À Watamu, le sable est d'un blanc presque immaculé, et si fin que l'on a l'impression de marcher dans de la poudre.

En fermant les yeux, on pourrait presque s'imaginer sur une plage de fécule de maïs.À marée basse, l'océan se retire de la baie. Se forment alors des bassins d'eau turquoise dans lesquels on vient se prélasser, en se disant que la vie est trop courte et l'eau, trop chaude. Et le soleil est toujours au rendez-vous, à la même heure, ici à deux pas de l'Équateur.

Le plus beau là-dedans, c'est que Watamu est un mot swahili qui signifie «sweet people». Excitant, non? Les plus jeunes d'entre vous ne connaissent peut-être pas ce fameux groupe musical des années 80, dirigé par Alain Morisod et qui a interprété les plus beaux airs pour tomber en amour ou tomber endormi. Pour les autres qui savent de qui je parle, je commettrai l'irréparable, ce matin: je vais vous mettre une des tounes de Sweet People dans la tête.

Les fi-an-cés

Du lac de Côôôômeeeeee

Comme deux fantôôôôômes

Passent sans faire de bruiiiiit


Donc, nous sommes sur la plage de Watamu, et le portrait serait idyllique si Boris n'était pas en béquilles (il se les ait enfoncées dans le sable jusqu'aux coudes, ce qu'on a ri), si je n'avais pas une toune de Sweet People dans la tête et s'il n'y avait pas une trentaine d'enfants qui se baignent dans la mer sans surveillance.

Dont certains qui marchent à peine, et savent encore moins nager. Aucun adulte responsable en vue.

Big Pete est ici depuis quelques mois. Il les connaît bien, ces petits.

«Il n'y a personne pour s'occuper d'eux. Sauf pour leur taper dessus. Les plus jeunes sont confiés aux plus vieux, qui font de leur mieux... Mais à l'âge de 6 ans, devoir t'occuper de ton petit frère de 2 ans, c'est stressant. Surtout lorsque tu n'as pas mangé de la journée.»

Julie, du Royaume-Uni, a eu une envie soudaine d'aider les gamins de Watamu lors de sa première visite, en 2005. Travailleuse sociale, sans le sou, elle a effectué une première levée de fonds chez elle, puis elle est revenue au village avec le beau projet d'y bâtir une école.

Partie d'une cabane de tôle qui accueillait 45 enfants au départ, elle gère maintenant une école pour 240 enfants*.

Un des obstacles majeurs fut l'attitude de nombreux parents, qui refusaient d'envoyer leurs enfants dans une école où l'on ne battrait pas les étudiants à coups de baguette lorsqu'ils seraient tannants.

- Si vous ne frappez pas mon fils, je le retire de l'école!

- D'accord. Bye bye.

Watatamu! C'est cool, c'est trippant, c'est super buzzant! C'est Watatamu!

Le petit Ali souffre d'une infection au cuir chevelu. Un truc sérieux, qui pourrait lui faire perdre tous ses cheveux, puis s'attaquer à sa peau et, éventuellement, le rendre aveugle.

Sa mère junkie ne veut pas l'amener à la clinique, où on pourrait lui prescrire gratuitement un médicament, parce qu'elle est trop occupée à séduire les étrangers, pour leur soutirer quelques shillings afin d'acheter de la drogue. La clinique est à deux coins de rue de sa maison. Le père? Il est en prison. Sa petite dernière, qui vient tout juste d'avoir 8 mois, a la grosseur d'un bébé de trois mois. Et elle aussi, elle est junkie.

Big Pete est allé à la clinique avec Ali. Il guérira. Cette fois-ci.

- Allez, on retourne à la plage, Pete!

- Pas tout de suite, Ali. Il faut d'abord mettre la crème sur ta tête.

- Ah...

-

Watatamu! C'est cool, c'est trippant, c'est super buzzant! C'est Watatamu!

Trois jeunes sont sortis de la baie, sur un radeau de fortune qu'ils ont fabriqué avec quatre bouts de planche et six noix de cocos. Maintenant, ils sont prisonniers du courant, car la marée descend, et le mouvement d'eau est important à cette heure du jour. Si personne ne bouge, ces trois gamins se retrouveront au large, quelque part entre l'Afrique et l'Inde, pour Pâques.

Big Pete n'a pas hésité. Il a couru jusqu'à la pointe, a plongé au milieu de dangereux récifs et a fendu les vagues jusqu'aux jeunes, au risque de sa vie. Et il les a ramenés à la plage. Mon héros!

- Bravo Pete!

- Bof...Ils sont fâchés contre moi, maintenant! Parce qu'ils vont se faire battre comme des sacs en rentrant à la maison.

- Au moins, ils sont en vie.

- Ouais, et quelle vie...

Watatamu!

*Croyez-moi, son projet humanitaire, c'est la vraie affaire. Tous les sous qu'elle reçoit sont investis dans l'école. Lorsqu'elle est ici, elle couche chez l'habitant et ne perçoit aucun salaire pour son boulot. Les enfants sont heureux, ils ont des livres, des bureaux et de bons profs. Je vous laisse l'adresse internet de son école : indinurseryproject.co.uk, en espérant que ça vous inspire quelque chose.