Il n’y a pas que dans les galeries où l’art s’expose. Les murs aussi peuvent devenir de formidable canevas. Sur ces toiles de briques et de pierres, les artistes — célébrissimes ou anonymes — ont mis leur talent à profit pour faire des villes de vastes musées à ciel ouvert. Voyage haut en couleur dans cinq villes du globe, à la rencontre des vedettes passées ou présentes de l’art urbain.
Buenos Aires
Dans la capitale de l’Argentine, la seule autorisation nécessaire pour peindre une façade est celle du propriétaire du mur. Pas de permis municipal à obtenir, de devis à soumettre ou autre paperasserie à faire estampiller. Cette absence de restrictions a favorisé la multiplication des œuvres murales dans des quartiers comme Palermo, Barracas ou Colegiales, en plus d’ouvrir la porte à des œuvres résolument critiques envers les pouvoirs en place.
Certains artistes portègnes ont ainsi réussi à se tailler une réputation internationale dans le circuit de l’art urbain. C’est le cas de Martín Ron, dont le dessin d’une tortue de mer sortant d’un trou est devenu, depuis sa création en 2012, une des œuvres murales préférées du quartier Barracas. Ron est aussi célèbre pour ses murales monumentales, qui se déploient sur plusieurs étages des tours d’habitation.
Jaz, qui a signé en 2015 une œuvre murale à Montréal, rue Saint-Dominique près de Duluth, est aussi originaire de la capitale argentine et a apposé sa signature — et son art — sur plusieurs bâtiments, chez lui, comme à l’étranger. Buenos Aires compte de plus la plus longue murale du monde réalisée par un seul artiste. La murale de 2000 m2 a été peinte par Alfredo « El Pelado » Segatori et se situe dans le quartier de Barracas.
Des œuvres murales géantes jusqu’aux tags politiquement engagés, les murs de Buenos Aires ont beaucoup de choses à raconter...
> Regardez d’autres œuvres murales portègnes
> Faites une visite guidée des œuvres du quartier Palermo (en espagnol)
New York
C’est dans la Grosse Pomme que le street art a pris son envol, à la fin des années 60, alors que les premiers graffitis commencent à apparaître sur les murs et les wagons de métro de la ville.
À la fin des années 70, des tags signés du copyright SAMO se multiplient dans le centre-ville de Manhattan. Derrière cette signature : Jean-Michel Basquiat (dont une œuvre a été vendue 110,5 millions en 2017) et Al Diaz. Le temps a fait son œuvre et effacé SAMO des rues new-yorkaises, mais l’ancien studio de Basquiat (que possédait jadis Andy Warhol) mérite tout de même le détour pour sa façade bigarrée.
Toujours dans les années 70, un mur bordant un terrain de jeu d’East Harlem a commencé à se couvrir, en toute légalité, de somptueux graffitis. Le lieu, rebaptisé Graffiti Hall of Fame, est encore fréquenté par les meilleurs tagueurs. Harlem compte aussi une célèbre œuvre murale à deux faces, peinte par Keith Haring dans les années 80 et intitulée Crack is Wack.
Aujourd’hui, plusieurs quartiers de New York continuent d’attiser la créativité des artistes de rue. Bushwick est de ceux-là. Un résidant, Joe Ficalora, a lancé un projet de murales il y a de cela presque 10 ans. Depuis, plus de 50 œuvres peuvent être vues dans ce quartier de Brooklyn. Ailleurs, ce sont les barrières de sécurité des magasins qui servent de toile grâce au projet 100 Gates. Dans l’Upper West Side ou dans l’East Village, c’est le célèbre Bansky qui a sévi. Même Coney Island compte son lot d’œuvres murales… Bref, l’art de rue reste florissant dans la ville qui ne dort jamais.
