En plein coeur des Pyrénées, coincée entre la France et l'Espagne, la principauté souveraine d'Andorre constitue une véritable curiosité sur la carte géopolitique. Plus petite que l'île de Montréal, Andorre est un des plus petits États au monde, le seul à avoir choisi le catalan comme langue officielle. À la tête de cette terre de montagnes, deux coprinces: l'évêque catalan d'Urgel (en Espagne) et le président français. Réputée pour ses pentes de ski, ses taxes minimes et sa fiscalité légère, Andorre attire aussi les amoureux de randonnée et de montagnes. Petite virée dans une principauté où rien ne se fait comme ailleurs.

Jour 1

17 h

Seule façon d'entrer à Andorre: par la route. À la frontière espagnole, la file pour sortir de la Principauté est interminable. Un peu triste comme comité d'accueil! Des mégacentres commerciaux bordent la route et les Espagnols viennent nombreux dépenser ici. Les Français aussi. L'alcool y est vendu deux fois et demie moins cher... Au retour, chaque voiture est fouillée par les douaniers. D'où la queue.

18 h

On s'installe dans le premier village qu'on croise, Sant Julià de Lòria. Notre hôtel, le Coma Bella, niche à 1400 m d'altitude. La route est tellement pentue que le tour cycliste d'Espagne, la Vuelta, y est passé cette année. Les «Go Levi» et «Go Contador» décorent encore le bitume. L'été prochain, ce sera aux cyclistes du Tour de France de venir y malmener leurs mollets. De notre perchoir, la vue sur les montagnes est magnifique. Et il faut se tordre le cou pour apercevoir, loin en bas, une trace de civilisation.

Jour 2

Matin

Sur les crêtes de Sant Julià se trouve la toute dernière attraction touristique d'Andorre: le toboggan sur rails de Naturlandia. Le plus long au monde, dit-on. Comme dans les montagnes russes, l'expérience débute en douceur. Les traîneaux de plastique grimpent un à un à travers le bois de la Rabassa. La montée d'une dizaine de minutes dure juste assez longtemps pour faire grimper l'anxiété à l'idée de la descente. Et quelle descente! Pendant 3,5 km, le traîneau dévale à 30 ou 40 km/h, sur des S d'acier dangereusement inclinés par moment. «Pour ralentir, tirer les freins à main», a dit le préposé en m'attachant à mon siège. Je tire au maximum dans les virages serrés, en criant à m'époumoner. J'arrive en bas complètement survoltée, avec une seule idée en tête: remonter illico!

Après-midi

On part en exploration de l'îlot andorran en voiture: une expérience aussi dure sur le coeur que le toboggan. Les routes serpentent sans arrêt, parfois à la limite du précipice. Le décor vaut largement les petits maux de coeur! Ici, un long pont de l'époque romane qui enjambe une rivière. Là, un belvédère qui domine les maisons agglutinées au fond de la vallée. À Andorre, l'homme doit arracher chaque mètre carré d'habitation aux montagnes. Près de la frontière française, les montagnes sont plus imposantes encore. Du haut de Port Envalira, le plus haut col des Pyrénées, à 2407 m, on voit des cimes déjà enneigées en cette fin d'été. À Canillo, une boutique permet de déguster les spécialités andorranes: saucissons de tous formats, fromages de brebis ou de vache, charcuteries. On fait le plein: ce sera parfait pour la randonnée du lendemain.

20 h

Retour à notre hôtel dans les nuages. Au restaurant, nos hôtes, Ricard et Olaia, nous accueillent comme si on était de la famille. Ici, la clientèle se compose surtout d'habitués qui reviennent bon an, mal an. Et ça transparaît dans l'accueil... Au menu: soupe à l'oignon servie dans des bols artisanaux, vin espagnol et épaule d'agneau à la castillane, cuite longuement dans son jus. C'est la meilleure de la principauté, lit-on au menu. La réputation n'est pas volée: c'est un régal...

Jour 3

Matin

Lever tôt: la journée s'annonce chargée. On veut s'attaquer à un tronçon du sentier GR-7. Ce sentier de «Grande Randonnée» traverse la vallée de la rivière Madriu, site du patrimoine mondial de l'UNESCO. On stationne dans le hameau d'Escaldes-Engordany avec la ferme intention de faire les quatre heures de marche jusqu'à l'Estany de l'Illa, un lac glaciaire. Le sentier rocailleux grimpe sans répit jusqu'au refuge de Fontverd, à 1880 m d'altitude. Une soixantaine de vaches nous y attendent. Les cloches qui pendent à leur cou résonnent comme des ressorts d'une boîte à musique détraquée! Ce sera notre musique de fond pour le dîner.

17 h

Retour à la voiture, un brin fourbus. Direction: le musée, histoire de solliciter notre cerveau plutôt que nos cuisses. Andorre compte de nombreux musées, certains plutôt saugrenus, comme celui consacré à l'épinglette ou au tabac. Un musée pour les fumeurs? Que si! Le tabac a longtemps été le moteur économique d'Andorre et il est encore fréquent de croiser en pleine ville un tracteur tirant un chariot plein de feuilles vertes. Outre une exposition sans grand intérêt sur la culture du tabac, le musée présente pendant quelques mois une vingtaine de hamacs et de tapisseries signés Alexander Calder. Ces oeuvres aux couleurs vives ont été tissées à la main dans les années 70 au Guatemala, selon des dessins originaux du peintre et sculpteur américain. C'était sa façon de donner un coup de pouce aux victimes du tremblement de terre de Managua.

18 h

On reprend la route de l'Espagne, tristes de laisser tant de beauté derrière. Contrairement à nous, plusieurs personnes ont décidé de rester à Andorre pour travailler, pensant peut-être avoir trouvé l'eldorado. Sauf que... On ne devient pas andorran, on naît andorran. Des 70 000 habitants, seuls 20 000 détiennent le passeport andorran. Ils sont les seuls à pouvoir voter, seuls à pouvoir posséder un commerce, seuls à pouvoir posséder plus d'une propriété. Mieux vaut encore y venir en simples touristes...

Photo: Bruno Bernardin

Le pont médiéval de la Margineda témoigne du riche passé d'Andorre.