Un pied dans la Méditerranée et l'autre dans l'Atlantique, Tanger avec son million d'habitants bouillonne après s'être endormi pendant deux décennies. Cette ville-frontière du Maroc est devenue un vaste chantier avec la construction de nombreux immeubles d'habitation et de bureaux, et de complexes touristiques qui apparaissent à sa périphérie. L'aménagement d'un nouveau port et la transformation du port existant en une gigantesque marina vont changer l'idée que l'on se faisait jadis de cette ville intrigante et mystérieuse, renommée par ses truands, ses bars interlopes et l'attraction qu'elle suscitait chez les artistes.

Jour 1

9 h : La Kasbah

La meilleure façon de visiter la Kasbah et le palais du Sultan (Dar-el-Makzen), c'est de prendre un taxi jusqu'à la porte de la Kasbah, située sur un promontoire qui domine le détroit de Gibraltar. Après la visite du musée, il est plus facile de poursuivre à pied vers la médina sans trop s'épuiser puisque le parcours est en pente.

Aux abords du palais du Sultan, sur une petite esplanade, quelques charmeurs de serpents et des vendeurs de babioles attirent l'attention des touristes. On accède au Palais par un escalier situé à l'extrémité sud.

La visite du Dar-el-Makzen construit au XVIIe siècle est impressionnante. En entrant on accède à la trésorerie dans une salle fermée où d'immenses coffres de cèdre servaient à entreposer les redevances des contribuables. Le plafond en caisson est magnifiquement décoré.

Plus loin, un couloir nous dirige vers un très beau patio bordé de colonnes corinthiennes. De chaque côté, des salles où l'on présente des objets des nombreuses civilisations qui ont marqué l'histoire de la ville, de la période pré-romaine à l'occupation portugaise en passant par les grandes dynasties omeyades et almoravides. Enfin, on débouche vers un jardin andalou rempli de senteurs et de chants d'oiseaux.

11 h : La médina

Du palais du Sultan, on descend par un escalier vers le centre de la médina. En hauteur, la vue nous donne un aperçu d'ensemble de ce quartier historique. Plusieurs habitations anciennes sont transformées en maisons d'hôtes pour touristes. Vers le coeur de la médina, on retrouve l'ambiance du passé avec la présence d'échoppes où des artisans confectionnent des vêtements, des tapis ou des pièces d'orfèvrerie. Quelques boutiquiers sont spécialisés dans la revente de mobiliers et d'objets antiques. Parfois des enfants proposent de servir de guides. Mieux vaut refuser car vous risquez de vous retrouver chez des marchands de tapis.

12 h : Le Petit Socco

Au détour d'une ruelle de la médina, on débouche sur le Petit Socco entouré de cafés-terrasse. Cette place très courue par les touristes a donné lieu à d'innombrables intrigues dans les romans d'espionnage qui se déroulent à Tanger. Au Café Tangis, j'ai cassé la croûte tout en sirotant un thé à la menthe, charmé par le spectacle de la rue.

14 h : La Fondation Lorin

Philippe Lorin, un Français expatrié à Tanger, a créé un lieu de mémoire en photos de la ville de Tanger dans l'ancienne synagogue Ets Haïm, rue Touahin dans la médina. Il est aussi l'organisateur du Festival de jazz de Tanger qui se tient dans la dernière quinzaine du mois de mai. Lorsqu'on entre dans la médina par le Grand Socco, on se repère facilement en suivant les indications. On y expose des vieilles photos remontant à la fin du XIXe siècle et des coupures de journaux dont celle du Soir Illustré du 24 mars 1949 vantant les mérites de Tanger comme ville sans impôts. D'autres photos des rois du Maroc et de célébrités artistiques jalonnent les deux salles d'exposition.

15 h 30 : La Légation américaine

Tout près, se trouve la Légation américaine, créée en 1821 et qui fut le plus ancien consulat des États-Unis à l'étranger. En 1977, elle a été transformée en musée. On a recréé l'ambiance du XIXe siècle dans ses 45 pièces. On y retrouve une abondance de gravures et de cartes anciennes du nord de l'Afrique, du mobilier et des peintures de James McBey et de Stewart Church qui peignait à la façon de Delacroix. Une petite pièce est consacrée au romancier Paul Bowles qui a séjourné une grande partie de sa vie à Tanger et qui a écrit plusieurs oeuvres. La bibliothèque du musée contient des livres rares qui sont souvent consultés par des chercheurs.

17 h 30 : Un vieil hôtel

Pour se retremper dans l'époque romantique de la ville, il faut pousser une pointe jusqu'à l'hôtel Continental, situé près de la porte Borj Salam de la médina, et dont la terrasse offre une vue imprenable sur le port et la baie de Tanger. Construit en 1870, l'établissement a vu défiler une kyrielle de personnalités dont Winston Churchill. Il faut s'aventurer à l'intérieur afin de voir les petits salons et les patios intérieurs. Des objets, peintures et ameublement d'origine nous font revivre une époque révolue.

20 h 30 : Jazz dans un palais

Soir de chance, le Palais des Institutions italiennes ouvre ses portes à la 9e édition du Festival de jazz de Tanger qui s'est tenu cette année du 28 mai au 1er juin. Une scène extérieure et deux scènes intérieures accueillent des groupes musicaux venus principalement du Vieux Continent mais aussi des États-Unis et de Cuba. Ce soir j'ai le plaisir de voir la prestation de Chuchito Valdès avec Leonel O Zuniga ainsi qu'un groupe belge Jazz Me Do qui interprète en octet le répertoire des Beatles en jazz.

