Madame Mutter, ich esse gerne Butter. Madame mère, j'aime bien manger du beurre.

La rime qu'avait inventée le jeune Mozart rappelle le célèbre rire du film Amadeus de Milos Forman. Il faut avoir un esprit particulièrement coquin pour faire rimer «mère» et «beurre».

En visite au musée Mozart de Salzbourg, j'ai traduit la rime à ma fille Jeanne, qui a 9 ans et joue du piano depuis quelques années. Elle m'a regardé d'un drôle d'air. Elle aime bien jouer la Petite Musique de nuit, mais elle n'apprécie guère l'humour de Mozart - ni celui de son papa. Pas plus Mutter-Butter que le rire du Mozart de Forman, que nous avons vu l'hiver dernier.

Cette anecdote relatée à la maison de naissance de Mozart illustre bien le souci du détail dont fait preuve Salzbourg dans la commémoration de son illustre enfant. Le musée regorge de souvenirs intimes - des mèches de cheveux, des plumes, des carnets, le violon d'enfant de Mozart - qui sont admirablement présentés par le metteur en scène américain Robert Wilson, qui a notamment travaillé avec Philip Glass. Les pièces sont sombres, des petites ouvertures illuminées mettent en valeur les objets, on baigne dans une atmosphère mystérieuse qui n'est pas sans rappeler le célèbre Requiem que - selon Forman - Mozart aurait composé pour lui-même.

On peut néanmoins apprécier l'impact qu'ont eu les voyages imposés par son père sur le jeune homme. Jusqu'à l'adolescence, il a passé plus de temps sur la route que chez lui à Salzbourg. Les cartes donnent le vertige, surtout quand on a à côté de soi une jeune pianiste en herbe. Jeanne avait de la difficulté à comprendre l'ampleur de la perturbation qu'a vécue le petit Mozart: c'était tout simplement inimaginable pour son esprit bien ancré dans son Montréal natal.

Jeanne s'est davantage intéressée aux maquettes d'opéra installées à la fin de l'exposition, qui sont directement copiées des plans originaux. Elle insistait parfois pour que je la soulève pour qu'elle voie bien la Flûte enchantée, Così fan tutte, ou le Barbier de Séville. La naïveté des personnages de carton-pâte seyait particulièrement bien à la jeunesse de l'esprit de Mozart.

Plus tard, à la maison qu'habitait Mozart adolescent, Jeanne a écouté religieusement les descriptions de ses relations avec sa soeur - seule survivante d'une fratrie de six morte en bas âge - et sa mère, et des soirées données par son père pour émerveiller le tout-Vienne. Une halte dans un café fréquenté alors par Mozart, Tomaselli, l'a tout autant charmée, avec ses règles - on commande les boissons à une personne, les gâteaux à une autre. Et le chocolat Mozartkugel inventé par le pâtissier Fürst voilà 120 ans a conquis le palais de ma petite pianiste.

On peut aussi faire halte devant la statue de Mozart dans la place homonyme, devant les tombes de son père et de sa femme Constance dans le cimetière Saint-Sébastien, et le palais Mirabelle où Mozart et son père jouaient pour le «prince archevêque» qui régnait sur la ville.

Une visite de Salzbourg ne serait pas complète sans un petit tour au château érigé au XIe siècle et amélioré jusqu'au XVIIe siècle. La collection d'armes antiques est intéressante, tout comme le musée consacré au front italien durant la Première Guerre mondiale. Mais le clou du château est sans contredit la salle du trône, tout en bois richement travaillé et peint. Durant l'été des concerts de musique de chambre sont donnés dans une petite salle du château, dont les fenêtres donnent sur la vieille ville.

On peut accéder au château par un funiculaire, mais la randonnée de retour vaut la peine d'être faite à pied. On peut aussi faire la crête de la colline où est situé le château, et terminer la promenade avec une bière à la brasserie (Bräustübl en autrichien) Augustiner, qui offre plusieurs salles et un grand jardin où on peut boire et manger ce qu'on achète dans les multiples stands. C'est un rendez-vous familial pour les Salzbourgeois, ce qui constitue un répit fort apprécié des hordes de touristes arpentant la vieille ville.