«Qui boira, pourra!» s'exclame la dame qui s'est mise très chic pour vendre du vin dans le joli village de Séguret. C'est sa réponse à ma question sur le pourquoi du nom de son vin: le Domaine du Pourra. Je venais de terminer une randonnée de plusieurs heures dans les Dentelles de Montmirail, et j'avais envie d'un verre d'eau plutôt que de vin. Mais la petite échoppe où elle proposait la dégustation était si charmante...

Peu connue, si on la compare aux autres grandes destinations du sud de la France, la région des Dentelles est située à une cinquantaine de kilomètres au nord-est d'Avignon, dans le département du Vaucluse. Et ses dentelles sont en pierre! Ajourées par le temps, où passent aujourd'hui le vent, le soleil et pas mal d'hirondelles, ces dentelles sont en fait une série d'abruptes parois rocheuses créées par la collision de deux plaques tectoniques il y a pas mal longtemps. Les plus connues s'élèvent à plus de 600 mètres, et s'appellent les Dentelles Sarrasines, témoin de la fascination des Français pour les peuples de l'Afrique du Nord, car un Sarrasin est tout simplement un Arabe.

Le versant ouest des Dentelles abrite plusieurs grands crus des Côtes du Rhône. Les trois villages de Séguret, Sablet et Gigondas se remplissent d'amateurs de vin aux portefeuilles bien garnis. Mais en évitant les caves qui ont souvent l'air de salles d'exposition, on peut faire de belles découvertes à prix abordable. Il suffit parfois d'arriver avec un sac à dos. Vous êtes un promeneur, vous appréciez le pays - voilà, le contact est fait.

Mille sentiers sillonnent la région, et ils sont rarement difficiles. Les promeneurs équipés de lourdes bottes de marche, bâton à la main et assez de provisions pour une semaine sur la Lune me font sourire. Vous pouvez partir à l'aventure avec de simples souliers de course. Les sentiers vous ouvrent l'intimité du pays, et vous passerez par des vignobles cachés dans d'étroites vallées, des étangs moussus et des maisons en ruine, car le vin n'a pas toujours été synonyme de richesse.

Au hasard d'un sentier entre Le Barroux et Malaucène, j'ai rencontré des bergers nouvelle génération. Le genre de couple qui fait croire que la France agricole a des chances de survivre. Bernard Leroy et Christine Berger (et leurs enfants) vivent des produits de la vente de leurs excellents fromages de chèvre. Un traiteur d'Avignon venait justement de commander 1000 fromages! «Je suis un peu triste de les voir partir», a dit Christine.

Le versant est des Dentelles est dominé par le géant de la Provence, le mont Ventoux (1910 mètres). Moins de grands crus ici, et plus de gros mollets, car grimper le mont Ventoux à vélo à partir du village de Malaucène est le sport préféré des Belges, des Hollandais, des Allemands - et des Français aussi. Je n'ai jamais vu autant de vendeurs de vélos dans un si petit village. Face à ces cyclistes qui ne parlent pas forcément la même langue, on a choisi l'anglais... mais quel anglais! Une très sympathique boutique qui vend des vins et des produits de la région porte le nom Made in Ventoux. «Les gens du village rouspètent, ils me demandent pourquoi j'ai choisi un nom anglais», avoue la propriétaire. Elle hausse les épaules: «Il faut faire avec.»

Le village de Malaucène est charmant, mais lorsque les clubs de vélo du nord de l'Europe arrivent pour une soirée bien arrosée avant l'escalade du Ventoux à l'aube, vous êtes mieux d'aller voir ailleurs. Comme à Caromb, par exemple, un village qui vit de son agriculture. Une autre raison pour préférer Caromb: ses routes sont douces et vallonnées, juste ce qu'il faut pour des mollets en vacances.