La chronique de la semaine dernière, où je signais une apologie de Nairobi, semble en avoir étonné plus d'un. Alors, laissez-moi préciser une petite chose, avant de poursuivre notre grande aventure: je ne suis pas «stone» et je ne rêve pas en couleur. Sûr, une grande quantité de crimes sont commis à Nairobi. À chaque jour. Il n'y a qu'à feuilleter un quotidien pour s'en rendre compte.

Le soir, si vous empruntez des ruelles sombres avec une caméra flambant neuve autour du cou en sifflant, ou si vous montrez votre liasse de billets de 1000 shillings dans un bar à 4 h du matin en criant «piiifrrrtrfousche!», il y aura effectivement de fortes chances qu'un malfrat vous guette au tournant pour vous assommer avec une batte de criquet (deux sports très populaires au Kenya).

Mais pour qui prend des précautions normales, comme dans la plupart des grandes villes, le danger est minime.

Voilà.

Par contre, après avoir passé une semaine ici, je peux vous affirmer que Nairobi est particulièrement bruyante. Du genre «record mondial Guinness» bruyante. Et Bangkok peut aller se rhabiller!

Dès l'après-midi commence le duel des décibels entre les boutiques de musique, les vendeurs de DVD piratés, les magasins d'électronique, les bars et... les églises.

Et bordel qu'ils aiment la basse.

Boom, boom, boom, kaboom... C'est tout ce qu'on entend. Y a même pas moyen de reconnaître la chanson tellement le «subwoofer» enterre les aigus!

Ici, Britney Spears sonne comme du Rammstein, et la musique de messe (dans notre quartier, il y a trois messes par jour, dans au moins cinq églises différentes), comme du Metallica.

Dieu, peux-tu leur dire qu'on ne s'entend plus prier ?

En fait, Nairobi est tellement toujours bruyante qu'un matin, à 6 h, on s'est fait réveiller par le silence.

«Tiens... Il n'y a pas de répétition de chorale à l'église aujourd'hui?»

Boris était debout depuis un moment.

«Non. Et la musique vient d'arrêter au club en face.

- Je le sais. Ça m'a réveillé.

- Moi aussi.»

* * * * *

Assez de mauvaises vibrations pour aujourd'hui. Bonne nouvelle, maintenant : comme je vous l'écrivais la semaine dernière, les services de santé sont étonnamment efficaces à l'hôpital de Nairobi (le Nairobi Hospital), et en deux heures à peine, nous avions le résultat de la radiographie.

Devinez?

Le pied de Boris est cassé ! Fracture du cinquième métatarse. Position satisfaisante.

Le jeune est excité. C'est sa première fracture, et son premier plâtre, à vie.

Mais ça complique joliment nos plans.

Axelle, Philippe, Boris et moi, devions partir du côté du Masai Mara, un parc national, pour une randonnée... à pied. C'est ce qui était convenu, avant l'accident de Boris. Et comme le rendez-vous était déjà fixé avec le guide, le «petit» Dave, un pote masaï géant de Phil, nous étions forcés de déclarer forfait, mon fiston et moi.

Allez. Au revoir, les amis!

Et merci pour les belles joutes de 500.

* * * * *

Alors, quels étaient maintenant les choix qui s'offraient à nous? Boris ne pouvait pas se déplacer, sinon difficilement, pendant tout un mois; et je n'avais pas envie de rester dans une chambre d'hôtel de Nairobi à regarder les murs jaunis jaunir, en pleine saison de «soleil resplendissant».

Ce que la vie peut être injuste!

Et c'est à ce moment qu'un petit miracle est survenu. Sous la forme d'un courriel, qui disait à peu près ceci:

«Stop complaining and come to Watamu, you old lazy ugly bum

(Traduction libre : Arrête de te plaindre et viens à Watamu, espèce de beau bonhomme.)

Watamu? C'est un village de pêcheurs sur la côte kényane, au nord de Mombasa. C'est une destination touristique populaire chez les Italiens et les Allemands, un endroit tranquille selon les guides de voyage, où un bon ami à moi s'est installé pour quelques mois.

J'hésitais à y aller, je dois vous le confier, parce que je ne croyais pas qu'il y avait là-bas de sujets de chroniques qui sauraient vous intéresser. Mais mon copain m'a vite corrigé.

Qu'est-ce que tu racontes? Il y a ici la plus belle plage du monde, un authentique village giriama avec un mélange d'au moins 10 ethnies différentes ; on y pêche le thon, l'espadon et la raie manta, et c'est pas du tout tranquille: la semaine dernière, une bande de musulmans enragés a brûlé un bar et la maison d'un supposé revendeur de drogue!

Et puis, il y a moi.

Et c'est tout ce qu'il avait besoin de dire, vraiment...

Car c'est vrai qu'avec Big Pete, on s'ennuie rarement.

On y va.

Photo: Bruno Blanchet

Boris et son premier plâtre à vie!