« Êtes-vous le type de personne qui se demande ce qui a bien pu se passer dans un endroit qu’elle visite ou contemple de l’extérieur ? » Si vous répondez par l’affirmative à la question d’Annie Richard et Jean-Philippe Rousseau, alors vous plongerez avec délectation dans leur nouveau livre Motel Mystère — Histoires inquiétantes pour clients téméraires.

Vous y apprendrez, parmi tant d’autres histoires tout aussi savoureuses, que les membres du célèbre groupe The Who ont passé huit heures dans une cellule de prison montréalaise, en 1973, pour avoir saccagé une chambre de l’hôtel Bonaventure, après s’être produits au Forum. Ou qu’en 1933, un contrebandier d’alcool de Terre-Neuve a été arrêté au célèbre Château Frontenac, à Québec, où il se planquait pour échapper aux autorités.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

L’hôtel Bonaventure, lieu de quelques aventures…

« Les hôtels, ce sont des lieux de passage, un peu comme les gares, les aéroports… On y passe quelques nuits puis on les oublie. Mais quand on fouille, avec le passage qu’il y a dans un hôtel, c’est sûr qu’on y trouve des drames, des choses un peu inusitées, atypiques », estime Jean-Philippe Rousseau, qui coanime la balado Rétro crimes avec Annie Richard.

« On devient plus anonyme quand on est de passage dans un hôtel », souligne de son côté celle qui est également détective privée à la barre de l’émission Sur ta rue (sur Canal D). « Donc c’est sûr que c’est idéal pour devenir la planque à bandit ou la cachette parfaite pour une nuit. »

Les deux auteurs ont épluché les archives criminelles du Québec — et consulté un grand nombre d’articles de journaux — pour ressusciter des histoires insolites survenues dans 12 établissements de la province au cours des quelque 100 dernières années.

Ces faits divers ont tous fait les manchettes à l’époque et sont depuis tombés dans l’oubli ; n’empêche, ils n’en sont pas moins croustillants encore aujourd’hui. Et même si certains des établissements dont on raconte les histoires rocambolesques n’existent plus ou ont changé de nom — comme le mythique hôtel Rocdor, à Drummondville, ou l’hôtel de La Salle, à Montréal, qui était situé en plein quartier des gangsters dans les années 1940 —, les lieux recèlent encore les traces de leur passage.

L’histoire derrière les façades

Rue Saint-Vincent, dans le Vieux-Montréal, une plaque rappelle que le bâtiment, construit en 1861 et abritant aujourd’hui le petit hôtel boutique Maison Saint-Vincent, a un jour été l’hôtel Richelieu — objet d’un chapitre haut en couleur dans le livre.

« C’était un quartier qui pouvait être rough », précise Annie Richard. « C’est le port avec beaucoup de travailleurs, de marins qui arrêtaient là, renchérit Jean-Philippe Rousseau. C’était un hôtel — on dirait “classe”, aujourd’hui — où il y avait beaucoup de personnalités. »

C’est en effet à l’hôtel Richelieu qu’est descendue Sarah Bernhardt lors de sa tournée américaine en 1880, apprend-on. « Après, ç’a été un restaurant un peu huppé », indique Annie Richard. Puis, de 1902 à 1968, les lieux sont occupés par l’Institut médico-légal et la morgue. « C’est un siècle plus tard qu’il redevient un établissement hôtelier », relate l’auteure.

  • La ruelle dont l’Institut médico-légal, qui a pris la place de l’hôtel Richelieu, se servait pour transporter les cadavres vers la morgue

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    La ruelle dont l’Institut médico-légal, qui a pris la place de l’hôtel Richelieu, se servait pour transporter les cadavres vers la morgue

  • La plaque qui rappelle le passage de Sarah Bernhardt à l’ancien hôtel Richelieu, dans le Vieux-Montréal

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    La plaque qui rappelle le passage de Sarah Bernhardt à l’ancien hôtel Richelieu, dans le Vieux-Montréal

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Ce petit voyage dans le passé permet également de constater qu’au cours des dernières décennies, des établissements qui étaient très à la mode, à une certaine époque, ont quelque peu perdu de leur lustre après avoir été au cœur de nombreuses histoires criminelles.

« Le motel Raphaël [dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce] était véritablement un lieu de villégiature ; il y avait même des voyages de noces, des conférences, beaucoup d’Américains qui venaient y séjourner. Mais j’ai vu les dernières photos avant la destruction… ce n’était vraiment pas beau », note Jean-Philippe Rousseau.

D’autres, comme le motel Pierre, dans l’arrondissement de Saint-Laurent, continuent de faire les manchettes. « Ça aussi, c’est une autre place qui a changé avec le temps, ajoute-t-il. Avant, il y avait l’aéroport de Cartierville, en face, et le Bobino, qui était comme une place de cabaret ; c’était des voyageurs, des touristes, des hommes d’affaires qui étaient là. »

« Les vieux bâtiments, ça transpire l’histoire. Mais les hôtels, on ne les voit plus ; ça fait partie de notre paysage, on les voit plus comme de l’architecture », estime Jean-Philippe Rousseau. Et pourtant, les histoires qu’ils recèlent n’ont pas fini d’être racontées.

Motel Mystère — Histoires inquiétantes pour clients téméraires

Motel Mystère — Histoires inquiétantes pour clients téméraires

Éditions de l’Homme

240 pages