Nicosie incarne à elle seule l'histoire contemporaine mouvementée de Chypre. Grecque, occidentale, commerciale et trépidante côté Sud. Turque, orientale, culturelle et relaxante côté Nord. Toujours séparées par un no man's land étroitement surveillé par les deux forces armées, les deux entités sociopolitiques de la «dernière capitale divisée» au monde n'ont jamais été aussi proches depuis 30 ans.

Nicosie, ce sont deux villes en une, deux capitales en une seule. Si Nicosie-Sud est plus trépidante que la moitié nord de la ville, comme en témoigne la rue Ledra, artère commerçante principale, sa voisine a bien plus d'attraits.

Une balade le temps d'un après-midi nous fait rapidement traverser la cité grecque d'ouest en est. Après avoir serpenté dans les rues Ippokratous, Thrakis et Trikoupi, la mosquée Omeriye est le premier arrêt digne de ce nom. Un peu plus loin, autour de la place Kyprianou sont concentrés le palais de l'archevêque de Chypre, la Fondation culturelle Makarios, l'église Agios Ioannis et le musée d'ethnographie. Une fois passé devant l'ancienne porte de Famagouste, la rue Leoforos Athinas se termine abruptement 400 mètres plus loin. Des barbelés et un poste de garde aux couleurs des Nations unies indiquent que l'on ne va pas plus loin. D'ici et jusqu'à l'extrémité ouest de la vieille ville, se dessine un no man's land de la largeur d'un pâté de maisons détruites et abandonnées: la fameuse ligne verte, tracée arbitrairement sur une carte par un officier britannique dans les années 60 à l'aide d'un crayon vert.

Cette particularité et ce symbole de cette capitale de deux pays sont en fait ce qu'il y a de plus curieux du côté grec: une rue bouchée par un mur de béton, une guérite installée à une intersection, un check-point gardé par des militaires en arme que jamais personne ne traverse. L'atmosphère et le décor sont plantés. Envoûtant, mais pas aussi invitant côté turc.

En se baladant, on revient irrémédiablement rue Ledra. Celle-ci mène aujourd'hui directement au seul check-point de la vieille ville ouvert au public. Par ce récent point de passage transitent touristes, travailleurs chypriotes-turcs et citoyens chypriotes-grecs. Les uns pour travailler, les autres pour faire des achats. Un coup de tampon sur le visa délivré aussitôt et nous voilà côté turc.

Côté turc

Nicosie-Nord est plus porteuse d'histoire. Très bel exemple de l'architecture ottomane médiévale, le Büyük Han est immanquable. Il était autrefois un relais où les caravaniers s'arrêtaient pour commercer, se ravitailler et se reposer. Sa vaste cour intérieure et ses arches abritent aujourd'hui cafés, boutiques et artisans.

Les rues un peu plus étroites de la partie turque de la ville mènent au marché municipal. Les étals de fruits et légumes d'un côté, ceux des viandes de l'autre attirent quotidiennement du monde.

Dans le quartier, la mosquée Selimiye est une curiosité en soi. Cette ancienne cathédrale d'architecture gothique a été surmontée de deux minarets à la fin du XVIe siècle. Si sa structure initiale a été préservée, son aménagement intérieur a été modifié, orienté vers La Mecque. Incontournable.

Après un crochet par la bibliothèque du sultan Mahomet II, la place Atatürk contraste quelque peu. De là, on rejoint la porte de Kyrenia en déambulant dans des rues annexes résidentielles comme Güneysu. La rue Tanzimat le long des remparts vénitiens conduit vers l'un des quartiers les plus agréables de Nicosie-Nord, récemment rénové: Arabahmet. Les amateurs d'ethnographie s'arrêteront au musée Dervis Pasa.

Détour côté grec

Une fois retraversé le point de passage de la rue Ledra, un détour côté grec par l'église et la place Faneromeni s'impose. Autrefois le centre de la ville, les lieux sont aujourd'hui bien calmes mais permettent de relaxer à l'écart de la bouillante rue Ledra.

À Nicosie, ce n'est pas parce que l'on est côté grec que l'on ne peut prendre un bain turc. Que l'on soit un amateur ou pas, un arrêt au hammam Omeriye est presque obligatoire (côté turc, le célèbre hammam Büyük n'est toujours pas rouvert). À défaut de vouloir en profiter, on peut toujours le visiter rapidement. Restauré, celui-ci est particulièrement populaire. On n'oubliera pas qu'il est ouvert aux hommes et aux femmes en alternance selon les journées.