Ce n'est pas avec sa réputation de capitale de la production de cocaïne que Medellín aurait pu, il y a quelques années à peine, oser s'afficher comme une destination touristique. Encore moins avec celle de «capitale de la violence», un titre dicté par une moyenne de 18 homicides par jour (en 1991), pour une population totale comparable à celle de Montréal (une trentaine d'homicides... par année).

Or, les choses ont changé. Radicalement. «Maintenant que nous avons fait un certain ménage, amélioré la sécurité, nous pouvons enfin penser à développer cette avenue», disait en entrevue le maire de Medellín, Aníbal Gaviria Correa, le printemps dernier, au moment où sa ville accueillait le Forum mondial d'urbanisme, un symbole, en soi, de la métamorphose majeure que la ville a entreprise ces dernières années, suscitant l'envie de bien des villes d'Amérique latine.

Car la transformation dépasse, et de loin, l'offensive armée menée par les autorités dans les années 1990 et 2000, pour purger Medellín des cartels de la drogue, ceux de son plus célèbre parrain, Pablo Escobar, et ses disciples. Plus que tout, Medellín a décidé de miser sur l'architecture, le design et l'urbanisme pour repenser l'organisation de son territoire et lutter contre les fractures sociales. S'offrir un visage plus joli, plus moderne, plus propre.

La construction du métro a donné le coup d'envoi de la revitalisation de Medellín. Ses concepteurs ont eu la brillante idée d'utiliser un téléphérique pour relier les quartiers qui se sont développés de manière anarchique sur les flancs escarpés autour du centre-ville. Oui, avec le même genre de gondoles que l'on retrouve dans les stations de ski ou certains sites touristiques et qui coûte souvent assez cher. Ici, le prix est inclus avec un billet de métro (environ 2$). Une aubaine pour les touristes qui veulent profiter d'une vue magnifique sur la ville. Une fierté pour les résidants.

«Regardez comme le métro est propre, on dirait qu'il n'a jamais servi. Je suis sûre qu'il n'est pas comme ça chez vous», dit - avec raison! - Marcella Gonzalez, une jeune employée de banque qui l'utilise tous les jours pour venir travailler au centre-ville. Les résidants des quartiers éloignés - les plus pauvres - ne mettent plus 3 heures de marche pour atteindre le centre-ville, mais 30 minutes en transports en commun. Les policiers sont plus présents, les services municipaux aussi.

La suite, c'est sans doute le maire de l'époque, Sergio Fajardo, qui l'a le mieux résumée: «Nous allons installer les plus beaux édifices dans les quartiers les plus défavorisés», avait dit le maire de l'époque (et fils d'architecte...). C'est ainsi qu'on a lancé une foule de projets - souvent dessinés par des architectes de Medellín, une solution plus économique qui permet en prime d'exacerber le sentiment de fierté de la population - et qu'on a construit l'impressionnante bibliothèque España en 2008, un complexe surplombant la vallée à plus de 1500 m pour réhabiliter un secteur où l'on ne sortait pas après 17h, ou encore la bibliothèque León de Greiff, trio d'édifices modernes sur pilotis dans le secteur est de la ville.

Le Jardin botanique, qu'à une certaine époque, les jeunes filles n'osaient plus fréquenter, même de jour, a été transformé par la construction d'un nouveau pavillon consacré aux orchidées doublé d'un chic restaurant. En face, on ne reconnaît plus l'ancien terrain vague, qui accueille un insectarium et un musée des sciences: le Parque Explora.

La ville possède aussi maintenant un vaste et moderne centre de congrès et n'est pas peu orgueilleuse de la Ruta N, cet édifice orangé qui sert d'incubateur pour les entreprises en démarrage dans le secteur des technologies: on y trouve tout ce qu'il y a de plus moderne, éclairage à DEL, certification LEED, mur végétal, etc. Le musée d'art moderne est un autre exemple de reconversion étonnante, niché dans une ancienne usine désaffectée, tout comme le Merro de Moravia, cet ancien bidonville transformé en immense jardin floral et potager, après la relocalisation de la population dans des habitations à loyer modique.

La municipalité a aussi entrepris de recycler 18 des trop rares terrains non bâtis dans les banlieues pauvres - le périmètre entourant les citernes d'eau potable, par exemple - pour y ériger des centres de services ouverts à tous, avec des salles de formation internet, des lavoirs, des aires de jeux pour les enfants, etc. L'inauguration de l'un des premiers centres, en avril dernier, a attiré des milliers de personnes. «Les enfants pourront enfin s'amuser ailleurs que dans la rue», applaudissait alors un père de famille.

Une ville enfin agréable

Les touristes ne seront pas témoins de tous ces changements et la violence reste problématique, supérieure aux niveaux observés au Canada, mais le maire de Medellín espère que l'amélioration générale du climat de la ville se fera sentir dans tous ses recoins. Que les histoires comme celle de Pedro Echavarría se multiplient: il y a 15 ans, sa famille craignait tellement les kidnappings qu'elle n'osait même pas visiter ses plantations de café au sortir de Medellín et a déménagé quelques années à Bogotá. Non seulement les visite-t-il, maintenant, mais il a ouvert un populaire bar à café où l'on sert des cafés infusés glacés dans des pots Mason, sur une artère coquette fréquentée par tout ce que Medellín compte de bobos et de hipsters. «Ce qui a changé? Les gens sortent, maintenant», dit le jeune entrepreneur. Aux touristes de profiter de cette énergie nouvelle.

