Qu’on parte en randonnée sur le toit du monde, une semaine au soleil tout inclus ou simplement pour un week-end au Québec, nos voyages ont une incidence sur l’environnement et les communautés qu’on visite. Rester chacun chez soi n’est pas la solution : des millions de gens vivent du tourisme, partout sur la planète. Peut-on voyager mieux, sans (trop) laisser de traces ?

Être citoyen ailleurs

« Voyager, c’est un privilège, et il faut lui faire honneur », croit Jean-Sébastien Noël. Vaolo, la plateforme qu’il a mise sur pied, se donne pour mission « d’inspirer le changement par la rencontre et le voyage ». Sans chercher à faire la leçon aux gens.

« Tu as le droit d’aller au soleil en plein hiver pour t’offrir une récompense », croit-il. Vaolo regarde toutefois dans une autre direction : elle suggère des petits lieux d’hébergement « au bout du chemin », privilégie les expériences qui favorisent les rencontres et témoigne d’un souci pour l’environnement.

PHOTO PATRICE LAROCHE, LE SOLEIL

Jean-Sébastien Noël a mis sur pied la plateforme Vaolo.

« On parle de voyager, mais c’est quoi, voyager ? C’est être un citoyen temporaire chez quelqu’un d’autre », dit encore Jean-Sébastien Noël. Autrement dit, c’est une occasion qui vient avec un minimum de responsabilités.

Se poser des questions

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Costa Rica

« Ne pas avoir d’impact quand on voyage, c’est impossible », dit Geneviève Turner, coordonnatrice de Tourisme durable Québec. Ne serait-ce qu’en raison des gaz à effet de serre (GES) émis par nos déplacements, qu’on aille à l’autre bout du monde ou qu’on prenne sa voiture pour aller dormir dans un tipi. Il est toutefois possible de limiter les effets plus néfastes de nos vacances, dit-elle.

On se pose déjà beaucoup de questions quand on planifie des vacances (où dormir, quoi faire, quels endroits visiter ou éviter, etc.). Il suffit peut-être de s’en ajouter quelques-unes pour faire ailleurs des gestes qui reflètent les valeurs qu’on défend à la maison. Si on se soucie d’acheter « local », par exemple, on peut s’assurer de faire la même chose quand on va à l’étranger et de choisir des activités ou des auberges qui mettent de l’avant des pratiques écologiques et des produits locaux.

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Richard Rémy est cofondateur de l’entreprise de voyage Karavaniers.

Il faut aussi avoir à l’esprit : plusieurs entreprises ou destinations affirment adopter de bonnes pratiques environnementales et proposer un tourisme durable. Le Costa Rica est même en train de devenir « exemplaire » en la matière, selon Richard Rémy, cofondateur de l’entreprise de voyage Karavaniers. Or, c’est aussi dans l’air du temps et il n’existe pas de critères absolus à l’échelle planétaire pour définir ce qu’est le tourisme durable, souligne Jean-Sébastien Noël.

Vaolo et Karavaniers ont chacun leur charte éthique qui relève du gros bon sens : respect de l’environnement, des gens et de leur culture, et souci de générer des retombées économiques locales — ce qui signifie entre autres pour les Karavaniers de payer un salaire digne et juste à ses collaborateurs à l’étranger.

Repenser l’hébergement

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L’Amazonie

« Je ne vais pas dans des hôtels cotés en Bourse », dit Richard Rémy. Choisir une chambre dans une pension familiale plutôt que dans une chaîne internationale peut être une façon de s’assurer que nos sous restent dans la communauté.

L’idée, selon Jean-Sébastien Noël, est de choisir le « mieux », pas forcément de viser la perfection. « On propose beaucoup d’hébergement à Madagascar [sur Vaolo], mais on ne peut pas s’attendre à ce qu’ils recyclent comme ici », dit-il. Il faut tenir compte du contexte local.

Le petit hébergement à Natashquan, par sa simple existence, contribue à la vitalité de la communauté, même s’il ne sert pas de la bouffe bio et n’a pas un toit vert.

Jean-Sébastien Noël, de Vaolo

Il ne faut pas non plus diaboliser les grands complexes hôteliers et les mettre tous dans le même panier, estime Geneviève Turner. « Il y a des complexes plus grands qui ont peut-être justement plus les moyens de prendre soin des communautés aux alentours », souligne-t-elle. Poser des questions et affiner ses recherches permet de faire un choix qui nous correspond.

Prendre son temps

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Au sommet de Kala Patthar au Népal

Partir deux semaines plutôt qu’une seule paraît logique sur le plan financier et donne le sentiment d’amortir les coûts de transport, en particulier lors d’un voyage en avion. Or, en partant plus longtemps, on amortit aussi l’impact environnemental de son déplacement. « On devrait voyager moins souvent, moins loin et plus longtemps », suggère Geneviève Turner.