Il faut profiter des concerts ou de représentations théâtrales pour visiter cet édifice, généralement fermé aux visiteurs, qui est une sorte de cloître entouré d'un jardin de séquoias, d'orangers, de cyprès et de palmiers. Autour une multitude de colonnes soutiennent une galerie qui s'ouvre sur des salles en enfilade toutes ornées de cheminées en marbre. Les plafonds et les murs sont splendides en bois sculpté et peint dans un style raffiné et discret.

Jour 2

9 h 30 : La terrasse des Paresseux

Après le petit-déjeuner, je me dirige vers le port et la plage de Tanger. Place de Paris, on débouche sur la terrasse des Paresseux où sont pointés vers le détroit de Gibraltar d'anciens canons en bronze. C'est un endroit d'observation et de rêve pour des centaines de jeunes gens, qui aspirent à rejoindre l'autre continent afin d'améliorer leurs conditions de vie.

Juste en face, on retrouve la Parfumerie Hadini qui distille depuis plus de 100 ans des huiles essentielles et des eaux de toilette. Les préposés au comptoir vous diront qu'ils sont les fournisseurs des émirs du Koweït et de la milliardaire américaine Barbara Hutton. J'en ai profité pour acheter un concentré d'eau de lavande pour 80 dirhams (un peu plus de 10 $).

10 h 30 : La plage

De là, on peut joindre par un escalier le boulevard Mahommed VI qui ceinture la plage de Tanger. Une ancienne voie ferrée a été transformée en promenade par la municipalité ce qui la rend la marche agréable. Des propriétaires en ont profité pour restaurer les façades des immeubles de style italien ce qui rehaussent le prestige des cafés ou des boutiques installés au rez-de-chaussée.

La plage qui s'étend sur quelques kilomètres est ceinturée de nombreux restaurants et cafés-terrasses très courus durant la saison estivale.

12 h : L'église St. Andrew's

Au retour de la plage, j'en profite pour remonter par la rue d'Angleterre jusqu'à l'église anglicane St. Andrew's qui est située tout près du marché aux poissons. À son pourtour, les trottoirs sont envahis par des vendeuses qui offrent les produits de leurs potagers ou des confections artisanales.

L'église qui date de la fin du XIXe siècle est dans le style maure. À l'intérieur, on aperçoit une arche qui est gravée d'une prière en arabe. Près du bâtiment, on retrouve un joli cimetière très verdoyant qui est un havre de fraîcheur lorsqu'il fait très chaud.

14 h : La montagne et le cap Spartel

À Tanger, aller à la Montagne, c'est se rendre dans le quartier cossu où l'on retrouve des magnifiques villas. Mais il y a encore mieux, c'est la Vieille Montagne où sont installés les plus riches et l'un nombreux palais du roi Mohammed VI. À vrai dire, la course en taxi est un peu décevante car dans cette partie les propriétés sont entourées de hauts murs qui dérobent au regard les villas somptueuses. Cependant, à un endroit escarpé on a une magnifique vue panoramique du détroit et au loin la ville espagnole de Tarifa. On ne peut rouler très loin sur la route de la Vieille Montagne car on arrive rapidement dans un cul-de-sac. De cette impasse, les amateurs de sentier pédestre peuvent rejoindre le cap Spartel en deux heures en empruntant une ancienne voie romaine.

Le cap Spartel est un joli endroit mais le phare ancien qui sert toujours à la navigation ne se visite pas. On y retrouve plutôt un belvédère envahi par des marchands de babioles qui vous pressent d'acheter un souvenir.

15 h 30 : Les grottes d'Hercule

Situées à 3 km du cap Spartel, les grottes d'Hercule sur l'océan Atlantique sont des cavernes naturelles où la mer pénètre à marée haute et dont l'ouverture épouse la forme du continent africain. Dommage que les autorités aient donné à des commerçants la possibilité de vendre des souvenirs à l'intérieur des grottes. Dans le cap, des restaurateurs ont aménagé des terrasses et sur les rochers, on aperçoit des pêcheurs qui taquinent les poissons.

Non loin des grottes, le luxueux hôtel Mirage est surtout fréquenté durant la belle saison par des vedettes françaises. De l'établissement, on accède à une plage peu fréquentée mais très charmante.

19 h 30 : Un hôtel célèbre

On ne saurait passer quelques jours à Tanger sans se payer un dîner à son plus célèbre hôtel: le El-Minzah. L'établissement a accueilli dans le passé des hôtes renommés, qu'il s'agisse de Churchill, l'écrivain Jean Genet ou encore le roi espagnol Juan Carlos. Ce qui fait son charme, c'est son jardin de roses et de bougainvillées qui surplombe la baie de Tanger et sa piscine entourée de palmiers. Dans la belle salle à manger, avec arches en fer à cheval, on sert une cuisine marocaine raffinée, comme des tajines de dorade à la Safi ou des pageots farcis aux fruits de mer. Et au dessert, on vous présente un plateau de pâtisseries, dont les cornes de gazelle, au son d'un orchestre et de danseuses traditionnelles. Tout cela pour 50 $, vin inclus.

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Les frais de ce voyage ont été payés par le Festival de jazz de Tanger.