Pour les Argentins, c'est l'un des bouts du monde. À une vingtaine d'heures en autobus de la capitale nationale, la péninsule de Valdès est constituée d'une presqu'île gigantesque reliée au continent par une langue de sable et de terre recouverte par la pampa et riche en fossiles d'huîtres. Cette région sauvage abrite une variété exceptionnelle d'animaux : des lions et des éléphants de mer, des guanacos, des nandous, des manchots de Magellan et de nombreuses autres espèces d'oiseaux. Mais la plus grande attraction de ce lieu reste toutefois les baleines.

La première chose que l'on découvre en voyageant en Argentine est la qualité des transports en commun long courrier. En effet, les trains sont inexistants, les avions sont onéreux et le voyage en voiture est lancinant, voire fatiguant. Il reste alors l'autocar. Les Sud-Américains en général et les Argentins en particulier voyagent en autocar. La gare routière pour autocar de Buenos Aires ressemble à un véritable aéroport. Elle est grande, et nombreuses sont les plateformes d'embarquement. Chaque minute, un autocar part et arrive en même temps au terminal de Buenos Aires. Les destinations sont non seulement pour toute l'Argentine, mais aussi pour toute l'Amérique du Sud.

 

Pour aller à la péninsule de Valdès, j'ai donc choisi le trajet dans un de ces autocars confortables. Il faut entre 20 et 22 heures de voyage et le trajet se fait de nuit, avec un départ aux alentours de 16h et une arrivée à Puerto Madryn vers midi ou 13h. Puerto Madryn est, en quelque sorte, la porte d'entrée de la péninsule de Valdès. Située à 1300 kilomètres au sud de la capitale, Buenos Aires, Puerto Madryn se trouvee en dehors de la péninsule de Valdès, mais n'en constitue pas moins un point de passage important dans cette région de la Patagonie qui est la province de Chubut. Puerto Madryn est une importante ville de 58 000 habitants située au fond d'une anse et au bord de l'un des deux golfes de la péninsule de Valdès : Golfo Nuevo. Cette ville de Patagonie est une modeste station balnéaire qui s'est développée rapidement.

Lions de mer

Deux longues jetées sur la mer forment les ports d'attache de bateaux de pêche. Ces quais sont souvent côtoyés, voire colonisés, par des lions de mer presque domestiqués. Même habitée par l'homme, la nature reprend ses droits sur la civilisation. Puerto Madryn possède deux institutions océanographiques : l'ancien musée océanographique et le nouveau centre de la mer. Le Museo oceanogràfico est un petit musée fort riche pour sa taille. On y voit le squelette de l'une des baleines les plus rares au monde : la baleine franche pygmée. Il n'en existe que 10 squelettes dans le monde. L'EcoCentro est un nouveau centre d'interprétation sur la faune marine de la péninsule de Valdès. Ici, l'orque, le lion de mer, le manchot de Magellan et la baleine franche australe se partagent le rôle de vedette.

Dans la région, une petite route sinueuse et gravillonnée quitte Puerto Madryn à destination de la réserve faunique de Punta Loma. Ici, sont rassemblées des centaines de lions de mer et une importante colonie de cormorans de Magellan. À 55 kilomètres de Puerto Madryn, dans la pampa, la ville de Trelew est, avec ses 93 000 habitants, non seulement la plus importante ville de la province de Chubut mais aussi sa capitale provinciale. Trelew est célèbre grâce à son musée de paléontologie Egidio Feruglio, riche de milliers de fossiles, dont ses squelettes complets de dinosaures reconstitués dans l'une de ses salles.

Sites à dinosaures

La Patagonie est surtout célèbre pour ses sites à dinosaures dont certaines espèces sont non seulement les plus grands dinosaures du monde, mais aussi les plus grandes créatures terrestres ayant existé sur notre planète.

