La Terre de Feu, ainsi nommée par Magellan en 1520, a l'austérité dans la peau. Dépouillée de tous ses oripeaux, elle jette à la mer le peu qui reste de notre grand continent, chaîne des Andes comprise! Pourtant, elle a son charme, à condition de la découvrir à petites doses, au rythme d'un bus par exemple, durant le court été austral. En poche, un livre de Francisco Coloane, auteur chilien qui raconte à merveille la vie dans les estancias du siècle dernier comme celle des pêcheurs du canal de Beagle.

De Punta Arenas, au sud du détroit de Magellan, côté chilien, il n'y a qu'une seule voie «facile» d'accès pour Ushuaïa, capitale de la Terre de Feu argentine, et elle passe par le nord, avec 11 heures de bus pour voir du pays! Tôt le matin, il fera ainsi un long détour pour rejoindre la route 3, qui descend de Buenos Aires par la côte atlantique pour finir dans le parc national de la Terre de Feu, au kilomètre 3079...

Pour l'heure, un traversier attend à l'entrée est du détroit de Magellan et une armée de petits dauphins nous y offrent un vrai ballet aquatique. Le nord de la Terre de Feu est tout en steppes, ondulantes comme de la houle et ressemblant à s'y méprendre à leurs soeurs patagoniennes : terre sèche, touffes de coiron, buissons, estancias isolées... Les moutons se font rares; quelques flamants roses se reposent au bord d'un étang; un guanaco au museau noir, cousin du lama, est parfois fièrement perché sur un tertre.

Après la ville de Rio Grande, la route quitte la côte atlantique pour le sud. La pampa n'est plus dorée mais rougeâtre, cédant bientôt la place aux Andes et à une route en lacets qui débouche, enfin, sur Ushuaïa. La ville étagée ne présente guère d'intérêt que son cadre : adossée au massif andin, au bord du canal de Beagle, face à l'île chilienne Navarino, encore plus au sud. Sur le port, des navires de croisière et des voiliers sont en partance pour l'Antarctique. Quelques musées valent le détour, notamment celui «de la Fin du monde», avec sa belle salle de cartes anciennes sur la Terre de Feu et des photographies usées d'Indiens yamanas, premiers occupants du territoire. Sur le quai, aussi, le sympathique café Ramos Generales est installé dans un ancien magasin général qui se visite comme un musée.

Voir les manchots de près

Pour aller voir de près des manchots de Magellan, le mieux est un tour guidé avec Pina Tour. Une longue route de terre aboutit à l'Estancia Haberton, la plus ancienne de la Terre de Feu, avec musée et salon de thé. En bateau sur le canal de Beagle, on rejoint l'île Martillo, réserve naturelle de manchots, qui n'accueille que 20 personnes à la fois. Les manchots ne sont pas farouches et se laissent photographier facilement près des trous où ils nichent. La colonie (2000 couples, plus les jeunes avant qu'ils aient cinq ans) est disséminée sur la plage et dans des bosquets autour desquels on déambule par un petit chemin. Au retour, le minibus fera arrêt près d'un barrage de castor, dont les ancêtres ont été importés du Canada en 1946, puis sur les hauteurs près d'un beau lenga qui a poussé bien penché, sous l'effet du vent.

À l'ouest d'Ushuaïa, l'attraction principale est le parc de la Terre de Feu, avec ses sentiers de courte randonnée. L'un d'eux part du fond de la baie Lapataia, qui débouche dans le canal de Beagle. Il mène à une petite plage déserte, d'où l'on a une vue magnifique sur le canal et quelques îles, sur fond de montagnes. C'est bien la fin du périple vers le sud. Demain, il faudra prendre la route du Nord et remonter - tranquillement - jusqu'à Buenos Aires la bouillonnante.

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Ce voyage a été rendu possible grâce à la compagnie aérienne Lan.


 

Photo: Diane Turcotte

Café Ramos Generales à Ushuaïa.