«J'ai peur, mais je n'ai pas le choix», lance une femme en débarquant à l'aéroport de Mexico. Comme elle, la plupart des passagers ont voyagé par obligation et chacun s'efforce de dominer son angoisse face à la menace de la grippe porcine.

«Ta santé est entre tes mains. Protège-toi de l'épidémie», signalent les affichettes du ministère mexicain de la Santé, placardés sur les murs de l'aéroport, où l'ensemble des employés arborent un masque de chirurgien.«Oui les gens ont peur lorsqu'ils le voient. On essaie de les rassurer en disant que c'est une simple mesure de précaution», confie à l'AFP José Manuel Velazquez, un agent des services d'immigration.

Depuis le lancement de l'alerte sanitaire vendredi, le nombre des arrivées n'a cessé de chuter et les avions atterrissent à moitié vide.

Pour Francisco Morales, un porteur de bagages de 22 ans, un peu désoeuvré dans les allées désertées, les journées sont désormais tranquilles. «Ils ont tous la trouille ou quoi», raille-t-il, à l'arrivée d'un vol en provenance du Chili, qui n'a trouvé que 70 preneurs sur 240 places.

Parmi eux, Eva Portales, une fonctionnaire chilienne de 56 ans, a embarqué avec une valise débordant de masques et de médicaments anti-grippaux destinés à son mari, employé sur une plate-forme pétrolière dans le golfe du Mexique.

«Je suis très inquiète pour lui car il est dans une zone de fort transit. Les stocks sont complètement épuisés là-bas», glisse-t-elle.

Dans son avion, des protestations ont fusé contre les hôtesses qui portent toutes un masque mais n'en ont pas à proposer. «Si le vol est maintenu, il n'y a pas de raison de s'inquiéter», réplique sèchement l'une d'elle, alors que plusieurs compagnies ont suspendu leurs liaisons vers le Mexique.

Fernando Eris, un entrepreneur argentin de 67 ans, a pensé à en acheter un. La grippe porcine ne l'a pas fait renoncer à son déplacement annuel au Mexique, mais il redoute le passage à l'aéroport qu'il considère comme un «bouillon de culture».

Avant de fouler le sol de l'aéroport, Ruben Zared, 47 ans, un rabbin argentin venu officier dans la capitale mexicaine, a préféré les prières pour conjurer le sort. «La grippe est un signal de Dieu pour nous montrer sa puissance», lance-t-il, prophétique.

Mais les étrangers sont plutôt rares au terminal des arrivées, où l'on croise en majorité des Mexicains, de retour de vacances ou d'un voyage d'affaires, partagés entre fatalisme et irritation.

«Je serais bien restée à l'étranger, mais j'ai toute ma famille ici et je dois reprendre le travail», explique avec nervosité Blanca Godinez, qui étudie le droit à Cuernavaca.

«Je suis plus préoccupé que paniqué. Les autorités font tout ce qui est possible pour contenir l'épidémie», tempère Recaredo Arias, un assureur de 54 ans, qui n'apprécie guère l'expression de «grippe mexicaine», découverte dans les journaux.

Ce climat d'angoisse exaspère Patricio Bolino, cadre d'une entreprise de télécommunications de Mexico, qui a demandé au personnel de travailler à domicile. «C'est de l'hystérie collective, tout cela est très exagéré», soupire ce solide gaillard de 36 ans.

Au terminal des départs, en revanche, l'ambiance est plus détendue. Salarié de la firme automobile allemande BMW, Juliano Alonzo, un Argentin de 34 ans, n'est pas fâché de quitter le pays sur ordre de son employeur. «Je pars à temps», glisse-t-il, tout sourire.

Ce ne sont pas les chauffeurs de taxis de l'aéroport qui lui donneront tort, à l'image de Carlos Reyes, 39 ans, dont les conseils glacent les nouveaux arrivants : «lavez-vous les mains toutes les dix minutes et ne les posez même pas sur le comptoir de votre hôtel, le virus s'y trouve peut-être».