À une centaine de kilomètres au sud de Trelew, dans la pampa et le long des côtes de l'Atlantique austral, il existe une réserve faunique unique au monde. Il s'agit de la plus grande colonie de manchots de Magellan en Amérique du Sud. La réserve provinciale de Punta Tombo abrite une colonie de plus de 500 000 manchots de Magellan. Il ne faut pas croire que le manchot est un oiseau marin exclusivement inféodés aux régions froides de l'hémisphère Sud. Certaines espèces vivent dans les régions subtropicales de l'Océanie, de l'Afrique du Sud et de l'Amérique du Sud. Deux d'entre elles colonisent les côtes sud-américaines. L'une d'entre elles, le manchot de Magellan, niche durant le printemps et le début de l'été austral dans des terriers anarchiquement répartis dans la pampa de la réserve patagonienne. Près de trois kilomètres de sentiers permettent aux milliers de visiteurs dans l'année de circuler au milieu de ces milliers de manchots qui, indifférents aux humains, passent dans les chemins ou se reposent à l'entrée de leur terrier.

Patrimoine de l'Unesco

La péninsule de Valdès est une réserve unique en Amérique du Sud, et même dans le monde. Il s'agit d'une presqu'île de 40 kilomètres de largeur sur 90 de longueur, couvrant 36 000 kilomètres carrés et en présentant plus de 400 de littoral, qui attire chaque année entre 80 000 et 90 000 visiteurs du monde entier. Véritable paradis pour les naturalistes, cette réserve est inscrite au patrimoine mondial de l'humanité de l'UNESCO depuis 1999. Mais pour y aller, il est impératif d'être motorisé. L'entrée de ce parc se situe à une cinquantaine de kilomètres de Puerto Madryn et la péninsule offre aux visiteurs plus de 300 kilomètres de routes gravillonnées à travers une pampa sans fin, où vivent de nombreux animaux sauvages et domestiques. La péninsule est constituée de terrains privés sous la forme d'Estancias où sont élevés moutons, vaches et chevaux. L'ensemble de ces animaux domestiqués fait bon ménage avec les guanacos et les nandous, fort nombreux dans le parc naturel. Plusieurs heures sont nécessaires pour relier les différents points de la péninsule et, par conséquent, la péninsule de Valdès ne se visite pas en une journée.

Les éléphants de mer colonisent presque tout le littoral atlantique de la péninsule et ils sont les plus communs à Punta Cantor en compagnie des lions de mer. Tous ces pinnipèdes qui pèsent jusqu'à trois tonnes forment le garde-manger d'une trentaine d'épaulards qui longent le rivage et entrent dans le Fondeadero Caleta de Valdès, un lagon d'une vingtaine de kilomètres de longueur de la péninsule. Les orques sont de gros dauphins de cinq à neuf mètres de longueur, noir et blanc, carnivores de surcroît, surtout ceux de la péninsule de Valdès.

Baleine franche australe

La plus grande attraction de la péninsule de Valdès, celle qui attire le plus grand nombre de touristes, reste la baleine franche australe. Les eaux abritées, moins profondes et donc chaudes du Golfo Nuevo (au sud) et du Golfo San José (au nord) sont des zones de reproduction de ces mammifères, de juin à la mi-décembre. La baleine franche australe est un cétacé à fanons de 15 à 17 m de longueur et de 80 à 90 tonnes. C'est également un animal excentrique par ses comportements. Contrairement au Saint-Laurent où les baleines se nourrissent et sont occupées à chercher leur alimentation, dans la péninsule de Valdès, les baleines franches se reproduisent. Elles passent alors leur temps à se côtoyer, à s'accoupler ou à mettre bas.

Pour les voir, il faut se rendre à Puerto Pirámides, un petit village de 250 habitants, lieu de villégiature de 1000 à 1200 baleines franches. D'ailleurs, les Argentins nomment ce petit village la capitale des baleines. Ici, six compagnies offrent des croisières aux baleines d'une durée d'une heure et demie. La plupart se font sur des petites embarcations. Les plus recherchées, donc les plus achalandées, sont les pneumatiques... à éviter si vous désirez bien apercevoir les baleines. L'une des meilleures compagnies d'excursion aux baleines est Botazzi, une entreprise fondée par une famille argentine de Buenos Aires d'origine italienne.

