Un Québécois aurait-il été emporté par la même vague de morts suspectes qui a coûté la vie à une dizaine de touristes américains depuis un an en République dominicaine ?

Sa famille croit bien que oui.

Les circonstances entourant la mort subite de Claude Veilleux l’automne dernier ressemblent étrangement aux récits saisissants rapportés au cours des derniers mois dans les médias américains.

Le 13 novembre 2018, l’homme de 61 ans atterrit à Punta Cana avec sa tante et son oncle, compagnons de voyage avec qui il avait déjà fait quelques séjours dans le Sud par le passé.

Le trio s’installe au luxueux hôtel tout-inclus de la chaîne Bahia Principe, qui compte 14 établissements dans le petit pays des Antilles.

Après le souper, M. Veilleux propose à ses camarades de prendre un dernier verre. Fatigués, ceux-ci déclinent. C’est la dernière fois que le couple verra son neveu vivant.

« Il nous a dit qu’il irait [prendre un verre] seul. Mais est-ce que ç’a été dans sa chambre, au restaurant, au bar ? On ne l’a jamais su », raconte sa tante, Hélène Archambault.

Saisi d’un malaise, M. Veilleux quitte sa chambre en trombe au début de la nuit pour aller consulter le médecin de garde du tout-inclus. Des indices laissent présumer un départ précipité : il n’enfile pas ses chaussettes avant de mettre ses souliers et omet d’installer une prothèse qu’il doit porter au pied. Il se rue sur la navette transportant les visiteurs vers l’accueil de l’hôtel. « Il ne nous a pas avertis, ça ne lui ressemble pas », se rappelle sa tante.

En détresse respiratoire, l’homme perd conscience dans le bureau du médecin. Ce dernier appelle l’ambulance et pratique des manœuvres de réanimation. Mais trop peu, trop tard : le Québécois s’éteint pendant son transport vers l’hôpital.

Mort naturelle ?

Dans l’acte de décès produit par l’État dominicain, les causes de la mort de M. Veilleux sont établies ainsi : arrêt cardiaque, œdème pulmonaire (accumulation subite de liquide dans les poumons), infarctus et athérosclérose – durcissement des artères.

« Une mort naturelle non violente », peut-on lire.

Or, selon son frère Richard, même si Claude Veilleux « n’était pas particulièrement en forme », il ne présentait pas d’historique de problèmes cardiaques ou respiratoires. Il souffrait toutefois de diabète.

Le fait est que depuis le mois de juin 2018, au moins 10 touristes américains ont perdu la vie de manière subite dans des hôtels de luxe en République dominicaine. Le dernier en lice, Khalid Adkins, un homme de 46 ans originaire du Colorado, a été retrouvé sans vie le 25 juin.

Au moins cinq d’entre eux présentaient un œdème pulmonaire. Et la grande majorité semblait avoir consommé de l’alcool du mini-bar de la chambre.

Avec la police dominicaine, le FBI a mené des analyses toxicologiques sur le corps des dernières personnes mortes. Les résultats devraient être connus bientôt. Le FBI s’est également intéressé aux bouteilles d’alcool fort de différents hôtels tout-inclus, rapporte le New York Post. L’une des hypothèses pouvant expliquer les morts suspectes serait des empoisonnements à l’alcool frelaté, possiblement mélangé à du méthanol. Les familles de quatre défunts ont pour leur part commandé des autopsies indépendantes.

Quatre des personnes ayant perdu la vie résidaient dans un établissement de la chaîne Bahia Principe. Dans un communiqué, l’entreprise a fait valoir fin juin que les funestes événements n’étaient pas liés entre eux.

Un porte-parole du ministère dominicain de la Santé publique, Carlos Suero, a quant à lui qualifié de « fausses nouvelles » [fake news] les reportages tissant des liens entre les morts de touristes américains au cours de la dernière année.

« C’est une hystérie dirigée contre la République dominicaine pour faire mal à notre industrie touristique », a-t-il déploré sur les ondes de Fox News.

Questions

Huit mois après la mort de Claude Veilleux, Hélène Archambault affirme que pas une journée ne passe sans qu’elle repense à ce qui est arrivé à son neveu.

Après la crémation du défunt en République dominicaine, son mari et elle ont rapporté les cendres au Québec.

De retour à la maison, le quotidien a repris, mais les questions, elles, sont restées. Et les doutes ont repris de plus belle avec l’actualité des derniers mois.

« On n’a jamais arrêté de se demander ce qui s’était passé, dit Mme Archambault. On voulait aller à Punta Cana de nouveau pour reprendre nos vacances perdues. Mais après ce qui s’est passé, il n’y a aucune chance qu’on retourne là. »

Des médias américains et canadiens ont d’ailleurs rapporté depuis quelques semaines les réticences de certains touristes à se rendre en République dominicaine à la lumière de ces événements.

Dans un courriel envoyé à La Presse, Affaires mondiales Canada a indiqué que « les responsables canadiens sont en contact avec les autorités locales pour recueillir de l’information supplémentaire » en lien avec la mort de M. Veilleux, sans pour autant fournir davantage d’informations.