> Regardez d’autres œuvres new-yorkaises
> Faites une visite guidée de Bushwick (en anglais)
Berlin
Avec son histoire tumultueuse, la capitale allemande a inspiré — et continue de le faire — de nombreux artistes urbains. Après la chute du mur, en 1989, les vestiges sont eux-mêmes devenus une galerie d’art à part entière : plus d’une centaine d’œuvres murales se succèdent sur sa partie est, celle-là même où, sous le régime soviétique, les graffitis étaient interdits. À voir : 1,3 km d’œuvres faisant la promotion de la paix pour la plupart…
Mais il y a plus à voir dans cette ville à la créativité bouillonnante. Le quartier de Kreuzberg est reconnu pour la diversité de son art urbain. Un immense astronaute en apesanteur y a été dessiné au pochoir par Victor Ash ; des grosses pointures du street art, l’Italien Blu et les jumeaux brésiliens Os Gêmeos, y ont aussi laissé leur marque. Le premier a toutefois orchestré la disparition de ses deux plus importantes œuvres pour protester contre l’arrivée d’un projet immobilier sur le site d’un squat. L’art urbain est par définition éphémère… même lorsque l’œuvre s’étend sur un mur entier.
Or, peu d’endroits témoignent de l’impermanence de cette forme d’art comme Rosenthaler Strasse, une rue colorée où les graffitis naissent et meurent au gré des saisons. Une chose demeure toutefois : les touristes sont nombreux à y passer, preuve de l’intérêt indéniable du public envers l’art urbain.
> Regardez d’autres œuvres berlinoises
> Faites une visite guidée de Berlin axée sur l’art urbain
Londres
La capitale britannique entretient un rapport amour-haine avec ses artistes urbains. D’un point de vue légal, les murales ou les graffitis spontanés sont encore aujourd’hui considérés comme du vandalisme par les autorités, qui n’hésitent pas à faire disparaître les œuvres avant même que la peinture n’ait fini de sécher.
Peu importe d’ailleurs que l’artiste soit une célébrité mondiale, comme Banksy. Ce dernier a vu la majorité de ses créations être masquées par les autorités, lorsqu’elles n’étaient pas carrément volées pour être vendues aux enchères ou dénaturées par des tagueurs jaloux de sa notoriété.
Résultat de cette politique anti-graffiti : à Londres, nombre d’œuvres naissent et disparaissent, souvent pour être remplacées par d’autres dont l’espérance de vie sera d’aussi courte durée…
Dans certains quartiers de l’East End, comme Shoreditch, Brick Lane ou Spitalfields, les autorités sont toutefois plus tendres envers l’art urbain, qui est ici toléré, voire encouragé. Des œuvres murales élaborées côtoient des tags plus primaires sur des façades de restaurants, de boutiques, de cafés. Dans Camden, plusieurs œuvres rendent hommage à la reine du quartier, la défunte Amy Winehouse. Dans Brixton, c’est l’immense murale en l’honneur de David Bowie (version Ziggy Stardust) qui attire les Instagrammeurs. Le Belge ROA, l’Anglais Stik, l’Australien Jimmy C, le duo brésilien Bicicleta Sem Freio… plusieurs grands noms du street art ont posé leur griffe sur les murs londoniens. Les autorités ont beau veiller au grain, l’art urbain n’est pas près de s’effacer dans la capitale britannique…
> Regardez d’autres œuvres londoniennes
> Faites une visite guidée de l’East End (en anglais)
Melbourne
L’Australie n’échappe pas au mouvement, avec des dizaines d’artistes qui font étalage de leur talent — en particulier au pochoir — sur les murs de la capitale culturelle qu’est Melbourne. Et la chose ne date pas d’hier… Au milieu des années 80, l’artiste et militant américain Keith Haring a sorti ses pinceaux et offert au quartier de Collingwood une œuvre murale magistrale.
Plusieurs ruelles de Melbourne servent aussi de toiles quasi quotidiennes aux artistes urbains : Hosier Lane, Caledonian Lane et Union Lane sont sans doute les plus colorées du lot. Le hic : en février, les murales de Hosier Lane ont été vandalisées et aspergées de peinture rose. Mais l’art urbain ayant, comme la nature, peur du vide, il y a fort à parier que d’autres œuvres prendront la place sous peu.
Reste que la perte de certaines œuvres fait plus mal que d’autres. En 2016, des employés de la construction ont démoli, par mégarde, pas une, mais bien trois œuvres de Banksy situées dans la ruelle AC/DC (ainsi nommée en l’honneur du groupe de hard rock australien)… Ce n’est pas un hasard : la musique est un thème récurrent pour les artistes urbains qui s’exécutent dans cet étroit bout de rue.
> Découvrez l’art urbain de Melbourne
> Faites une visite guidée des œuvres de Melbourne (en anglais)