Partir de Dakar en voiture, en direction de n'importe où, est un véritable cauchemar. Congestion? Ce n'est pas le mot! Paralysie serait plus près de la réalité. Il n'y a qu'une seule route, à deux voies, pour desservir une population de trois millions de personnes.

Pare-chocs à pare-chocs sur 50 kilomètres, c'est la norme! Imaginez un endroit aussi pire que Saigon, et remplacez les motos par des 18 roues... Le conducteur du minivan peste. - C'est comme essayer de se sortir la tête par le nombril.

- Ah oui ?

- Et avec les pieds devant, mon ami!

Il sourit. Moi aussi.

Il doit me trouver un peu curieux. À chaque fois qu'il ouvre la bouche, je sors mon calepin de notes. J'ignore de quel bouquin il tire ses citations, mais s'il n'existe pas, je suis en train de l'écrire!

Et notre coloré G.O. d'en remettre.

- Ici, on dit que, à chaque soir, Dakar accouche d'une pieuvre.

- OK... Et le matin, qu'est-ce qu'on dit?

- Le matin? On dit : «Merde, j'en peux plus de cette saloperie de trafic!!!»

Vous savez, chaque semaine, je vous décris des trucs, et parfois j'exagère un peu, pour le plaisir des mots. Mais cette fois-ci, c'est du solide : si vous passez par Dakar, planifiez votre voyage en vous disant qu'il vous faudra peut-être quitter la capitale durant la nuit. Sur un tapis volant.

Et si vous visitez Dakar, le centre-ville, autre conseil judicieux, faudra vous armer d'une patience d'ange et d'un sourire de béton : la sollicitation intensive des vendeurs de rue peut vraiment devenir irritante. Mais drôle en même temps... Et la meilleure façon de se débarrasser d'eux est la gentillesse. Parce que l'exaspération les blesse.

Mais ne les éloigne pas.

Exemple tiré d'un fait vécu :

Il fait chaud. Ça pue le diesel. Un homme vend des pots de crème blanchissante. Un autre homme travaille dans la rue. Il tourne un documentaire. Il ne veut pas de crème. Le vendeur de pots insiste. L'homme pogne les nerfs.

- Vos %*&?@ de pots de crème blanchissante, j'en veux pas! Voyez pas que je suis blanc? Voyez pas que je suis en train de filmer?

- Ah, tu m'as vexé, là. Pourquoi tu me parles comme ça, toi? Hé! Je travaille, moi aussi! Et puis, t'es chez moi ici... T'aimes pas les Sénégalais, c'est ça?

Dans notre cas, faire un tournage relevait de l'exploit. Aussitôt après que nous ayons posé caméra et trépied, ils se sont abattus sur nous, avec leur incroyable panoplie de cochonneries. Dans l'espace d'un quinzaine de minutes, nous nous sommes vu offrir des souliers pour dames, des poupées Transformers, des pots Tupperware, des fruits frais, des serviettes de bain, des casquettes des Yankees, des t-shirts avec la mention : «Si tu m'énerves, je retourne au Sénégal», et des couvre-sièges de voiture, de marque... Mickey Mouse! Notre coloré G.O., lui, après de longues négociations, s'est acheté une planche à repasser bleue et rose.

- C'était l'anniversaire de ma première femme, hier.

- Ta première... Parce que tu en as une deuxième?

- Hé ho ! Je suis pas manchot ! Et je n'ai pas le choix, mon vieux... J'aime trop!

La polygamie n'est pas une curiosité au Sénégal. Les femmes doivent toutes faire face à la possibilité d'avoir à partager leur mari avec une autre femme. Ici, la première femme sera souvent l'imposée, celle qui sera là pour aider la belle-mère aux tâches ménagères. Et la deuxième sera la choisie, celle qui plaît au mari. Celle qui recevra les mamours et les claques au derrière.

Alors que l'autre recevra une planche à repasser, le lendemain de son anniversaire.

Mais la femme est célébrée au Sénégal, ne me méprenez pas!

Elle est vénérée. Elle est adulée. Elle inspire les plus grandes idées!

Exemple? Tiré d'un fait vécu?

Allez!

On accorde au Sénégal la forme d'un visage, avec la ville de Dakar qui correspondrait au nez. Dans le même ordre d'idées, au nord de la ville se trouvent deux collines bien rondes, côte à côte, qui, à distance, ont plutôt l'air d'une paires de seins.

Excusez mon esprit tordu, mais...

-  Comment s'appellent les collines là-bas, mon cher G.O.?

- Là-bas? Ce sont les Mamelles! Nos célèbres Mamelles! Tu vois comme la forme rappelle une paire de...

-Oui, je vois!

Non mais... Avouez que c'est génial! Est-ce qu'on aurait pensé une seconde chez nous à, disons, Sein-Sauveur?

Fiou!

J'ose pas penser au nom qu'ils auraient donné au rocher Percé... Allez! On sort de la ville, et la semaine prochaine, on dort perché dans un baobab. Dans ma cabane au Sénégal.

 

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Boris a écrit : Salut Papa, je pense que ça va se passer plus vite que prévu. J'ai reçu mon visa de travail-vacances australien. Mon pied va bien. Je partirais pour Perth dans trois semaines...

Bruno a écrit : Tout seul?