La folie des grandeurs du carnaval de Rio de Janeiro atteint son paroxysme dimanche, avec le début des défilés des plus grandes écoles de samba, dans un esprit festif, mais aussi irrévérencieux et contestataire.

C'est le premier carnaval depuis l'élection du président d'extrême droite Jair Bolsonaro, porté par une vague ultraconservatrice et soutenu par des églises néo-pentecôtistes qui n'apprécient guère l'exubérance charnelle de cette grande fête populaire.

Pas de quoi doucher l'enthousiasme des fêtards qui se trémoussent déjà depuis plusieurs semaines dans les « blocos », ces cortèges bariolés qui attirent les foules dans les rues sous une pluie de décibels.

Samedi, plus de 500 000 personnes se sont pressées au Cordao da Bola Preta, le plus ancien « bloco » de la ville.

Mais le clou du spectacle, ce qui fait du Carnaval de Rio un des plus célèbres au monde, c'est le défilé du sambodrome, une enceinte monumentale en forme d'avenue longée de gradins, où sont attendus plus de 72 000 spectateurs.

Fables et histoire cachée

Dimanche soir, les sept premières écoles de samba du « groupe spécial », la crème de la crème, auront 1 h 15 chacune pour faire défiler leurs chars majestueux, leurs danseurs aux costumes extravagants et leurs percussions assourdissantes le long des 700 mètres du sambodrome.  

Les sept autres défileront dans la nuit de lundi à mardi, présentant le travail de toute une année pour tenter de décrocher le titre d'école championne du carnaval.

Comme au football, il y a plusieurs divisions et les moins bien classées sont menacées de relégation. Chaque école est notée selon des critères très précis, de la richesse des chars à la pertinence du thème choisi, en passant par l'harmonie du défilé au sein du sambodrome.

Dimanche, un des défilés les plus attendus sera celui de la championne en titre Beija-Flor, qui avait triomphé l'an dernier avec des chars spectaculaires dépeignant les problèmes de violence et de corruption du Brésil.

Cette année, le thème s'intitule « les fables de Beija-Flor », pour retracer les moments forts des 70 ans d'histoire de cette école aux 14 titres.

Imperio Serrano, une école très traditionnelle neuf fois couronnée, mais dont le dernier titre remonte à 1982, aura l'honneur d'ouvrir le bal, avec un défilé sur le thème de Gonzaguinha, chanteur populaire mort tragiquement dans un accident de voiture en 1991.

Lundi, ce sera au tour de Portela, détentrice du record de titres (22), dont certains costumes ont été signés par le couturier français Jean-Paul Gaultier.  

Autre école très populaire, Mangueira promet d'enflammer le sambodrome avec un défilé engagé sur la face cachée de l'histoire brésilienne, représentant sur ses chars des héros « populaires », notamment Noirs et Indiens, souvent absents des livres scolaires.

Mangueira rendra également hommage à Marielle Franco, une conseillère municipale noire de Rio née dans une favela et fervente protectrice des minorités, assassinée il y a près d'un an.

Un maire peu enthousiaste

Pour la troisième année consécutive, les écoles de samba ont dû redoubler d'ingéniosité pour préparer ce que les organisateurs intitulent « le plus grand spectacle de la Terre », en raison de sévères restrictions budgétaires.

L'ex-pasteur évangélique Marcelo Crivella, maire de Rio depuis début 2017, a réduit de moitié les subventions allouées au carnaval, qui attire pourtant environ 1,5 million de touristes à Rio.

Et comme l'année où il a pris ses fonctions, il a snobé la traditionnelle cérémonie de remise de la clé de la « ville merveilleuse » au Roi Momo, monarque corpulent et jovial qui représente la fantaisie de la plus grande fête populaire du Brésil.

La clé a finalement été remise au sambodrome par Marcelo Alves, le président de Riotur, l'organisme public chargé du tourisme à Rio.

L'an dernier, Marcelo Crivella avait bien accepté d'organiser une cérémonie sur le perron de son palais résidentiel, mais il n'avait pas daigné toucher la clé en question.