(Paris) Après Paris-Nice, voici Paris-Lourdes et Paris-Vienne : malgré les assauts de la COVID-19, les trains de nuit reviennent dans nos gares, offrant une option alternative écolo à l’avion, subventionnée par les pouvoirs publics.

Le déclic remonte en France à un discours d’Emmanuel Macron le 14 juillet 2020, le président annonçant alors qu’il voulait « redévelopper massivement » les trains de nuit.

Le plan de relance gouvernemental a prévu une enveloppe pour remettre sur les rails Paris-Nice et Paris-Tarbes-Lourdes (une liaison qui sera prolongée l’été jusqu’à la côte basque). Le premier train est reparti fin mai, le second fait son retour dimanche soir.

Et alors que le gouvernement entend (r)ouvrir une dizaine de liaisons nocturnes d’ici 2030, le premier ministre Jean Castex a récemment indiqué que la prochaine sur la liste serait Paris-Aurillac. Sans date, pour le moment.

Mardi matin, un autre train de nuit fera une entrée très remarquée Gare de l’Est, à Paris : un convoi venu de Vienne, exploitée par les chemins de fer autrichiens ÖBB.

La compagnie est devenue ces dernières années la championne des trains de nuit paneuropéens, se constituant un réseau qui s’étend tous les ans. Elle s’est récemment accordée avec la SNCF et la Deutsche Bahn allemande et les Chemins de fer fédéraux (CFF) suisses pour compléter la toile, le Paris-Vienne étant d’ailleurs ouvert avec trois ans d’avance sur les prévisions.

Les chiffres de réservations des liaisons nocturnes sont bons malgré la pandémie, indique le directeur de Voyages SNCF Alain Krakovitch.

« Il y a la montée en puissance de la dimension écologique », dit-il, rappelant que « les trains étaient vides il y a cinq ans ».

Les trains de nuit ont été victimes du développement du réseau TGV, de la suppression du service militaire, d’investissements insuffisants, des travaux, des grèves, des retards, du manque de confort… et bien sûr de la concurrence des compagnies aériennes à bas prix.

L’ancien patron de la SNCF Guillaume Pepy estimait que les temps avaient changé et que les voyageurs n’avaient plus envie de sentir les pieds d’inconnus dans leur compartiment.

Nouveau matériel

PHOTO ANNE-CHRISTINE POUJOULAT, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Un employé de la SNCF dans le train Paris-Nice

De fait, la compagnie publique a longtemps négligé ses trains de nuit. Un rapport a failli les achever en 2015, pointant du doigt le fait que chaque passager coûtait plus de 100 euros au contribuable.

Deux lignes ont toutefois survécu, jugées « indispensables en raison de l’absence d’une offre alternative suffisante pour les territoires concernés » : de Paris à Briançon — qui va rouvrir dimanche après rénovation —, et de Paris à Rodez, Latour-de-Carol et Cerbère.

Les temps ont changé, et les voyageurs devraient gagner un peu de confort grâce à un programme de rénovation des voitures, qui datent des années 1970-80.

Il faudra de toute façon investir si l’on veut faire rouler tous les trains annoncés. Un rapport gouvernemental publié au printemps évaluait à environ 1,5 milliard d’euros la somme nécessaire pour acheter les voitures (neuves) et locomotives nécessaires.

Sans parler du déficit d’exploitation qui serait, en France, pris en charge par l’État.

« La fenêtre d’opportunité est plutôt maintenant » pour lancer les trains de nuit, « mais l’acquisition de nouveau matériel va prendre du temps », pointe François Guénard, expert ferroviaire au cabinet Roland Berger.

« Il faudra avoir une bonne expérience client si l’on veut pérenniser ces liaisons. On peut supposer que les attentes du consommateur sont un peu plus élevées qu’il y a vingt ou trente ans », remarque-t-il.

La SNCF acquiesce. De même qu’une nouvelle compagnie baptisée Midnight Trains, qui veut lancer des « hôtels sur rail » à partir de 2023 entre Paris et des métropoles européennes.

« On est dans la dernière ligne droite pour l’acquisition de nos rames et le financement », indique son dirigeant Adrien Aumont, cofondateur de la plateforme de financement participatif KissKissBankBank.

Reste que la COVID-19 a fait des victimes. La compagnie italienne Trenitalia a abandonné son Paris-Venise et les chemins de fer russes RJD n’ont pas repris le Paris-Moscou.

Rare acteur privé à faire rouler des trains de nuit sans subventions, la compagnie suédoise Snälltåget (le gentil train) relie notamment Stockholm à Berlin. Mais son propriétaire français, Transdev, l’a mise en vente.