Les grands acacias surmontés d'une couronne en forme de parasol, les hautes herbes piquées de quelques arbustes, et une ligne de montagnes qui bleuit à l'horizon. À l'entrée du parc du Serengeti, on se sent comme dans Out of Africa. Et l'émerveillement ne fait que commencer...

«Cheetah!» Le walkie-talkie de notre guide, Isaac, crache le mot magique. Un guépard vient d'être aperçu à quelques centaines de mètres de l'endroit où nous nous trouvons, et notre Land Cruiser amorce immédiatement un virage pour rejoindre la bête.

De toute évidence, nous ne sommes pas les seuls à avoir capté le message. Une vingtaine d'autres jeeps foncent vers le lieu où maman guépard et ses deux bébés dégustent tranquillement un impala - sorte de gazelle dont le mâle est orné d'un panache aux rayures noires. Jumelles et appareils photo captent cette scène de vie familiale en plein coeur du parc du Serengeti, gigantesque réserve naturelle dans le nord de la Tanzanie.

Cela ne faisait pas deux heures que nous roulions dans la savane que nous avions déjà vu des zèbres se faire des bisous, des girafes brouter les feuilles des acacias en nous jetant un regard condescendant et des gazelles courir dans les herbes blondes. Nous avions même eu la chance d'assister à une bataille d'hippopotames dans une rivière boueuse, impressionnant affrontement de mastodontes au milieu d'une explosion de jets d'eau.

Mais la présence des grands félins procure toujours un frisson d'excitation aux touristes en safari - mot qui signifie «voyage» en swahili.

Nous étions donc quelques dizaines à observer avec fascination la famille de guépards plonger le museau dans la chair sanguinolente. Et à suivre ensuite le grand jeu de la savane, quand les guépards ont amorcé leur retrait vers l'ombre d'un acacia, sous l'oeil hésitant d'un troupeau de gazelles de Thomson. Allaient-elles continuer leur route, à quelques dizaines de mètres de la famille des prédateurs? Ou rebrousseraient-elles chemin? Courageuses, elles ont continué...

C'est peut-être le moment de faire mon coming out: l'idée de passer mes journées à rouler sur des chemins cabossés pour voir des zèbres ou des lions ne m'avait jamais effleuré l'esprit. Jusqu'à ce qu'au hasard d'un reportage sur un tout autre sujet, je me retrouve à trois heures d'un parc que les guides de voyage décrivent comme l'une des merveilles de la planète. La tentation était trop forte, et le photographe Ivanoh Demers et moi y avons succombé, pour notre plus grand plaisir.

Avant même d'arriver au parc, nous avons dû céder le passage à une girafe qui traversait la route de sa démarche nonchalante. Quelques zèbres, une poignée de gazelles, une famille de babouins: décidément, ça promettait.

Pendant les deux jours qui ont suivi, j'ai rempli mes yeux et ma mémoire d'images d'une beauté saisissante. Et ne mettant pas en scène uniquement les «Big 5» du Serengeti (les cinq habitants les plus féroces des lieux: lion, rhinocéros, éléphant, buffle et léopard). Un babouin qui cherche l'équilibre entre les deux troncs d'un arbre. Un oiseau qui atterrit sur le dos d'un hippopotame. La lumière orangée du soleil déclinant sur un troupeau de quelques centaines de zèbres...

Il n'y a pas que de la beauté dans la savane. Nous y avons croisé de nombreux phacochères - sorte de cochon au groin allongé qui se dispute le palmarès de la laideur avec la hyène et le chacal.

Notre guide, Isaac, ne se faisait pas prier pour partager ses connaissances avec nous. Nous avons ainsi appris que les impalas forment de véritables harems, où une trentaine de femelles appartiennent à un seul mâle. Lorsque ce mâle se fait vieux, un plus jeune le tue, avant de prendre sa place. Voilà qui nous change de la vie de bureau...

Les hippopotames, quant à eux, forment des familles qui défendent jalousement leur territoire. D'où la bataille qui nous avait étonnés, de la part d'un animal qui, comme l'a constaté judicieusement mon compagnon Ivanoh, ne se distingue pas particulièrement par son dynamisme.

