«Il passait où exactement, le Mur?» C'est LA question des touristes et pour y répondre, Berlin vient d'inaugurer une sorte de jeu de piste à faire à pied ou à vélo, équipé d'un boitier digital.

L'opération, lancée par la capitale allemande près de 20 ans après la chute du Mur le 9 novembre 1989, a été baptisée MauerGuide (Le guide du Mur).

En cinq endroits symboliques - tels que la Porte de Brandebourg ou Checkpoint Charlie, l'ancien point de passage entre Berlin-Est et Berlin-Ouest qu'empruntaient les diplomates et les étrangers - le touriste peut louer un audio-vidéo-guide, un appareil grand comme un agenda électronique, doté d'un GPS et qui parle allemand ou anglais. Puis se lancer dans une excursion en plein air pour pister le Mur à son rythme, sur quelques heures ou sur deux jours, moyennant 4 à 15 euros.

À tout moment, l'écran tactile indique où l'on se trouve par rapport au tracé du Mur.

En version longue, la visite comprend 22 étapes sur 15 km, depuis la Bernauer Strasse, une rue rendue célèbre par les images de Berlinois sautant par la fenêtre de leur immeuble pour gagner l'Ouest, jusqu'à l'East Side Gallery, un morceau de Mur de 1,5 km décoré par une centaine d'artistes en 1990.

À chaque étape, le MauerGuide livre une foule d'explications, d'images d'archives, de vidéos d'époque et de témoignages sur la déchirure RDA-RFA, cinq heures de documentation au total, avec un quizz pour tester ses connaissances.

On y retrouve des séquences mondialement célèbres: un jeune garde-frontière de RDA qui enjambe d'un saut des barbelés pour fuir à l'Ouest en 1961; une conférence de presse de Walter Ulbricht, alors chef de l'État de RDA, assurant en juin 1961 que «nul n'a l'intention d'édifier un Mur» (la construction a débuté deux mois plus tard, le 13 août); des images de manifestations, de tunnels creusés, d'évasions, des témoignages d'artistes...

Et quelques scènes terribles. Comme la mort lente de Peter Fechter, 18 ans, l'un des 100 à 200 fugitifs qui payèrent de leur vie leur hardiesse. Cible des tirs des gardes-frontière est-allemands, le jeune homme agonisa durant une heure au pied du Mur sous les yeux horrifiés de Berlinois de l'ouest. Le MauerGuide montre des photos du drame prises du côté Est et aussitôt confisquées par la Stasi, la police secrète de RDA.

Car la visite appréhende le Mur du point de vue de l'Ouest comme de l'Est.

Dans le livre d'or du MauerGuide à Checkpoint Charlie, les touristes affichent leur enthousiasme. «À vélo, c'était génial!», «on revit l'époque du Mur, bravo!». Derek, de Dublin, avoue qu'il aurait «aimé garder l'appareil».

Avec son GPS, le MauerGuide est un concept nouveau, assure Rosemarie Wirthmüller, la responsable berlinoise d'AntennAudio, l'entreprise conceptrice du petit boitier, une filiale du groupe américain Discovery spécialisée dans les audio-guides pour musées.

«C'était un défi. On a notamment fait remesurer 80 km2 de Berlin» pour «optimiser» la navigation des touristes «et on a puisé dans toutes les archives possibles», explique-t-elle. L'investissement de départ a coûté 750 000 euros. Cinq cents appareils sont en circulation depuis mai. «Et la demande est là», assure Mme Wirthmüller.

Au carrefour de Checkpoint Charlie, où des autobus déversent quotidiennement des centaines de touristes, mercredi n'était toutefois pas un bon jour pour Gabriele Raik. L'employée du stand MauerGuide n'a eu que deux locations ce matin-là.

«Où peut-on voir un bout de Mur?», lui demande une touriste américaine.

Gabriele Raik sourit. C'est la énième fois de la journée qu'on lui pose la question. «Un gros bout? À 5 minutes d'ici. Pour un bout coloré, allez voir l'East Side Gallery», répond-elle. Et de proposer son MauerGuide.