(Johannesburg) La décision de nombreux pays d’interdire leur territoire aux Sud-Africains après la découverte d’un nouveau variant inquiétant, est « hâtive » et « désastreuse », se sont alarmés vendredi des professionnels du tourisme, redoutant un retentissement sur toute l’économie.

« C’est une réaction instinctive, prématurée », affirme Richard de la Rey, qui gère des réserves animalières et complexes côtiers dans la région, débordés par des annulations en cascade. « On ne sait rien encore sur ce nouveau variant, mais on envisage immédiatement le pire », regrette-t-il.  

Potentiellement très contagieux et aux mutations multiples, le variant, baptisé Omicron par l’OMS, a été détecté en Afrique du Sud, ont annoncé jeudi des scientifiques, qui ne mesurent pas encore l’efficacité des vaccins pour le combattre.  

Dans la soirée, Londres annonçait l’interdiction des vols en provenance de six pays d’Afrique australe. Vendredi, Singapour lui emboîtait le pas, puis plusieurs pays européens, dont la France, ou encore les États-Unis et le Canada.  

L’OMS a rappelé qu’elle déconseillait pour l’instant ces mesures, afin de privilégier une « approche scientifique, fondée sur les risques ». Sans grand effet.

Maxine Mackintosh, Britannique de 28 ans, est arrivée jeudi en Afrique du Sud. Ses premières « vraies » vacances depuis la pandémie. « Après le dîner, j’ai compris que j’allais devoir repartir tout de suite », dit-elle à l’AFP en route vers l’aéroport. Pour éviter de rester coincée ou de subir une quarantaine.  

« On avait prévu de visiter des vignobles, du surf, de la rando… », soupire la chercheuse de 28 ans.  

« La reprise commençait tout juste à se faire sentir », confirme Shelly Cox, co-fondatrice d’Africa Conservation Travel qui propose des itinéraires soucieux de l’environnement près des chutes Victoria, à la frontière Zimbabwe-Zambie, un des sites les plus visités de la région.

Ces dernières semaines, « il y avait beaucoup de réservations de dernière minute pour Noël, on se réjouissait à l’idée que décembre serait meilleur que l’an dernier »… et patatras.  

« On était vraiment optimiste »

Morongoe Khoboko, voyagiste à Johannesburg, n’a pas le temps de souffler. « Depuis ce matin, c’est la folie. Tout le monde appelle ». Les clients sont désormais rodés aux à-coups de la pandémie : « Ils ont tendance à reporter plutôt qu’à se faire rembourser », nuance-t-elle auprès de l’AFP.

Pour Andre Van Kets, opérateur de safaris dont 90 % des clients sont britanniques ou américains, la nouvelle est « un choc vif ». Depuis la réouverture en octobre des vols entre Grande-Bretagne et Afrique du Sud, le secteur fleurissait de nouveau.

« Le désir des voyageurs de sauter dans un avion était manifeste, les réservations impressionnantes. On était vraiment optimiste ».

« On était passé à la vitesse supérieure », détaille-t-il. Alors que son personnel travaillait à mi-temps et mi-salaire depuis en gros 18 mois, « tout le monde était enfin revenu à plein temps, on a même passé des annonces pour embaucher, la demande était telle », dit-il.  

Les professionnels du tourisme jugent la sanction lourde et injuste, alors que beaucoup de Sud-Africains continuent à porter des masques, à respecter les distances. En revanche, ils ne sont que 35 % à être pleinement vaccinés, assurément beaucoup plus qu’ailleurs sur le continent, mais trop peu pour rassurer.

« Les étrangers revenaient tout doucement, mais on s’attendait à une quatrième vague en décembre », relativise Richard de la Rey. Mais s’il « peut comprendre que des gouvernements paniquent, il doit exister d’autres options que de tout fermer » du jour au lendemain, « cela affecte nos libertés aussi ».  

Les Africains « jouent une nouvelle fois le rôle de bouc émissaire », accuse le professionnel basé à Johannesburg. Grand fan de rugby, il voit « à la télé des stades remplis de dizaines de milliers de supporteurs. Pas de masque, de distanciation… mais c’est encore l’Afrique du Sud le problème ? », interroge-t-il, à la fois désolé et furieux.