(Viñales) Auparavant, ils louaient des chambres aux étrangers, leur servaient à manger ou leur faisaient visiter la campagne : à Viñales, l’un des villages les plus touristiques de Cuba, il a fallu retourner aux champs, faute de visiteurs.

« Ils disaient que tout allait revenir à la normale en six mois, mais tu parles, ça fait déjà un an », se lamente Carlos Millo, 45 ans, qui louait deux chambres aux touristes avant la pandémie de coronavirus.

Au pied des formations rocheuses rougeâtres — les fameux « mogotes » qui font la renommée de Viñales —, restaurants et logements touristiques restent désespérément vides.

Les habitants ont un souvenir amer de mars 2020, quand le gouvernement a annoncé la fermeture des frontières, forçant les derniers touristes à déguerpir. Si elles ont rouvert début novembre, le flux d’arrivées reste très limité.

PHOTO YAMIL LAGE, AGENCE FRANCE-PRESSE

Les restaurants et logements touristiques de Viñales restent désespérément vides.

« On est au plus bas, sans travail, ou peut-être juste à 5 % » des capacités, raconte Carlos alors qu’il bêche la terre où il a planté des blettes, sur un terrain de 50 m2 derrière sa maison, pour la consommation de la famille.

Il a aussi semé des tomates, des haricots et d’autres légumes, mais il n’a qu’une hâte : que l’activité touristique reprenne. Cela « aide beaucoup les familles, l’argent va directement aux propriétaires des maisons » louant leurs chambres, assure-t-il.

« Dur »

Depuis plus d’une décennie, le village de 28 000 habitants a presque oublié sa vocation agricole.

« Plus de 80 % de la population de Viñales travaillait directement ou indirectement dans le tourisme », explique Carlos. Mais maintenant « nous avons dû retourner à la terre, pour cultiver ».

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Quand les touristes étaient là, Yusmani Garcia, 45 ans, avait fabriqué son propre attelage tiré par un cheval en recyclant de vieux tuyaux, du matériel de construction et des couvercles de casseroles : grâce à son invention, il promenait les touristes dans la vallée verdoyante de Viñales, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Désormais son véhicule de fortune est au garage. Yusmani, père de deux filles, a dû se reconvertir… pour fabriquer des fers à cheval.

Il sourit en repensant au boom de visiteurs provoqué par le réchauffement diplomatique entre Cuba et les États-Unis en 2015 : « À un moment, il n’y avait plus de chambres disponibles et certains touristes sont restés dormir sur la place ! »

Cette parenthèse enchantée a été de courte durée. L’administration de Donald Trump a fait pleuvoir les sanctions sur l’île, décourageant de nombreux touristes de venir. L’arrivée du coronavirus a porté le coup fatal : le nombre de visiteurs a chuté de 4,3 millions en 2019 à 1,1 million en 2020.

Le pays est pourtant l’un des moins touchés d’Amérique latine, avec 40 765 cas dont 277 décès.

Quand les touristes étaient là, Yusmani Garcia, 45 ans, avait fabriqué son propre attelage tiré par un cheval en recyclant de vieux tuyaux, du matériel de construction et des couvercles de casseroles : grâce à son invention, il promenait les touristes dans la vallée verdoyante de Viñales, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.

À chaque excursion, il gagnait 500 pesos (21 dollars), dans un pays où le salaire mensuel moyen atteignait alors 36 dollars.

Désormais son véhicule de fortune est au garage. Yusmani, père de deux filles, a dû se reconvertir… pour fabriquer des fers à cheval.

« Le changement a été vraiment dur, il n’y pas grand-monde qui veut faire ce travail », dit-il en tenant avec des pinces un fer incandescent qu’il va plier en deux puis aplatir à coups de marteau, avant de le vendre 50 pesos (2 dollars).

L’attrait du tabac

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L’une des grandes attractions de Viñales, ce sont les champs de tabac. Paco-Concha est une ferme de tabac qui appartient depuis 1888 à la famille de Eduardo Hernandez, 52 ans.

L’une des grandes attractions de Viñales, ce sont les champs de tabac. Paco-Concha est une ferme de tabac qui appartient depuis 1888 à la famille de Eduardo Hernandez, 52 ans.

Cet ingénieur agronome se dit content de vivre à la campagne pour pouvoir nourrir sa famille malgré les circonstances, la pandémie ayant aggravé les pénuries récurrentes dans les supermarchés de l’île.

« Les paysans ont tout dans leur ferme, du riz, du maïs, des haricots, un porc, un agneau… », souligne-t-il alors qu’il cueille des feuilles de tabac.

Toute la famille s’est remise à cultiver ce qu’elle consomme, mais Eduardo reconnaît qu’il a dû licencier des employés… et regrette le temps où les touristes visitaient sa production de tabac en laissant de généreux pourboires.

« On a eu jusqu’à 106 touristes le même jour, de différents » pays, se rappelle avec nostalgie sa sœur Rosita, qui tient le petit restaurant où les visiteurs déjeunaient après la visite, face aux montagnes et accompagnés de musique cubaine.

« C’est tout ce qu’on avait, mais comme il n’y a plus de tourisme, il n’y a plus d’entrée d’argent », soupire-t-elle en pliant les nappes rouges.