Les guides ne sont pas armés: selon Isaac, l'histoire récente n'a retenu aucun cas d'attaque contre des humains. Pour minimiser les risques, il faut connaître les signes annonciateurs d'un coup de colère: l'éléphant qui fait claquer ses oreilles, le lion qui gratte le sol...

Les agressions involontaires contre les animaux sont en revanche monnaie courante. Sur le chemin de retour vers notre camp, nous avons vu un zèbre tenter de se relever sans succès, au bord de la route. Une longue plaie lui barrait le flanc, résultat d'une collision avec une jeep.

Les safaris dérangent-ils les animaux qui se déplacent dans la savane au fil des saisons? Oui, dit notre guide. «Vous n'avez pas remarqué que les guépards n'ont même pas terminé leur repas? Ils ont fui, parce qu'il y avait trop de monde.»

À vrai dire, nous aussi, on a préféré quitter le troupeau de jeeps pour aller suivre nos propres sentiers. La savane est bien assez grande pour ça. Quant à nos guépards, ils ont sûrement réussi à attraper un petit dessert. Avec toutes ces gazelles qui traînaient par là...

Le lieu

Le parc Serengeti est la plus connue des réserves naturelles de la Tanzanie. Inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO, il s'étale sur 15 000 km2 et se prolonge en un autre parc national, celui de Masaai Mara, au Kenya. Avec ses 4 millions d'animaux et ses 500 espèces d'oiseaux, c'est le deuxième parc animalier en importance d'Afrique. Il est réputé pour ses 2 millions de gnous, dont les immenses troupeaux migrent deux fois par année. Malheureusement, au moment de notre passage, ils n'avaient pas encore amorcé leur retour vers la Tanzanie du Kenya, où ils passent la saison sèche.

Où loger

Il existe de nombreux campements à l'extérieur et à l'intérieur du parc. Nous avons opté pour celui d'Ikoma Bush Camp - une trentaine de huttes à toit de chaume et aux murs de toile entourant un bâtiment plus vaste, qui abrite le restaurant et une salle de séjour où l'on peut recharger nos batteries (au propre comme au figuré). Rustique, mais impeccable, avec de l'eau chaude dans les douches et des repas quatre services.

Comment organiser le safari

Ne faites pas comme nous, qui avons totalement improvisé notre séjour. Nous sommes arrivés à l'Ikoma Bush Camp en pensant qu'il serait facile de trouver un guide motorisé sur place. Le patron des lieux a dû remuer ciel et terre pour nous en dénicher un. Leçon numéro un: un safari, ça se prépare...

Plusieurs agences de la ville d'Arusha, grande destination touristique du pays, organisent des safaris. Mais le mieux, c'est encore de planifier le safari à l'avance. Plusieurs voyagistes se spécialisent dans ce type d'excursion, qui permet généralement de traverser plusieurs réserves naturelles tanzaniennes, avant de faire un saut à Zanzibar ou de monter le mont Kilimandjaro.

Chez les Karavaniers, par exemple, on offre des voyages de groupe permettant de visiter les parcs de Serengeti et Tarangire, ainsi que le cratère de Ngorongoro, célèbre pour sa topographie unique qui favorise la concentration d'animaux. Le groupe peut voyager de lodge en lodge, ou encore transporter son propre équipement de camping, pour se sentir encore plus près de la nature. À Uniktour, on privilégie les voyages sur mesure, selon différentes formules, différents degrés de confort et aussi, bien sûr, différents prix. Le nec plus ultra du safari: un petit tour en ballon au-dessus de la savane, qui inclut un petit-déjeuner au champagne.

Combien ça coûte

L'Afrique coûte cher, et les safaris ne sont pas donnés. Chez les Karavaniers, un safari de 7 jours coûte au moins 3300$ par personne, excluant le prix du billet d'avion. Chez Uniktour, il faut prévoir entre 450 et 600$ par personne, par jour. Un safari moyen dure 7 ou 8 jours.