Il faudra encore patienter un peu avant de pouvoir s’envoler vers des destinations éloignées. En attendant, pourquoi ne pas explorer les archives de La Presse et lire des reportages touristiques d’une autre époque ? Certains ont assez bien vieilli, d’autres moins. Au cours des prochaines semaines, nous présenterons de petites trouvailles qui nous permettent de voir le monde à travers les yeux des voyageurs de l’époque.

C’est le cauchemar de tout journaliste touristique : il explore une destination pour se rendre compte, tout juste avant la publication de son reportage, que ladite destination n’est plus accessible. C’est l’expérience qu’a vécue le journaliste André Belly, en 1965, avec une croisière qui reliait Montréal à New York. Le titre dit tout : « Une croisière merveilleuse qui n’aura probablement plus lieu ».

C’est vraiment dommage. La Holland-America Line n’organisera probablement plus de croisière annuelle entre Montréal et New York. La ligne néerlandaise avait établi cette croisière l’an passé, misant sur la Foire de New York pour en faire un succès financier. Le résultat sur ce plan avait été relatif. Cette année, la même expérience fut tentée… avec le même résultat : 350 personnes seulement s’embarquaient le huit mai à bord du SS Ryndam, pour une croisière de quatre jours et demi qui les amenait de Montréal à New York, avec escale à Boston, en longeant les rives du Saint-Laurent, les côtes des Maritimes et de la Nouvelle-Angleterre pour traverser ensuite le magnifique canal de Cap Cod.

C’est dommage parce que cette croisière offrait l’occasion par excellence de faire connaissance avec la vie en paquebot et le service d’une grande compagnie maritime, à tous ceux qui n’ont pas le temps ou les moyens financiers de traverser l’Atlantique par la voie des mers, ou encore de s’embarquer pour l’une de ces prestigieuses croisières de 12, 15 ou 80 jours qui vous amènent vers ces coins de la terre dont le nom seul fait rêver.

La vie en croisière

André Belly ne se décourage pas. Il décide de faire œuvre utile et de décrire la vie en croisière pour un public pour qui, en 1965, la chose n’était pas familière.

La vie qu’on y mène est difficile à décrire. On se lève à des heures impossibles, on se couche au petit matin, après avoir épuisé les musiciens qui en viennent à se demander s’il ne faut pas être très fou pour avoir encore le goût de danser la cha-cha au moment où le soleil annonce le début d’un nouveau jour.

Qui dit croisière, dit bonne bouffe. Cette croisière ne semble pas faire exception.

PHOTO TIRÉE DE SSMARITIME.COM

Salle à manger du SS Ryndam

On fait honneur à une cuisine exceptionnelle (sans parler du buffet froid de la fin de soirée et des sandwiches de minuit). Il faut ici donner un crédit particulier à la Holland-America Line. Ses bateaux possèdent une cave qui servirait aisément de modèle à plusieurs restaurants réputés, tandis que ses salles à dîner nous font « butiner » de merveille en merveille. Sa cuisine est moins élaborée, dit-on, que sur certaines autres lignes européennes. En revanche, nos estomacs assez fragiles de Nord-Américains-réfractaires-aux-sauces y risquent moins le tragique engorgement du foie qui vous cloue dans votre cabine pour 24 heures ou davantage.

Le journaliste est conscient que pour plusieurs lecteurs, la vie de croisière est un grand mystère. Il se fait un plaisir de révéler ce qui se passe à bord.

Quand on n’a jamais voyagé en paquebot, on s’imagine facilement que la vie doit devenir monotone à mourir après deux jours « d’emprisonnement » dans la même coque de métal.

Il n’en est rien. Bien au contraire. Le responsable des divertissements à bord organise un soir des courses de « chevaux » de carton, le lendemain un bingo, le surlendemain un spectacle de variétés, sans parler évidemment du traditionnel bal costumé qui force les enthousiastes à des miracles d’ingéniosité, tant il est vrai que les travestis réalisés avec les moyens du bord sont parfois très réussis.

Le journaliste tente toutefois de rassurer les gens qui recherchent davantage la tranquillité.

Il ne faudrait évidemment pas croire que la vie en paquebot n’est possible qu’aux seuls gais lurons en mal de nuits blanches consécutives.

À côté de ceux qui s’esbaudissent jour et nuit, se trouvent en effet une foule de voyageurs calmes qui ont choisi le paquebot pour se reposer. Et les coins silencieux ne manquent pas sur un paquebot, même sur un navire relativement petit comme le Ryndam, où les « pacifiques » peuvent vivre des jours et des jours sans que les « bruyants » ne parviennent à troubler leur quiétude.

La conclusion d’André Belly est simple.

Vraiment, la vie en paquebot est quelque chose qu’il faut goûter au moins une fois dans une « carrière de voyageur ».

On peut naviguer dans les archives de La Presse, et d’autres journaux québécois, sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).

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