Les incontournables

Le métro aérien

Jamais une escapade en téléphérique ne vous aura coûté aussi peu cher: 2$, le coût d'un billet d'entrée dans le métro de Medellín. De fait, le relief de la ville est si escarpé qu'il a fallu recourir à la même technologie que celle utilisée dans les centres de ski pour relier le centre-ville à ses quartiers limitrophes. Un service essentiel pour la population. Une attraction à prix tout doux pour les touristes, qui y profiteront des plus belles vues sur la ville. On ne peint très souvent que la façade de la maison, laissant la brique nue sur les murs de côté, donnant à la vallée une jolie couleur orangée, presque rouge à l'heure du coucher de soleil.

Info: metrodemedellin.gov.co

Zona Rosa et Parque Lleras

Medellín est une ville qui aime la nuit. Les bars, les restaurants ouverts bien après le coucher du soleil, les discothèques où les jupes sont aussi courtes que les talons sont hauts. La sécurité s'étant sensiblement améliorée, les jeunes professionnels ont retrouvé leur élan pour se voir dans la «Zona Rosa», un quadrilatère ultra branché aux abords du Parque Lleras où se concentrent certaines des meilleures tables et des terrasses les plus agréables de la métropole. La cuisine du restaurant Carmen est particulièrement réussie, mais le ceviche servi au Triada nourrit aussi de bons souvenirs. Ne manquez pas de faire les boutiques, regorgeant de créations de jeunes designers colombiens.

Le musée Antioquia

Le plus illustre natif de Medellín, Fernando Botero, aime sa ville et le lui témoigne bien. Le célèbre sculpteur a fait cadeau de plus de 1000 oeuvres au musée d'Antioquia (du nom de la région de Medellín), qui lui a consacré un étage complet, tout en exposant, en plein air et sur une place libre d'accès, une vingtaine de ses plus belles statues. La terrasse du café est fort agréable pour boire un verre à la tombée de la nuit pendant que les vendeurs de fruits coupés, de bonbons et de billets de loterie promènent leurs marchandises sous le regard impassible des colosses boursouflés de Botero. La boutique du musée, qui propose les créations d'artistes de la relève colombienne, est l'une des meilleures adresses en ville pour des souvenirs de voyage de bon goût.

Info: museodeantioquia.co (en espagnol)

Musée d'art moderne de Medellín

Quelle magnifique reconversion a subie cet ancien atelier de sidérurgie! La première phase, lancée en 2006, a eu tant de succès que le musée a déjà été agrandi, en 2011: le coeur de l'édifice héberge trois grandes salles d'exposition au look industriel, où sont présentés les travaux des plus en vue des artistes contemporains du pays. Les guides sont passionnés et bien formés (visites en anglais offertes). Dans le même immeuble, le restaurant Bonuar (prononcez «beau noir», un clin d'oeil «phonétique» du chef qui rend ici hommage aux contributions de la culture noire dans l'assiette, la musique et les arts graphiques) attire une clientèle bon chic bon genre, avec son look inspiré des bistros français des années 50 et son intéressante carte de cocktails, gins et whisky. Les soirées y sont particulièrement douces.

Info: elmamm.org (en espagnol)

Orquideorama

En plein coeur du Jardin botanique, 10 arbres géants, stylisés en bois et en acier, sont regroupés de manière à créer un espace tempéré et aéré où fleurissent les orchidées comme autant d'oeuvres d'art. En fin de journée, la lumière du soleil teinte d'or la structure gracieuse, théâtre idéal de cocktails et de concerts de musique classique. Le projet a été mené - comme plusieurs autres récemment dans la ville - par un jeune groupe d'architectes de Medellín, qui lui a valu de nombreux prix d'architecture à l'échelle nationale et internationale. Une escapade de choix pour fuir la pollution de la métropole.

Info: botanicomedellin.org (en espagnol)

Guide pratique

Y aller

À moins d'être un passionné avec un grand P d'urbanisme, deux ou trois jours à Medellín devraient assouvir la curiosité du plus grand nombre. On jumelle cette escapade avec un séjour dans la si jolie Cartagena, pour découvrir aussi la Colombie coloniale et du bord de mer. Ou encore, pour faire le plein d'histoire et de musées, avec un arrêt à Bogotá.

Vols

Air Transat propose des vols directs, de l'automne au printemps, entre Montréal et Cartagena. De là, des vols internes (1h, environ 100$) desservent Medellín plusieurs fois par jour. Idem pour Bogotá (vols depuis Montréal, avec escale à Toronto, avec Air Canada).

Sécurité

Le gouvernement du Canada recommande de faire preuve d'une grande prudence lors des voyages en Colombie. Deux groupes terroristes connus y sont actifs (les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et l'Armée de libération nationale (ELN)) et le taux d'enlèvement y est encore, malgré des améliorations, parmi les plus élevés dans le monde: les excursions, sans guides ou après la tombée de la nuit, devraient être évitées dans la campagne.

Consultez le site du gouvernement canadien pour les détails particuliers à chaque région visitée. En suivant les précautions d'usage (pas de bijoux voyants, pas de déambulations dans les quartiers éloignés ou les rues peu fréquentées du centre-ville à la tombée de la nuit), et même en voyageant seule, nous n'avons pas senti notre sécurité menacée à Medellín.

voyage.gc.ca/destinations/colombie

Quand?

Entourée de montagnes, à 1494 m d'altitude au centre-ville, Medellín profite d'un climat plus tempéré que Cartagena, quoique plus chaud que la fraîche Bogotá. Idéalement, on y va entre décembre et mars, quand l'air est plus sec et que les températures oscillent entre 19 et 27 °C (c'est aussi le bon temps d'aller sur la côte caribéenne), ou en août, pour profiter du gigantesque Festival des fleurs de Medellín (la Colombie est l'un des principaux exportateurs de roses au monde).