(Bangkok, Hua Hin) Assister à un gala de boxe thaïlandaise demeure une expérience étourdissante, où la violence et la ritualisation des affrontements peuvent envoûter, mais aussi choquer le public. Nous avons assisté à deux soirées de combats, organisées à Bangkok et à Hua Hin, montrant le vrai visage de ce pilier de la culture nationale.
Des enfants dans l’arène
À Hua Hin, à 200 km au sud de Bangkok, ce sont les spectateurs qui reçoivent le premier uppercut en plein visage. Le combat liminaire fait monter sur le ring deux enfants d’une dizaine d’années, lesquels s’échangent des coups comme si leur vie en dépendait. Le public, composé aux trois quarts de touristes occidentaux, semble interloqué par la scène. L’un des gamins, sonné, finit par s’effondrer au sol. En larmes, il se relève et quitte le ring, réconforté par son entraîneur. Même si les professionnels locaux insistent sur le fait qu’il faut commencer jeune pour espérer devenir champion, et que la boxe détourne les enfants pauvres des activités criminelles, la Thaïlande songe actuellement à interdire les combats aux moins de 12 ans.
Un rituel endiablé
C’est ensuite au tour des adultes d’ouvrir les hostilités. Une ambiance électrique et rituelle enveloppe les lieux : avant chaque combat, les boxeurs effectuent danses et prières, en hommage à leur entraîneur, leurs proches, et aux forces protectrices intangibles. Couronnes et bracelets sacrés cernent fronts et biceps. Le tout est exacerbé par la musique, entêtante et inquiétante, diffusée durant l’intégralité du combat. Dans certains stades de boxe, comme le Rajadamnern à Bangkok, des musiciens jouent sur place, en direct, accélérant le tempo à mesure que le K.-O. se profile. Inévitablement, le spectateur est happé par ce vortex de flûtes et de percussions aux accents démoniaques.
Des combats sans merci
Les adversaires se jaugent et se testent. Puis les coups pleuvent comme la grêle. La boxe thaï, aussi appelée muay thaï, s’avère particulièrement violente, autorisant l’emploi des poings, pieds, coudes et genoux. Les catégories des poids légers offrent des combats techniques et rapides, tandis que les poids lourds décochent des coups qui ébranleraient une colonne de béton. Compassion quasi contradictoire : certains combattants, sitôt déclarés vainqueurs après avoir terrassé leur rival, se précipitent vers ce dernier pour s’assurer qu’il n’est pas trop amoché.
Entre fortune et pauvreté
Bangkok compte deux stades principaux, Rajadamnern et Lumpinee, dotés d’une grande capacité. Les prix des billets d’entrée s’échelonnent généralement de 1000 à 2000 bahts, soit de 43 à 86 $, selon la proximité du siège par rapport au ring, ce qui n’est pas particulièrement bon marché par rapport au coût de la vie moyen en Thaïlande. Ces fonds (combinés à ceux des paris, parfois illégaux) permettent aux athlètes de pouvoir vivre de leur art martial en remportant des cagnottes parfois mirobolantes. Cependant, dans les stades plus intimes, comme celui de Hua Hin, on peut voir des combattants démunis aller quêter dans le public après le combat, et ce, même s’ils viennent de prendre une raclée sur le ring.
Venus d’ailleurs
N’allez pas croire que le muay thaï reste l’apanage des Thaïlandais. Sur les programmes des combats, il n’est pas rare de croiser des drapeaux de toutes sortes : États-Unis, France, Canada, Australie… de nombreux étrangers, souvent établis dans le royaume, montent sur le ring et défient les locaux dans leur propre discipline, rivalisant avec leur niveau. Parfois, l’équipe de préparation entière est composée d’étrangers. Dans la station balnéaire de Hua Hin, on aperçoit parfois ces combattants immigrants s’entraîner sur les plages, en matinée.
Enfiler les gants
Pour assister à des combats à Bangkok, il est conseillé de réserver à l’avance en ligne. Ailleurs, on paye généralement à la porte. Notez qu’il est admis que les tarifs pour les spectateurs étrangers sont plus élevés. Des stades sont disséminés dans les principales villes touristiques du pays, les plus petits permettant une meilleure expérience et une plus grande proximité par rapport au ring. Pour qui souhaite enfiler les gants et s’essayer au muay thaï, des clubs proposant des entraînements sur le court terme aux débutants pullulent : RSM Academy, Yokkao Training Center, Elite Fight Club… Compter 500 bahts (21 $) pour une séance de groupe.