Prendre le bus à Malte, l'ancienne colonie britannique, c'est faire un voyage dans le temps des années 60. Pour descendre à l'arrêt, il faut encore actionner une corde qui court tout le long du véhicule pour alerter le chauffeur. Quant aux passagers debout, ils peuvent se tenir à de vieilles lanières de cuir qui pendent du plafond.

Mais les bus sont rarement pleins, car comme partout ailleurs dans le monde, l'automobile gagne du terrain et la moitié de population de la petite île méditerranéenne (400 000 habitants au total) dispose aujourd'hui de son propre véhicule.

Gérés par des entreprises familiales, ces bus ont été construits à Malte avec des moteurs Leyland, Ford ou Dodge importés.

«La population nous est reconnaissante de maintenir les bus en état de marche», affirme John Xerri, propriétaire d'une société qui possède quatre autobus qu'il conduit lui-même avec ses deux fils.

Il écarte d'un revers de main la possibilité que les vieux véhicules n'offrent pas les mêmes garanties de sécurité que les nouveaux qui ont commencé à leur faire concurrence.

«Les freins et les moteurs sont les mêmes. Nous sommes constamment en train de les réparer ou de les adapter et ils sont soumis à un contrôle technique chaque année», fait valoir le chauffeur, ajoutant que l'un de ses fils, mécanicien, est chargé de la maintenance des véhicules de la société.

De couleur jaune avec un toit blanc, les bus accueillent les passagers avec un «Bienvenue à bord» peint sur leurs portes.

Mais chaque société apporte sa touche personnelle. Ainsi le car de Joseph Zammit est décoré d'une pietà en plastique représentant la Vierge tenant le corps du Christ crucifié dans ses bras.

Sur la glace qui sépare le chauffeur du public, il a aussi collé une image de saint Philippe, saint patron de la localité de Zebbug, petite ville du nord-est de l'île où le bus a été fabriqué en 1969.

La tradition

La tradition de donner aux bus le nom d'un saint, d'une reine, d'un opéra ou d'une bataille remonte aux années 30.

Aimés des touristes et de la grande majorité de la population, les bus sont critiqués par ceux qui veulent moderniser l'île.

«Nos bus sont plus faciles à entretenir que ceux d'aujourd'hui qui sont bourrés d'électronique et qui demandent des mois pour être réparés. Nous, nous pouvons changer un moteur en une journée et une boîte de vitesses en une heure», argumente Joseph Zammit (53 ans).

Paradoxalement, l'adhésion de Malte à l'Union européenne en 2004 a permis de sauvegarder les anciens autobus.

«Avant l'entrée de Malte dans l'UE, le gouvernement avait entrepris d'en remplacer une partie pour des raisons de sécurité et de pollution», explique Maria Attard, une experte du secteur des transports de l'Université de Malte.

«Mais comme les subventions au secteur des transports sont interdites par l'UE, le gouvernement a dû cesser de financer le remplacement des bus», ajoute-t-elle.

«Le secteur du tourisme souhaite aussi que les vieux bus continuent à sillonner les routes», remarque l'universitaire.

Les autobus bringuebalants sont l'un des symboles de l'île et figurent sur les T-shirts vendus par les boutiques de souvenirs.

Mais Joseph Zammit craint malgré tout que le nouveau gouvernement ne tente de se débarrasser de ces antiquités roulantes qui font partie «de notre culture».

«Une histoire qui ne finira jamais», proclame, plus optimiste, un slogan collé à l'arrière d'un car.