Le gouvernement fédéral vient d’annoncer que les amarres de l’interdiction des croisières au Canada seront levées le 1er novembre. Pendant ce temps, les séjours au fil des fleuves et des mers ont repris leur cours aux États-Unis. À quoi doivent s’attendre les assoiffés de cabines flottantes, surtout en matière de conditions de voyage ? La réponse n’est pas claire comme de l’eau de roche, mais les indices sont encourageants.

Guy Bergeron, à la tête de l’agence spécialisée Croisières pour tous, s’attend à « une deuxième vague », selon ses propres mots. Non, pas de celles auxquelles on nous a habitués depuis des mois, mais plutôt une seconde marée de clients, après qu’une première fournée de voyageurs au pied marin s’est récemment manifestée pour réserver un séjour, en dépit du risque d’éventuelles contraintes sanitaires à bord.

« La demande est là, j’ai des clients qui ont acheté quatre voyages pour l’an prochain, ils veulent se reprendre après en avoir été privés pendant deux ans », illustre M. Bergeron. Même constat chez son homologue Marc Leclerc, d’Amarc croisières et voyages, qui remplit son carnet de commandes pour 2022 et même 2023.

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Il faudra peut-être s’attendre à voir des mesures sanitaires s’inviter à bord en 2022. On voit ici une hôtesse du Cavalier Maxim d’AML l’an dernier, une société qui a pu offrir des croisières d’une seule journée cette année, et qui n’est ainsi pas concernée par les interdictions en vigueur. Un avant-goût de ce qui se verra sur les croisières au long cours ?

Mais une interrogation émerge vite à la surface : dans quelles conditions ces croisières se feront-elles ? Avec masques à gogo, fontaines de désinfectant, restrictions d’escales et bateaux semi-déserts ? Pas facile de le prédire avec un horizon aussi lointain, mais les deux dirigeants d’agence sont unanimes sur un point : mieux vaut s’abstenir avant l’an prochain.

M. Bergeron a en effet pu constater que des séjours ont été organisés ces derniers temps et, semblerait-il, la croisière ne s’amuse pas vraiment. « Des essais ont été faits, dans des conditions merdiques, avec des masques à tout bout de champ, l’impossibilité de sortir seul, des tests à passer, des navires remplis à 30-40 %. Ces voyageurs sont des sortes de cobayes. Et selon moi, une croisière, c’est trop cher pour servir de cobaye », lance-t-il.

Je ne recommande pas de croisière avant 2022. C’est trop compliqué, ça change beaucoup. J’ai des clients qui vont partir quand même, mais je les ai prévenus des complications qu’ils pourraient avoir.

Marc Leclerc, propriétaire d’Amarc croisières et voyages

Eaux troubles

Parmi les bâtons dans les hélices, on trouve aussi, actuellement, les fluctuations de réglementations selon les pays, les États fédérés ou les sociétés de croisières, entrant parfois en conflit entre elles — les agences à qui nous avons parlé n’ont pas eu de mots tendres pour le gouverneur de Floride, qui a interdit aux entreprises d’exiger un « passeport vaccinal » à leurs clients, ce qui complexifie notamment l’organisation de tels voyages. « Rien n’est clair pour l’instant. Par exemple, on a récemment appris que l’un des croisiéristes norvégiens ne reconnaîtra pas la validité d’un vaccin AstraZeneca si un vaccin différent a été donné en deuxième dose », indique M. Bergeron. De son côté, M. Leclerc rappelle que l’avis du gouvernement déconseillant les voyages non essentiels est toujours en vigueur, ce qui entraîne des problèmes d’assurances.

Voile d’optimisme

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Les bateaux de croisières au long cours seront autorisés à naviguer dans les eaux canadiennes dès le 1er novembre. À quel point les restrictions sanitaires seront-elles contraignantes ? Les passagers devraient en savoir plus peu avant leur départ, quand ils auront encore la possibilité d’annuler ou de reporter le voyage si ces conditions ne leur conviennent pas.

De toute façon, même si les voyages organisés avec nuitées dans des eaux fluviales canadiennes seront de nouveau autorisés le 1er novembre, la véritable saison des croisières locales ne pourra être lancée avant 2022, puisque l’hiver pointera vite son nez. Les conditions se seront-elles améliorées d’ici là ? Bien malin qui pourra le deviner, mais les agences se veulent optimistes.

Pour le propriétaire d’Amarc croisières et voyages, si les sociétés exigent une vaccination complète pour tous les passagers, les conditions de séjour devraient être d’autant plus agréables et beaucoup moins contraignantes. « Or, la clientèle des croisières, ce ne sont pas des jeunes de 20 ans, plutôt des gens de plus de 50 ans, qui sont généralement vaccinés », entrevoit-il.

Son confrère de Croisières pour tous pense également que les sociétés ne tarderont pas à se mettre au diapason, pour simplifier et harmoniser les exigences et situations.

Face à l’incertitude laissée par l’horizon lointain de 2022, il rassure quand même sa clientèle avec les politiques de remboursement ou de report de voyage, pouvant être invoquées jusqu’au paiement final, qui se fait généralement entre 90 et 120 jours avant le départ. « À ce moment-là, les clients auront une situation beaucoup plus claire des conditions de leur croisière et pourront prendre leur décision », souligne-t-il.

Normalité à l’horizon ?

René Trépanier, directeur général de l’association Croisières du Saint-Laurent, partage cet optimisme. « On est parmi les derniers à reprendre. C’est un inconvénient économique, mais un avantage de voir comment la reprise s’effectue ailleurs », soulève-t-il, précisant que sur les 800 000 passagers de croisière ayant voyagé depuis le redémarrage, seuls 31 cas de COVID-19 ont été détectés. Il dit s’attendre, pour l’an prochain, à des mesures sanitaires atténuées. « Le tourisme international est en train de reprendre, une normalité devrait se réinstaller en 2022 », estime M. Trépanier. L’association travaille par ailleurs de concert avec un expert en mesures sanitaires qui observe actuellement la reprise en Europe.

Des réservations records

Les éventuelles mesures sanitaires ne semblent pas effrayer les clients des sociétés de luxe, qui voient aussi loin à l’horizon. Regent Seven Seas Cruises, après avoir vu son carnet de commandes déborder pour 2022 et 2023, a mis en vente à la mi-juillet des places à bord du Seven Seas Mariner pour un tour du monde en 2024. Les tarifs ? De 92 310 $ à 251 200 $ CAN. En moins de trois heures, tous les forfaits étaient vendus. « Pour nos clients, la Croisière mondiale 2024 représente bien plus qu’une croisière, c’est un retour à la normale », a indiqué par communiqué Jason Montague, président de la société.