Confrontée à des difficultés économiques et pressée par le temps, la Tunisie veut changer son image pour sauver la saison touristique 2014 après trois ans d'instabilité, en misant notamment sur les réseaux sociaux.

Pour «changer un pays qui est plus ou moins bon marché en un pays de très haute qualité, il faut presque 10 ou 15 ans. Mais changer l'image d'un pays bon marché en un pays où il y a du ''fun'', ça peut se faire beaucoup plus rapidement, et c'est l'une de nos priorités», explique la ministre du Tourisme, Amel Karboul, en référence à l'image de la Tunisie, où des séjours sont bradés pour quelques centaines d'euros.

Le pays espère accueillir 7 millions de touristes en 2014. Il en recevait 6,9 millions en 2010, avant de voir ce nombre dégringoler à 4,7 millions en 2011, après la révolution, pour remonter ensuite lentement la pente les deux années suivantes.

Les campagnes de publicité classiques «coûtent énormément d'argent et leur impact, on ne le connaît pas, il est (sur le) très long terme et la Tunisie a des moyens très limités», dit Mme Karboul, dont la durée du mandat, comme celle du reste du gouvernement, est incertaine, car liée aux élections attendues d'ici la fin de l'année.

«Guerre des étoiles»

Aussi le ministère a-t-il décidé de surfer sur le succès du tube «Happy» de l'Américain Pharrell Williams, dont le clip-concept de 24 heures a inspiré des milliers de personnes à travers le monde, qui se sont filmées dansant sur la chanson.

Pour se distinguer, le ministère a eu l'idée de mettre en scène les personnages de La Guerre des étoiles, pour rappeler que des scènes de ces films cultes ont été tournées dans le sud tunisien.

Aussitôt publié, Happy from Tatooine (la planète d'origine des personnages principaux de la saga, inspirée par la ville tunisienne de Tataouine) engrange les vues sur YouTube, jusqu'à approcher 1,5 million.

Pharrell Williams lui-même a partagé la vidéo sur son compte Twitter.

«Il y a des fans (de La Guerre des étoiles) aux États-Unis, dans les pays scandinaves, en Asie, en Amérique du Sud, où la Tunisie n'est pas connue», a dit Mme Karboul la semaine dernière à un petit groupe de journalistes, dont l'AFP. «Ça va faire connaître la Tunisie, surtout les régions».

Un incident impliquant des touristes israéliens empêchés d'entrer en Tunisie lors d'un passage en bateau a cependant récemment jeté une ombre sur cette image d'ouverture, et le croisiériste a annoncé l'annulation de toutes ses escales dans le pays en signe de protestation.

Mme Karboul a démenti toute discrimination, et évoqué un problème de visa.

Accalmie relative

Synonyme il y a quelques années encore de soleil et de vacances à la plage -une image lisse qui cachait une dictature sans pitié- la Tunisie a vécu trois années difficiles après la révolution de 2011.

L'année 2013, qui devait être celle de la reprise, a été marquée par l'assassinat de deux opposants de gauche, la mort d'une vingtaine de membres des forces de l'ordre dans des heurts avec des groupes armés et une profonde crise politique.

Le pays vit aujourd'hui une relative accalmie et «est déjà plus sûr», juge Mme Karboul. «Les marchés commencent à frémir, l'Allemagne en tête», affirme-t-elle.

La ministre veut aussi diversifier l'offre touristique, jusque-là très axée sur un tourisme balnéaire: «Le balnéaire restera, mais on essaie de faire en sorte que chaque région ait sa propre personnalité touristique, une spécificité».

Un festival de musique électronique, Les Dunes électroniques, a ainsi attiré des milliers de personnes dans le Sud en février.

L'image devant correspondre à la réalité, la ministre reconnaît la nécessité d'améliorer les services, dans la restauration ou même le ramassage des ordures, un secteur qui a connu plusieurs mouvements sociaux après la révolution, laissant des rues jonchées de détritus.