

Raymonde Potvin s'attend pour sa part à une hausse de prix pour les destinations qui n'ont pas été touchées. Elle ajoute toutefois qu'il n'existe aucun lieu sûr et que la saison des ouragans se poursuit jusqu'en novembre. «Il n'y a rien qui garantit qu'il n'y aura pas un autre ouragan et que le Mexique ne sera pas touché.»

Photo AFP

Une femme parle au téléphone près d'une piscine d'un hôtel de Saint-Martin endommagé par l'ouragan.

Ravagées ou épargnées?

Saint-Martin

Véritable emblème de la destruction engendrée par Irma, Saint-Martin doit pleurer ses morts, mettre à l'abri ses sinistrés... et se reconstruire. On évalue l'étendue des dégâts à 1,2 milliard d'euros. Selon France Info, l'île est généralement visitée par 2,5 millions de touristes annuellement. Près de 80 % des emplois y seraient liés au tourisme.

Cuba

La Havane, Cayo Coco et Varadero - dans une moindre mesure - ont tous goûté à l'intensité d'Irma, qui a fait une dizaine de morts à Cuba. Si certains voyageurs craignent de devoir annuler leurs vacances dans l'île communiste, Paul Arseneault estime pour sa part que le pays se relèvera rapidement, comme par le passé (l'île est régulièrement touchée par les ouragans), puisque le tourisme représente l'une des principales activités économiques. Sans compter que d'autres secteurs, comme Holguin, dans le sud-est, ont été épargnés.

Floride

Contrairement à d'autres destinations de vacances, la Floride n'est pas seulement fréquentée pendant les congés scolaires, mais presque tout au long de l'année, souligne Paul Arseneault, titulaire de la Chaire de tourisme Transat-UQAM. Bon nombre de Québécois y possèdent une copropriété. Miami a évité le pire, mais on a rapporté de nombreuses inondations. Irma s'est également abattu sur les Keys, aujourd'hui en bien mauvais état, et sur Tampa Bay. Le retour à la normale pourrait être long dans certains secteurs.

République dominicaine

La vie a repris son cours en République dominicaine. Pourtant, la semaine dernière, les compagnies aériennes y envoyaient des avions d'urgence et s'affairaient à rapatrier leurs clients. Finalement, le pays a été épargné. Les vols ont repris et les infrastructures hôtelières peuvent accueillir des vacanciers sans problème.

Guadeloupe

Irma a menacé la Guadaloupe, mais finalement, l'île française s'en est tirée avec des dégâts minimes. En 1989, la Guadeloupe avait été durement frappée par l'ouragan Hugo, qui y avait fait 15 morts et 25 000 sans-abri. Les deux années suivantes, le nombre de touristes y avait chuté du tiers. La reconstruction, qui a duré quelques années, avait coûté près de 700 millions d'euros.

Photo Reuters

Une plage de Varadero, à Cuba.