Avec ses plages de sable fin qui s'étirent sur trois kilomètres, Cayo Levisa est un paradis pour les touristes du monde entier, sauf pour les Cubains interdits de séjour sur cet îlot trop près des États-Unis où ils pourraient avoir envie de fuir.

Pour les autorités cubaines, ce sont les Américains qui sont responsables de cette situation en encourageant l'émigration illégale des Cubains.

Cayo Levisa est une destination très prisée par les touristes européens dans la province occidentale de Pinar del Rio, mais elle est située à 250 km de Key West, ce qui en fait le plus proche îlot cubain des États-Unis et pour cette raison le seul «interdit» aux vacanciers cubains.

Ilia, une Allemande, et son mari Martin Christov, un Bulgare, sont enchantés de leur séjour dans ce «véritable paradis», mais regrettent l'absence de vacanciers cubains.

«Ce serait plus intéressant si nous pouvions partager avec les Cubains», dit Ilia, une traductrice.

Le président cubain Raul Castro, qui a succédé en février 2008 à son frère Fidel, a autorisé en mars dernier les Cubains qui en ont les ressources financières, dans un pays où le salaire mensuel moyen est de 20 dollars, de loger dans les stations balnéaires qui étaient jusque là réservées aux touristes étrangers.

Cette mesure d'interdiction était en vigueur depuis le développement du tourisme international sur l'île communiste en 1993, un secteur qui procure à ce pays pauvre l'une de ses principales rentrées en devises avec l'accueil de plus de 2,3 millions de touristes en 2008.

Le gérant du complexe touristique de Cayo Levisa, Wilfredo Quintana, explique que les vacanciers cubains ne sont pas encore admis sur cet îlot «pour des raisons de sécurité».

«On ne peut pas prendre le risque de voir un bateau plein de touristes être détourné» vers les États-Unis, précise-t-il en référence aux vols ou détournements d'embarcations par des Cubains afin d'émigrer clandestinement.

«Quand la loi d'Ajustement n'existera plus, alors on verra», ajoute-t-il.

La loi américaine d'Ajustement (1966) prévoit pour les Cubains émigrant clandestinement vers les États-Unis le droit d'asile, un permis de travail et autres avantages rendant alléchante la traversée parfois très périlleuse.

Après la fin de l'URSS et de ses généreux subsides en 1991 qui a entraîné des pénuries énormes sur l'île soumise depuis 1962 à un embargo commercial et financier américain, des milliers de Cubains, les fameux balseros, ont gagné les côtes américaines à bord d'embarcations de fortune.

En 1994, pour contrôler l'afflux de réfugiés, Washington a signé un accord avec La Havane qui prévoit l'octroi de 20 000 visas annuels et l'accueil de ceux qui parviennent à gagner les côtes: c'est la loi dite «pieds secs, pieds mouillés». Dix ans plus tard, quelque 250 000 Cubains en ont bénéficié.

Mais la politique intéresse peu Olivia, une Cubaine de 51 ans, désolée de n'avoir pu rejoindre à Cayo Levisa sa fille qui, résidant en Italie, était venue passer des vacances à Cuba.

«Tôt ou tard, il faudra lever cette interdiction totalement absurde», dit-elle.