Difficile de trouver un moment plus inopportun que 2020 pour suivre une formation en tourisme. Si beaucoup ont remis leurs projets d’études, Cécile Lugand a décidé de foncer.

Ça n’a pas été de tout repos, il a fallu faire des pieds et des mains pour dénicher un stage, mais ses efforts ont porté leurs fruits et elle a terminé sa formation avec une offre d’emploi et une bourse de l’Office du tourisme du Québec.

« Fondamentalement, ç’a été une année positive, relate-t-elle. Il y a eu des hauts et des bas, mais tout ça a montré qu’il ne faut pas baisser les bras, il faut être créatif, se faire un réseau de contacts, s’informer des nouvelles tendances. Il y a plein de choses à faire. »

Cécile Lugand a commencé sa formation en janvier 2020 à l’École des métiers de la restauration et du tourisme de Montréal (EMRTM), établissement de niveau secondaire professionnel du Centre de services scolaire de Montréal. « On a fait trois mois de présentiel, puis, à la fin d’une semaine, il y a eu une annonce concernant la pandémie internationale. On s’est dit “à la semaine prochaine”, mais on ne s’est jamais revus. »

Après quelques semaines de flottement, les cours ont repris de façon virtuelle. « J’ai vraiment été super heureuse d’avoir de leurs nouvelles, raconte Cécile Lugand. Il y avait un grand vide. »

Je travaillais dans une auberge de jeunesse et j’avais été licenciée. Le fait de retravailler, d’utiliser ma tête, d’avoir des projets, des profs qui nous ont motivés, ça a vraiment fait du bien.

Cécile Lugand, finissante de l’École des métiers de la restauration et du tourisme de Montréal

L’EMRTM a dû se retrousser les manches pour offrir les cours à distance. « On a revu nos programmes, on s’est demandé ce qui pouvait être un frein au retour aux études, se rappelle la directrice de l’école, Marylène Bernier. On a apporté de la souplesse, on a développé un processus d’entrée continue. Au lieu de penser réunir 24 élèves en même temps à une date précise, on a invité les élèves, dès qu’ils avaient un intérêt à la formation, à commencer tout au long de l’année scolaire. »

Des élèves en moins

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Charlevoix a été très populaire en 2020. La région a reçu beaucoup de touristes qui avaient l’habitude de prendre des vacances à l’étranger. La main-d’œuvre provenant des écoles de tourisme sera demandée.

Malgré ces accommodements, l’école a perdu environ 20 % de ses élèves. « Les élèves des formations professionnelles ont souvent des enfants, explique Mme Bernier. Il y en a beaucoup qui ne se voyaient pas reprendre la formation à temps plein alors que les écoles primaires étaient encore fermées et que les enfants étaient à la maison. Il y a toutes sortes de situations qui faisaient en sorte que les conditions idéales pour retourner aux études n’étaient plus réunies. »

Au Collège April-Fortier, on a carrément perdu 50 % de la cohorte qui devait commencer la formation à la fin de mars 2020. « On voit la lumière au bout du tunnel et on s’attend à une reprise dès l’automne. L’année 2022 sera très explosive pour ce qui est de la demande. De toute évidence, on ne fournira pas en fait de main-d’œuvre », explique la présidente de l’établissement, Catherine Fortier.

Nicolas Gibeau, professeur de gestion à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ), est également très optimiste au sujet des débouchés pour les élèves de son établissement, « surtout ceux qui ont commencé cette année et qui vont continuer à l’automne ». « Ils vont arriver sur le marché du travail à un moment crucial. L’industrie s’est beaucoup questionnée et va commencer à revivre. Les finissants auront l’occasion de contribuer au tourisme 2.0 : que sera le tourisme après la pandémie ? Est-ce qu’il y aura des ajustements ? Il y aura de belles occasions. »

Plus créatifs

En attendant cette reprise, l’ITHQ a dû faire preuve de créativité pour trouver des stages aux élèves. Les hôtels, dont le personnel était déjà très réduit, ne prenaient pas de stagiaires et le propre hôtel de l’établissement était fermé pour rénovations. Les professeurs ont donc concocté 17 mandats de stage pour le repenser de A à Z, depuis sa mission jusqu’aux tarifs en passant par la description des chambres. « J’ai eu la chance d’accompagner les étudiants et de voir ce qu’ils ont développé comme compétences, s’enthousiasme M. Gibeau. Si j’étais encore gestionnaire en hôtellerie, ce sont des compétences que je rechercherais chez mes futurs employés. »

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La Gaspésie a attiré les Québécois pendant la pandémie à l’été 2020. Et on croit bien que l’engouement se poursuivra, ce qui demandera plus de main-d’œuvre dans le secteur du tourisme.

Les écoles de tourisme ont également dû adapter le contenu des cours aux nouvelles réalités. En raison des restrictions liées aux déplacements internationaux, elles ont augmenté le nombre d’heures consacrées aux destinations canadiennes et québécoises.

« Dans la région de Tremblant, il manque tellement de monde qu’ils demandent à nos élèves de mettre leur formation sur pause, d’aller travailler tout l’été et de reprendre à l’automne », indique Marylène Bernier.

« Il y avait une pénurie de main-d’œuvre avant la pandémie, rappelle Nicolas Gibeau, de l’ITHQ. Elle sera encore plus grande au retour. Au cours de la dernière année, il y a beaucoup de gens de l’industrie touristique qui ont fait le choix d’aller travailler dans d’autres industries. Est-ce que tous ces gens-là vont revenir ? Je ne pense pas. Ça crée des occasions pour les jeunes qui vont arriver sur le marché. »