Romina Botazzi, la fille du propriétaire, me résume très simplement la situation : «La saison des baleines commence au mois d'août, mais les baleines sont là depuis le mois de juin. Aujourd'hui, plus de 50 % des touristes sont des étrangers : Étasuniens, Européens, quelques Japonais et peu de Sud-Américains. Parmi ces étrangers, ceux qui viennent en plus grand nombre sont les Français et les Allemands. La clientèle argentine commence à s'intéresser à l'écotourisme dans la péninsule depuis peu de temps. Les gens ne viennent pas ici par hasard. Ils veulent voir les baleines. Ils savent par la presse ou par les films que c'est ici, dans la péninsule de Valdès, que l'on peut en voir à coup sûr et facilement. Ils viennent pour ça... uniquement pour ça.»

Les six entreprises qui exploitent des bateaux de croisières aux baleines améliorent leur matériel d'année en année. Chacune reçoit entre 15 000 et 20 000 passagers chaque année.

Surnommé «Néné», Edgardo Darbaro est le capitaine du navire d'excursion. Edgardo aime les baleines et ne manque aucune croisière. Il connaît chacune d'entre elles qu'il identifie soit par sa pigmentation, soit par une blessure sur le dos ou sur la queue, soit par la disposition des colonies de parasites sur les callosités de la tête. Certains individus montrent un comportement bien particulier également.

Baleineaux

«Aujourd'hui, nous avons entre 100 et 200 baleines franches dans le Golfo Nuevo, m'informe-t-il, et il y a trois semaines, il y en avait 500 dans ce secteur.»

La saison de reproduction se termine au début de décembre et durant cette fin de saison aux baleines, seules quelques femelles accompagnées de leur baleineau âgé entre quatre et six mois nagent dans le secteur. En tout, les scientifiques ont enregistré l'année dernière 1200 baleines franches dans le Golfo Nuevo (sur une population totale estimée à 7500 individus dans l'hémisphère Sud) et cette population augmente de 7 % chaque année! Voilà une bonne nouvelle pour les écologistes.

À savoir

Liaisons aériennes

Il n'y a pas de vol direct pour Buenos Aires à partir du Québec. Il existe deux façons de se rendre en Argentine. La première est la liaison avec Air Canada de Montréal ou de Québec vers Toronto et, de là, le vol direct Toronto-Buenos Aires (12 heures de vol). L'autre façon consiste à prendre des vols mexicains ou sud-américains entre le Canada et n'importe quelle destination en Amérique latine et, de là, à rejoindre Buenos Aires.

Comment s'y rendre

À partir de Buenos Aires, plusieurs compagnie d'autobus desservent la Patagonie plusieurs fois par jour. Ces autobus sont confortables et ne ressemblent en rien à ce que nous avons en Amérique du Nord. Le service à bord (déjeuner, dîner et souper) est inclus dans le prix du billet. Il faut compter environ 290 pesos (soit près de 96 $CAN) pour un aller simple entre Buenos Aires et Puerto Madryn (1350 km). Pour plus d'informations : www.donotto.com.ar ou www.quebus.com.ar

Informations utiles

-Le climat : les saisons sont inversées en Amérique du Sud par rapport au Canada. Lorsque c'est l'hiver au Québec, c'est l'été austral en Argentine. Pour voir les baleines, il est conseillé de s'y rendre entre septembre et décembre. La température à Buenos Aires se situe entre 20 et 30 °C durant le printemps et autour de 20 °C dans la péninsule de Valdès. Attention, c'est venteux sur la péninsule et sur le bord de l'Atlantique Sud.

-La langue : l'espagnol est la langue officielle en Argentine, mais l'anglais est également utilisé dans les principaux sites touristiques.

-La monnaie : le peso. Un dollar canadien est égal à trois pesos. Le dollar américain est accepté partout, ce qui n'est pas le cas du dollar canadien. Il est fortement conseillé d'avoir de l'argent comptant sur soi. Les cartes de crédit sont généralement acceptées dans les principaux points de vente et dans les distributeurs.

Adresses

-Consulat d'Argentine au Québec : 2000, Peel, suite 600, Montréal Tél. : 514 842-6582 www.consar genmtl.com ou www.argentina-Canada.net

-Bottazzi, Puerto Piràmides : www.titobottazzi.com

-Office de tourisme de Puerto

Pirámides : www.puertopiramides.gov.ar

-Réserve de la péninsule de Valdès : www.peninsulavaldes.org.ar

-Office de tourisme de Puerto Madryn : www.madryn.gov.ar