Rio a vécu lundi soir une seconde nuit au rythme des fastueux défilés des écoles de samba rivalisant pour le titre convoité de championne du carnaval 2009, une fête frénétique sur fond, cette année, de crise mondiale.

Pour la deuxième nuit consécutive, quelque 70 000 cariocas et touristes ont rempli les tribunes du Sambodrome, une enceinte construite il y a vingt-cinq ans par l'architecte Oscar Niemeyer pour cet événement annuel, considéré comme le plus grand spectacle du monde.Six nouvelles écoles, dont celle de Mangueira, la plus populaire et la plus ancienne, ont descendu l'avenue Marques de Sapucai, longue de 700 mètres et bordée de tribunes, en 82 minutes maximum.

Le jury, qui juge les douze écoles de l'élite sur dix critères très stricts (costumes, rythme, originalité des thèmes, évolution des danseurs...), rendra mercredi après-midi son verdict attendu par toute une ville.

Depuis vendredi dernier, tout le Brésil s'est pratiquement arrêté pour participer aux grands carnavals (Rio, Salvador de Bahia, Recife, Sao Paulo) comme aux innombrables «blocos», ces rassemblements joyeux qui réunissent de quelques centaines à des dizaines de milliers de fêtards.

Cette année, l'envie de faire la fête «sans retenue», selon le mot d'ordre de Momo, le roi du carnaval, a paru encore accru par la cascade de mauvaises nouvelles affectant le Brésil. Le pays connaît à son tour les licenciements massifs, pour la première fois depuis l'arrivée au pouvoir en 2003 de Luiz Inacio Lula da Silva, un ancien syndicaliste.

«Le chômage empire, mais ce soir le carnaval fonctionne comme une soupape», a déclaré dimanche soir une jeune employée de maison, Rosa Soares, venue défiler pour Grande Rio.

Aucun signe d'austérité n'était en effet visible dans les somptueux défilés, mais les écoles ont parfois dû s'endetter lourdement pour boucler un budget s'élevant en moyenne à 3 millions de dollars.

Pour les spectateurs - et les millions d'autres qui doivent se contenter de la télévision -, les défilés de lundi soir ont encore une fois justifié leur magie, dans un débordement de couleurs, de percussions assourdissantes, de costumes extravagants, de chars allégoriques monumentaux. Sans oublier les danseuses les plus en vue - «passistas» et «reines de la batterie» - tout juste couvertes de quelques paillettes.

Une des plus attendues jusque tard dans la nuit, l'école de Mangueira a puisé son inspiration dans «le peuple brésilien», son mélange de races et de traditions entre les indiens natifs, les esclaves africains et les immigrés européens.

Mais c'est Portela qui a le plus enthousiasmé le public, de l'entrée du premier char avec l'aigle traditionnel de l'école, à une représentation du Taj Mahal, en passant par une tête de chien articulée, un défilé spectaculaire évoquant l'amour sous toutes ses formes. Avant elle, Salgueiro a fait du bruit avec une évocation du tambour, un instrument essentiel dans la culture musicale brésilienne.

La dernière école, Viradouro, a mis en scène la préservation de la nature dans un défilé prenant fin à la levée du jour.

La veille au soir, Lula, toujours au faîte de sa popularité, avait été le premier président à se rendre au Sambodrome depuis 1994. Il était venu soutenir son école de coeur, la célèbre Beija-Flor, qui a déjà raflé cinq titres depuis 2000, dont ceux des deux dernières années.

Cette école avait fait dimanche soir forte impression, avec Grande Rio qui avait pris pour thème la France en cette année culturelle France-Brésil, et Vila Isabel qui rendait hommage au Théâtre municipal centenaire.