De Pétra, récemment intronisée au panthéon des «nouvelles merveilles du monde», ceux qui n'ont jamais visité la Jordanie connaissent surtout le «Trésor», cette sublime colonnade taillée dans le grès rose.

Mais au-delà de cette icône architecturale, l'ancienne capitale des Nabatéens était, pendant l'Antiquité, une des grandes villes du Moyen-Orient, étalée sur cinq vallées reliées par un formidable réseau de sentiers de montagnes qui en font un magnifique terrain de jeu pour amateurs de randonnée pédestre.

Jour 1

20 h 15 : Pétra la nuit

J'avais rendez-vous devant le Centre des visiteurs, à l'entrée du site, à 20 h 15. La nuit était tombée une heure plus tôt et je m'étais inscrit à l'excursion «Pétra la nuit», offerte trois fois par semaine: les lundis, mercredis et jeudis. Pour l'occasion, on dispose 1200 lampions le long du canyon de près de deux kilomètres menant au «Trésor», le tombeau taillé dans la falaise de grès rose qui symbolise Pétra aux yeux du monde.

Lorsque nos guides ont donné le signal du départ, nous étions entre 150 et 200 personnes à nous suivre à la queue leu leu, ce qui gâchait un peu la magie. «En saison, il y a six fois plus de monde, et encore, nous en refusons!» m'a dit un préposé du Centre des visiteurs. Sur l'esplanade sablonneuse qui sert de parvis au Trésor, les visiteurs sont invités à s'asseoir entre plusieurs rangées de lampions qui jettent une lueur grise sur les colonnades du tombeau.

J'ai essayé de prendre des photos, mais mon flash ne fonctionnait pas et j'étais incapable de régler le problème, parce qu'on n'y voyait goutte. Nous avons été invités à nous recueillir en silence pendant une vingtaine de minutes. Puis un chanteur, accompagné d'un instrument à cordes, a entamé une mélopée incantatoire en arabe. Lorsqu'il a terminé, tout le monde a pris le chemin du retour. Les plus malins se sont rués vers l'avant ou se sont arrangés pour être les derniers, de manière à se retrouver seuls entre les hautes parois du défilé. À 22 h 30, j'étais de retour dans ma chambre d'hôtel.

Jour 2

9 h 30 : Bab El-Siq

De retour dans Bab el-Siq, cette vallée étroite bordée de tombeaux. Les guides ménagent toujours un ou deux arrêts pour commenter les tombeaux-djinns, ces monolithes sculptés dans la falaise, qui sont censés abriter des esprits. Ils en profitent pour expliquer qui étaient les Nabatéens, ce peuple sémite venu du Yémen, qui construisit et occupa Pétra pendant cinq siècles, jusqu'à la conquête de la ville par les Romains en 106 de notre ère.

Ici, à la croisée des routes menant d'Égypte à la Mésopotamie et d'Arabie à la Syrie, ils contrôlaient le trafic des caravanes. C'étaient de formidables ingénieurs qui avaient conçu des systèmes hydrauliques dont les canalisations qui amenaient l'eau à la ville sont encore visibles partout à Pétra. C'est ce qui leur a permis de développer dans cette région aride une des plus brillantes civilisations de l'Antiquité.

10 h 30 : Du Siq au trésor

À 900 mètres du Centre des visiteurs, Bal el-Siq (la porte du Siq) se rétrécit pour devenir une gorge de moins de 10 mètres de large, dont les parois s'élèvent à une hauteur moyenne d'une centaine de mètres: le Siq. De temps à autre, les falaises orangées - car le grès friable de Pétra n'est rose que lorsqu'il est frappé par la lumière déclinante du jour - s'échancrent et on tombe sur un petit monument sculpté ou un tombeau creusé dans le roc, à quelques mètres du sol. Les pavés posés au Ier siècle de notre ère affleurent par endroits, faisant trébucher les imprudents. Soudain, le Trésor s'encadre entre deux pans de falaises, arrachant des exclamations émerveillées aux touristes.

