Quiconque met les pieds à La Havane pour la première fois ne saura résister au cliché selon lequel la capitale cubaine serait figée dans le temps. Les vieilles voitures américaines sillonnent toujours les rues, les édifices délabrés abondent, mais la ville n'est pas immuable pour autant.

Romey Chuit Torecilla incarne à la perfection La Havane touristique qui innove. Il y a un an, il a ouvert sa casa particular - l'équivalent cubain du gîte touristique - dans une maison achetée avec l'argent qu'il a gagné en travaillant près d'une dizaine d'années dans le domaine du tourisme en Italie. Il accueille les visiteurs dans les six chambres de sa maison, tenue avec l'aide d'amis et de la famille. «Je suis le portefeuille», dit-il en riant. Depuis 2010, le président Raùl Castro a mis en place une série de réformes économiques qui permettent notamment aux Cubains de travailler à leur compte. L'homme de 36 ans est au nombre de ceux qui ont sauté sur l'occasion.

De l'extérieur, l'édifice de la rue San Ignacio ne paie pas de mine. Quelques étages plus haut, la casa étonne avec sa grande cour intérieure. Les six chambres qu'elle comporte sont simples, mais tout y fonctionne.

«Il y a des Cubains qui croient qu'il faut mettre des fleurs en plastique et une décoration surchargée pour attirer les touristes. Je pense qu'il faut un climatiseur qui fonctionne, un matelas confortable, de l'eau chaude et une pression suffisante.»

Les tables en bois et les guirlandes de lumières qui l'ornent sont dignes d'un compte Instagram branché, mais l'internet n'y est toujours pas disponible. «Un jour, peut-être, on pourra offrir un accès», avance-t-il.

À l'ombre du Capitole, dans une rue où l'on ne s'attendrait même pas à trouver un restaurant, Mathieu Royer gère le Sia Kara. Les bouteilles de vinaigre au piment d'Espelette posées sur les tables trahissent les origines basques de l'homme installé à La Havane depuis six ans.

La capitale n'a pas attendu l'ouverture des États-Unis pour bouger, dit-il.

«Le changement est déjà commencé. Dans le quartier ici, il y a beaucoup de rénovations dans les rues, dans les hôtels. C'est plus propre qu'avant. Ça se fait petit à petit, mais c'est bien que ce soit ainsi.»

Sur une grande ardoise posée au mur, le menu propose de la ratatouille, des croquettes de poisson, des chips de plantain. «On fait avec ce qu'on a, c'est pour ça que notre menu est à la craie. Si on n'a pas de tomates pendant trois ou quatre jours, ce n'est pas grave, on fait autre chose», dit-il.

Romey Chuit Torecilla peut, quant à lui, compter sur des amis qui vivent à l'extérieur du pays pour importer des choses de «partout dans le monde» pour meubler sa maison. «Chaque chambre a un robinet différent, illustre-t-il. On souffre, on a de la difficulté à trouver des matériaux. C'est compliqué.»

«Il faut être très optimiste. Mais ce qui arrive à Cuba est très intéressant. Si tu ouvres une auberge en Italie, tu auras tout ce que tu veux tout de suite. Ici, tu fais avec très peu, mais c'est un territoire vierge.»

Un territoire sur lequel le géant américain de l'hébergement Airbnb a mis les pieds il y a un peu plus d'un an en s'associant avec des Cubains qui offraient déjà, pour la plupart, des chambres à louer.

À visiter dès maintenant

Les Québécois qui connaissent bien les plages de Cuba ont tout intérêt à découvrir la capitale maintenant, dit Jérôme Hudon, un Québécois qui s'apprête à y ouvrir une casa particular. Il vante les restaurants de la ville, sa culture, ses habitants. «C'est une ville merveilleuse, dit-il. Mais il faut vouloir sortir des sentiers battus, être prêt à être dépaysé.»

«Malheureusement, la plupart des Canadiens vont dans les tout-inclus, constate Romey Chuit Torecilla. La Havane, c'est un autre type d'expérience touristique.»

Dans la cour intérieure de son auberge, le contraste frappe. En jetant un coup d'oeil aux étages inférieurs, les visiteurs découvrent la vie quotidienne d'une famille cubaine, les vêtements qui sèchent, un toit de tôle usé. «On a mis des plantes et des fleurs pour masquer un peu, mais pas trop. C'est ça, La Havane.»

PHOTO Martin Chamberland, LA PRESSE

Le propriétaire de la Casa Alta Habana, Romey Chuit Torecilla, incarne à la perfection La Havane touristique qui innove.