De La Havane aux îles côtières en passant par Varadero, l'ouragan Irma a bien secoué la côte nord de Cuba en septembre dernier. Mais les Cubains ne s'en sont pas laissé imposer, et même dans les zones les plus touchées, les travaux vont bon train pour accueillir les voyageurs dès le mois prochain, ont constaté Christiane Desjardins et François Roy.

Effacer les traces de l'ouragan

Si l'ouragan Irma a fait beaucoup de dommages dans certaines parties de Cuba, les 8 et 9 septembre, particulièrement dans les Cayos, les îles côtières du nord, encore fermées aux touristes, les Cubains ne sont pas restés les bras croisés après son passage. Au contraire. 

Dès le lendemain de l'ouragan Irma, les Cubains se sont retroussé les manches pour nettoyer et reconstruire afin que tout soit fin prêt pour la haute saison touristique. À Cuba, le tourisme est l'un des grands moteurs de l'économie. Tellement que, devant l'incertitude qui règne chez les voyagistes et voyageurs, le gouvernement cubain et Air Transat ont organisé un voyage de presse, la semaine dernière, pour montrer ce qui se passe dans les destinations touristiques qui ont été les plus touchées par Irma: les Cayos et, dans une moindre mesure, Varadero.

Premier atterrissage



C'est dans le cadre de ce voyage que nous avons atterri à l'aéroport international Jardines del Rey, à Cayo Coco, l'après-midi du 19 octobre, à bord du premier vol international à s'y poser depuis le passage d'Irma. L'ouragan avait fracassé les vitres, ébranlé des murs, fait valser le mobilier et emporté une partie du toit. Les photos étaient affligeantes. Aujourd'hui, tout ou presque a été refait. L'aéroport peut déjà accueillir de petits avions, et il sera prêt à accueillir les plus gros le 1er novembre, assurent les autorités. L'électricité, l'eau et les routes sont toutes fonctionnelles, nous dit-on. Un pont qui avait été endommagé sera lui aussi prêt pour le 1er novembre.

La végétation



La route, sorte de pont-jetée qui relie les Cayos et l'île principale de Cuba, se nomme ici le Pedraplen. Tantôt on roule au milieu de l'eau, tantôt on passe dans les terres. La végétation des mangroves, pourtant habituées à vivre à la dure, témoigne du passage de la tempête. Penchés d'un côté, les palétuviers ont un air de lendemain de veille. Ailleurs, des palmiers sont déracinés, d'autres sont intacts, tandis qu'un bon nombre d'entre eux ont perdu leur tignasse. Mais les «cheveux» de palmier, ça repousse.

C'est ce que nous explique Laurent Labal, directeur général de l'hôtel Melia Las Dunas. L'hôtel que ce Français dirige est situé à Cayo Santa Maria, la région la plus touchée. «Après le cyclone, il n'y avait plus une feuille dans les arbres. Mais deux pluies, et c'est reparti. En deux à trois semaines, le feuillage revient», dit-il en nous montrant fièrement la végétation qui reprend vie sur le terrain de l'hôtel.

Pour certains végétaux, le coup a été trop dur. Il n'y aura pas de récupération possible. Ils sont remplacés par de nouvelles pousses. Les jardiniers ne chôment pas à Cuba par les temps qui courent. Personne ne chôme, en fait. À l'approche de l'ouragan, tous les hôtels des Cayos ont été évacués, et les établissements n'ont pas rouvert depuis. Il y avait des dégâts à réparer, et tant qu'à faire, certains en ont profité pour faire des rénovations. Refaire le carrelage des piscines, peindre, améliorer la climatisation, ajouter des «palapas». Un hôtel vide, ça n'arrive jamais, autant en profiter.

Au travail



Les employés des hôtels, qui se retrouvent forcément sans travail, sont réquisitionnés pour mettre la main à la pâte. Il y a même des équipes de nuit. Et il y a un salaire à la clé. Dans ce pays communiste, le gouvernement a décidé de payer un surplus aux employés qui travaillent à la reconstruction. «Une personne peut arriver à gagner de 10 à 15 fois son salaire, explique Michel Bernal Quicutis, directeur commercial pour le ministère du Tourisme de Cuba. Tous les employés ont été réaffectés à la reconstruction, on travaille sept jours sur sept, 24 heures sur 24. On a à peu près 5000 personnes à Santa Maria et 4000 à Cayo Coco.»