C'est parce qu'ils pensaient que la tholos - cette gracieuse rotonde qui se dresse au-dessus du chapiteau - renfermait un trésor que les Bédouins ont donné à la merveille le nom de Khasneh, qui signifie «trésor», en arabe. À tort, puisqu'il s'agit d'un tombeau - celui du roi Artias Ier. Ce n'est qu'en quittant l'esplanade du Khasneh qu'on pénètre dans la ville proprement dite. Le Cardo - l'ancienne rue principale aménagée par les Romains - est bordé de ruines : celles des palais, du forum et des temples, parmi lesquels l'ancien temple principal, qui est un des rares monuments de l'Antiquité dont les murs sont encore debout.

14 h 30 : Le Monastère

Je prends place à la terrasse d'un des trois restaurants aménagés au coeur du site. Au menu : poulet, agneau grillé et, bien sûr, les délicieux mezzé - ces hors-d'oeuvre qu'on nous sert partout en Jordanie et dans les pays voisins. Revigoré par un café turc parfumé à la cardamone, je m'élance sur le chemin escarpé qui, après m'avoir fait grimper 800 marches taillées dans le roc, traverser quelques gorges et longer un ou deux précipices, débouche sur El-Deir.

Aussi appelé «le Monastère», parce que les Byzantins y célébraient la messe, El-Deir est une réplique du Khasneh, mais en plus monumental : 47 mètres de haut sur 40 de large. Ici, on peut grimper dans l'urne qui coiffe la tholos. À condition, bien sûr, de ne pas avoir les jambes sciées après l'ascension d'une bonne heure depuis le «centre-ville»! Une ascension qui vaut le coup, non seulement pour le Monastère, mais aussi pour les paysages de montagne saisissants qui s'offrent à chaque détour du sentier.

19 h 30 : Petra Kitchen

Ce soir, je suis inscrit à un cours de cuisine jordanienne. Petra Kitchen est un des restaurants qui bordent la rue principale de Wadi Musa, la ville construite à l'entrée du site de Pétra. Il s'est reconverti en académie culinaire. Une soixantaine de personnes ont pris place autour des blocs de travail dressés dans la salle. Tout en sirotant du vin jordanien (le Saint-Georges, qui ne donne pas trop mal à la tête), nous allons préparer des plats levantins traditionnels: soupe aux lentilles, baba ganuj, taboulé, chaussons au fromage, riz au poulet... J'ai échoué au bloc assigné à la préparation du taboulé. Un des cuisiniers qui nous supervisent est venu me tancer en anglais: «Si c'est comme ça qu'on hache le persil, chez vous au Canada, il doit y avoir pas mal de gaspillage!



Jour 3


9 h : Le haut lieu du sacrifice

Ascension, ce matin, par une autre volée de marches qui incisent la falaise, entre le Khasneh et le théâtre. Elle mène au sommet du Jebel Attuf, à 1035 mètres d'altitude, où le «haut lieu du sacrifice», un autel sur lequel on sacrifiait animaux et humains, se dresse au milieu de la cour d'un temple dont il ne reste que quelques moellons. Le chemin continue, en corniche, longeant quelques précipices. À déconseiller aux promeneurs sujets au vertige! Il débouche sur le monument au Lion, qui est une ancienne fontaine, puis sur le tombeau du Soldat romain. En face, une habitation troglodyte dont le triclinium (c'est-à-dire la salle à manger à trois bancs de pierre) présente des parois sculptées.

13 h : La petite Pétra

Départ en bus pour Siq el-Berid, «la petite Pétra», sorte de «banlieue» située à huit kilomètres au nord où, soupçonne-t-on, habitaient les riches marchands de la ville. Au plafond d'une des maisons creusées dans la falaise du «défilé» (ici aussi, il faut passer par un canyon étroit), on a retrouvé un fragment de fresque sur lequel on distingue encore très bien un joueur de flûte. Le Petra National Trust, organisme voué à la préservation de l'environnement et de l'héritage culturel de l'ancienne ville nabatéenne, se prépare à faire restaurer la fresque barbouillée par la suie (les Bédouins s'abritaient dans le tombeau et y faisaient du feu). Le site de Pétra est immense. Il est composé de cinq vallées, mais la plupart des visiteurs ne découvrent que la principale, où se trouvent le Khasneh et le centre de la ville ancienne. Encastrées entre de monumentales formations rocheuses aux formes fantasmagoriques, ces vallées sont sillonnées par un formidable réseau de sentiers de randonnée qui débouchent régulièrement sur des panoramas saisissants et des tombeaux ou des maisons taillées dans le roc. C'est un des rares endroits du monde où nature et culture sont aussi étroitement imbriquées.