Certains ont le goût de l'aventure. Lorsqu'il a été question des vacances d'hiver, notre journaliste Jean-Sébastien Gagnon a mis le cap sur l'Afrique du Nord, en famille, avec trois enfants âgés de 11 à 14 ans. Ils sont tous revenus enchantés. Récit.

L'aventure a démarré autour d'un repas familial. Le but: passer les vacances de Noël, pour une fois, ailleurs qu'au Québec. Au chaud, idéalement. Mais aussi, nous voulions dépayser les enfants et les amener à connaître une réalité différente de la leur.

À tour de rôle, nous avons suggéré des destinations. La Grèce? Pas en hiver! Le Pérou? C'est un peu loin, non? La Tunisie... Mmm... On y est presque.

Le Maroc l'a emporté au final parce qu'il se présentait comme une destination suffisamment exotique, une introduction facile à l'Afrique, un pays relativement sûr où l'usage du français permettrait aux enfants de communiquer et de tirer un maximum de leur voyage.

Mais surtout, ont opiné Jérémi, Charlie et la cousine Maya, le Maroc comptait deux immenses avantages: le désert et des dromadaires...

Destination Marrakech

Deux mois plus tard, nous touchons terre à Rabat, le temps d'une brève acclimatation dans cette ville plutôt calme. Après quelques pâtisseries, une balade dans sa petite médina et la kasbah des Oudaïa («On dirait la Grèce, mais mal peinturée», dit Charlie), la troupe prend une grande inspiration avant de plonger vers Marrakech-la-très-intense.

Trois cents kilomètres plus loin, nous sommes accueillis dans cette capitale du tourisme marocain par de longues rangées d'hôtels, de restaurants PFK et Pizza Hut. Nous voilà pourtant au coeur du Maroc, aux portes des monts Atlas. Le Sahara se trouve juste derrière.

L'atmosphère devient de plus en plus électrique alors que nous nous enfonçons dans la ville à la recherche d'un hôtel. La richesse cède le pas à la pauvreté, les touristes se font plus rares et les rues poussiéreuses se chargent de dizaines d'enfants et de femmes sous leur burqa. Au fond d'une ruelle mal éclairée, derrière un muret décrépit surmonté de barbelés, un chauffeur de taxi nous mène jusqu'à une maison d'hôte d'une étonnante beauté, le riad Hassam. Sur trois étages autour d'un puits de lumière, nous trouvons des chambres aux murs ocre qui rappellent aux enfants les contes des Mille et Une Nuits.

«On dirait la maison d'Aladin», commente Maya.

À Marrakech, les mobylettes et les triporteurs se faufilent dans un tonnerre de klaxons parmi les touristes. Entre les échoppes des tanneurs et celles des bouchers, les vapeurs d'essence deviennent vite étouffantes, surtout quand on mesure moins de 1m30. Charlie semble de plus en plus inquiète alors qu'on perd le fil dans le labyrinthe de la médina. «J'ai l'impression qu'on n'en sortira jamais», dit encore Maya.

Sur la place Jemaa-el-Fna, coeur battant de cette ville où rien n'est jamais calme, s'élève la fumée des gargotes où l'on grille brochettes et poissons. Le soleil se couche et les tambours des musiciens gnawa se mettent à vibrer, servant de trame sonore aux montreurs de singe, diseuses de bonne aventure et marchands de breloques. Derrière un attroupement de badauds, deux adolescents se livrent un combat de boxe sans arbitre ni décompte.

De retour vers la maison d'hôte, nous empruntons un chemin différent, mais qui offre le même spectacle: des mendiants aux vendeurs d'épices, en passant par les étals de viande où trônent têtes de chèvre et pattes de vache coupées drues.

Les enfants disent pourtant avoir trouvé ce trajet «plus rassurant». C'est peut-être l'expérience du Maghreb qui fait son chemin.

Une maison marocaine

Après la folie de Marrakech, les plages policées d'Agadir semblent bien calmes.

Devant l'armada de touristes européens en gougounes et les hôtels bétonnés, nous choisissons de foncer vers l'arrière-pays. Nous trouvons là, parmi les troupeaux de chèvres qui grimpent aux arganiers, un petit B&B très justement nommé Paradis Nomade.

Amoureux du désert - le patron est un champion du rallye Paris-Dakar - les propriétaires y ont installé une base pour les expéditions en 4x4 vers le Sahara qu'ils offrent aux touristes.

On peut y séjourner dans de petits bungalows avec une jolie vue sur les montagnes, mais nous préférons dormir tous ensemble sous la «tente berbère», sorte de vaste chapiteau fait d'une toile de laine. Les enfants, évidemment, sont ravis.

Comme dans les villes, il faudra s'habituer au chant des muezzins, dès 5h du matin. Lancé de la mosquée voisine, l'appel à la prière se répercute dans toute la vallée. Il est tôt, trop tôt: j'ouvre un oeil mais me rendors vite, rassuré. Tout ira bien: Allah est grand.

C'est à Essaouira, jolie ville côtière enserrée dans ses remparts, que la balade en dromadaire est expédiée.

Nous avions choisi cet endroit pour sa réputation de beauté, un peu de surf et une abondance de restos bon marché. Nous y avons ajouté un premier hammam: une expérience aussi intime que singulière, où toute la famille s'est frotté le dos avec un gros savon noir et un gant de crin.

Mais surtout, l'immense plage d'Essaouira se prêtait le mieux à une aventure à dos de camélidé.

Plus confortable que prévu, le dromadaire est un animal au caractère doux dont la démarche lente et chaloupée porte à la méditation. Le paysage défile doucement... Il n'y a rien à faire puisque les bêtes se suivent à la queue leu leu. Le silence de la caravane n'est troublé que par cet incroyable bruit d'évier produit par les dromadaires lorsqu'ils croisent un congénère. Et cette langue immense... Beurk!

Au bout d'un moment Jérémi, pourtant l'un des plus farouches partisans de la marche en dromadaire, capitule. «C'est un peu plate, non? Une chance qu'on n'a pas fait une caravane de trois jours!»

Nous n'avons jamais atteint le désert. Après avoir tripoté la carte du Maroc dans tous les sens, une conclusion s'est imposée: voir le Sahara prend du temps. Quinze heures pour s'y rendre de Marrakech, le long d'une route sinueuse entre les monts Atlas, puis la visite... Et encore faut-il en revenir! Y foncer en voiture aurait eu raison tant de notre horaire que de l'estomac des enfants.

Nous avons eu notre dose de dépaysement. Fouler le plus vaste désert du monde? Certainement une prochaine fois.