Le personnel, c'est bien beau, mais qu'en est-il des matériaux? Ce n'est un secret pour personne qu'il manque beaucoup de produits à Cuba. La réponse est simple: les matériaux qui étaient destinés à la construction de nouveaux hôtels ont été réquisitionnés pour réparer ceux qui existent déjà. Comme les ouvriers, d'ailleurs.

Les toits



Yves Leprohon, un Lavallois qui vit à Cuba depuis 17 ans, s'affaire, casque de construction sur la tête, à vérifier les travaux de charpente d'un toit, dans le hall du Pestana Cayo Coco Beach Resort, à Cayo Coco. Il travaille pour l'Union des constructeurs militaires de Cuba, dit-il. «Je suis responsable de la charpente de bois. C'est moi qui ai le plus de boulot», résume-t-il en faisant allusion au fait que souvent, pendant un ouragan, les toits sont soulevés par le vent.

Prêt à temps



Nous avons visité une dizaine d'hôtels dans les Cayos, destination relativement récente. Il était bizarre de voir ces immenses complexes vides de clients et leurs plages désertes. Des plages améliorées par Irma, dit-on, car dans un élan de bonté, la vilaine a apporté beaucoup de sable. Partout, le message était le même : on sera prêts pour le 1er novembre. D'autres, pour le 15. Ce n'est pas une utopie, et la frénésie des gens était palpable.

Meilleurs clients



Au dernier jour de notre visite, nous voici à Varadero, où les dommages ont été beaucoup moins importants. Les hôtels sont restés ouverts. La vie suit son cours. Des autobus arrivent, des voyageurs descendent, récupèrent leurs valises, entrent à l'hôtel. D'autres font le trajet inverse. Des touristes se baignent dans la piscine, d'autres dans la mer.

«Nos clients les plus fidèles, ce sont les Canadiens», a dit le ministre du Tourisme à Cuba, Manuel Marrero Cruz. L'homme ne cache pas que le tourisme, les clients canadiens en tête avec 40 % du marché, est une source de revenus importante. «C'est notre premier marché. Ce sont nos meilleurs clients, on n'a pas de problèmes avec eux. La meilleure façon d'aider Cuba, de garantir du travail aux Cubains et à leur famille, c'est de venir à Cuba.»

L'aéroport de Cayo Coco ouvrira le 1er novembre. Air Transat reprend ses vols vers cet endroit le 15 novembre, et le 11 novembre pour Cayo Santa Maria.

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Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par Air Transat et le ministère du Tourisme de Cuba.

Photo François Roy, La Presse

Des voyageurs craintifs

Mi-octobre: les lignes ne dérougissent pas dans les agences de voyages. C'est la folie, tout le monde veut aller dans le Sud. En République dominicaine, au Mexique... mais beaucoup moins à Cuba. À cause d'Irma.

C'est le son de cloche qui émanait des agents de voyages avec qui La Presse s'est entretenue, il y a une dizaine de jours, avant d'aller constater l'état des lieux à Cuba.

«On est débordés, c'est complètement fou, a dit Sylvie Tessier, agente senior chez Club Voyage Solerama, à Saint-Eustache. Il y a un engouement. Les gens ont peur que les prix augmentent considérablement. Puisque certaines zones sont touchées par l'ouragan, les gens se disent que tout le monde va vouloir aller au même endroit, et que les prix vont grimper.»

Selon Mme Tessier, à la mi-octobre, il y avait beaucoup de demandes pour la République dominicaine et le Mexique, mais peu pour Cuba, «par rapport à l'année passée».

Même constatation du côté de Voyages à rabais. «On est vraiment dans la très haute saison, parce que d'habitude, c'est un peu plus tranquille, signale Colette, une agente. Mais cette année, c'est très fort. On vend de la République dominicaine et moins de Cuba. Il ne faut pas oublier que les vols sont annulés sur Cayo Coco et Cayo Santa Maria. Varadero est touché aussi. On en vend un peu sur Varadero, mais on remarque une baisse. Les gens sont plus craintifs face à Cuba. Il n'y a aucun problème au Mexique, mais c'est une destination plus dispendieuse.»

Or, après avoir constaté l'avancement de la reconstruction sur place, il semble bien que les chasseurs d'aubaines pourraient trouver leur compte en voyageant à Cuba, finalement.

Photo François Roy, La Presse