Karavaniers a d’ailleurs fait le choix de proposer moins de voyages et d’allonger les séjours. « On ne propose plus de voyage en bas de deux semaines », dit Richard Rémy. La durée minimum est même plus longue dans des régions éloignées comme le Népal, où il a guidé un voyage de 27 jours récemment. « Quelqu’un qui veut venir au Népal pour deux semaines ne viendra pas avec les Karavaniers », tranche-t-il, et c’est une décision pleinement assumée.

Respecter l’environnement

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Le Sahel

« Sortir des sentiers battus » est un slogan prisé dans l’industrie du tourisme. Sous cette formule se cache la promesse d’une expérience unique, authentique, privilégiée. Or, dans les milieux naturels, qu’il s’agisse de dunes vierges au Sahel ou de sous-bois au Saguenay, ce n’est pas une bonne idée.

Il faut faire attention où on met les pieds. Il y a plein d’organismes qu’on ne voit pas dans les milieux naturels. Il faut rester à l’intérieur des balises pour ne pas tout détruire.

Geneviève Turner, coordonnatrice de Tourisme durable Québec

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Geneviève Turner, coordonnatrice de Tourisme durable Québec

Ce souci de l’environnement, on devrait l’avoir dans tous les milieux, selon elle, qu’on loue un chalet au Québec ou un appartement dans une ville étrangère. Comme voyageur, on n’est que de passage, mais ces endroits sont des milieux de vie, rappelle-t-elle. Se demander si on fait trop de bruit devrait être un réflexe naturel.

Transporter sa petite trousse « zéro déchet » (des plats pour nos restes de table au resto, une tasse et une bouteille réutilisable) et ne pas faire changer sa serviette de bain plusieurs fois par jour sont aussi de petits gestes qu’on peut apprendre à faire, selon Geneviève Turner.

Compter et dépenser autrement

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Des paniers tissés à la main dans une boutique d’un marché local au Pérou

« La beauté du tourisme, c’est que c’est l’argent qui se déplace et dynamise tout un écosystème, souligne Jean-Sébastien Noël. Ça peut sauver des communautés. » C’est vrai au Québec, comme au fin fond du Pérou.

« Si les gens ne magasinent que pour le prix le plus bas, ça va se faire sur le dos de quelqu’un d’autre, et souvent dans un pays où les gens ont tellement besoin de cet argent qu’ils ne peuvent pas dire non », souligne Richard Rémy.

On peut aussi prendre soin d’acheter des souvenirs fabriqués localement ou issus du commerce équitable, plutôt qu’une babiole supposément traditionnelle, mais fabriquée en Chine même si on se trouve en Amérique du Sud…

Lorsque c’est possible, on peut aussi proposer des activités de tourisme ou de plein air avec des entreprises qui reversent une partie de leur chiffre d’affaires au programme 1 % pour la planète, mis sur pied par Yvon Chouinard, fondateur de Patagonia.

Compenser ses GES

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Des éoliennes au Nebraska

Il y a 15 ans, Richard Rémy a fait un choix : désormais, tous les gaz à effet de serre générés par les voyages faits avec les Karavaniers seraient compensés par l’achat de crédits carbone et la facture serait refilée au client. « Mon calcul était que si tu peux dépenser 5000 $ ou 6000 $ pour un voyage, tu peux en rajouter 200 $ pour compenser les dommages que tu fais sur le plan environnemental, expose-t-il. Ce n’est pas énorme comme montant, mais ce n’est pas non plus symbolique. »

Tous les crédits carbone ne sont pas égaux : certains servent à soutenir des projets d’infrastructure énergétique durables (énergie solaire ou éolienne, par exemple), d’autres à planter des arbres. « Planter des arbres, ce n’est malheureusement pas la bonne chose à faire, en fait c’est peut-être la pire », explique Marc Paquin, PDG de Planetair, organisme qui vend des crédits carbone.

La reforestation est bénéfique pour les écosystèmes et la biodiversité, reconnaît-il, mais il en faut trop et il faut attendre trop longtemps pour que l’effet soit significatif quand on vise la carboneutralité. « C’est plus de la compensation symbolique », dit-il, alors que les « crédits or » soutiennent des projets plus significatifs. Richard Rémy n’achète d’ailleurs que des crédits carbone respectant la norme Gold Standard, qui offre à son avis « la garantie morale la plus élevée ».

Quel est le coût pour le voyageur soucieux de participer à l’effort collectif ? Environ 50 $ pour un aller-retour Montréal-Paris en classe économique, selon le calculateur de Planetair, qui n’offre que des crédits Gold Standard, et environ moitié moins pour un aller-retour à Cuba.

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