L'étudiante américaine, seins nus, se trémousse frénétiquement aux rythmes de la «techno» dans le petit bassin de la piscine de l'hôtel, encouragée par les hurlements d'une bande de jeunes compatriotes aussi alcoolisés qu'elle.

Un gardien d'une compagnie de sécurité, armé, regarde à distance, chassant d'une main les gouttes de sueur de son visage...Cette scène, prise sur le vif à Acapulco, sur la côte mexicaine du Pacifique, se reproduit à des centaines d'exemplaires en cette fin mars dans les autres grandes stations balnéaires du pays, rendez-vous annuel des orgies des «vacances de printemps» des universités des Etats-Unis.

Les jeunes fêtards d'Acapulco, Cancun ou Puerto Vallarta ont passé outre aux avertissements officiels des autorités américaines. Washington a mis en garde à plusieurs reprises ses ressortissants contre les dangers d'un voyage au Mexique, en raison de la flambée de la criminalité locale liée au trafic de drogue. Quelque 6500 morts violentes depuis janvier 2008...

Washington a décidé d'accentuer son appui au gouvernement mexicain dans sa lutte contre les trafiquants et l'expédition de la cocaïne vers les Etats-Unis, premier client mondial.

Le thème sera au centre de la première visite officielle au Mexique en tant que chef de la diplomatie américaine de Hillary Clinton, les 25 et 26 mars, et de celle, en avril, du président Barack Obama.

Sara Fox, 21 ans, de l'Université de New York, soigne une gueule de bois carabinée: «nous avons réservé il y a très longtemps, et ensuite nous avons commencé à entendre parler d'enlèvements et de décapitations. Ca m'a rendu très nerveuse, mais nous n'avons pas pu obtenir de remboursement», explique-t-elle.

Les craintes se sont manifestement estompées au fil des cocktails et des bières, cadeaux inépuisables du «5 étoiles» qui les accueille à bras ouverts malgré leur réputation sulfureuse, résultat d'une accumulation de nuits de débauche.

Ces étudiants en vacances ne représentent qu'une frange des 22 à 23 millions de touristes étrangers qui affluent chaque année au Mexique, des Etats-Unis pour la plupart. Mais ils constituent aussi «un investissement pour l'avenir», selon le directeur de l'hôtel, José Salgado Nava, qui préside aussi l'Association locale de l'hôtellerie et du tourisme.

L'affluence de ces «vacanciers de printemps» a diminué de 20% cette saison, mais davantage en raison de la crise économique mondiale que des craintes pour la sécurité, estime-t-il.

Au plan national, le tourisme continue de bien se porter au Mexique, dont il est la troisième source de devises, derrière le pétrole et les mandats des travailleurs émigrés aux Etats-Unis, expose Carlos Behnsen, directeur général du Conseil national de promotion touristique: «les deux premiers mois de 2009 ont été très positifs dans les principales destinations, avec une légère augmentation sur la même période de l'an dernier».

La crise, paradoxalement, sera peut-être un atout pour le Mexique: nombre de rapports prédisent que les Américains du nord, touchés dans leur niveau de vie, vont partir en vacances moins longtemps et moins loin. Et pour nombre d'entre eux, le Mexique est la destination la plus proche.

«Notre souci, c'est pour l'avenir. Il y a beaucoup de désinformation aux Etats-Unis, et les gens hésitent à se rendre au Mexique», poursuit M. Behnsen.

C'est pourquoi les professionnels mexicains ont lancé une campagne auprès de plus de 2000 agences de voyages américaines et canadiennes, pour expliquer qu'aucun touriste n'avait été victime de la violence liée au trafic de drogue.

«Tout cela se produit entre membres des cartels, ou entre eux et la police», insiste M. Behnsen.

Lucas est d'accord: «je n'ai pas envie de rentrer chez moi, j'ai passé ici une des plus belles semaines de ma vie, et je plains ceux qui ont renoncé au voyage».