Il n’y a pas que dans les galeries où l’art s’expose. Les murs aussi peuvent devenir de formidable canevas. Sur ces toiles de briques et de pierres, les artistes — célébrissimes ou anonymes — ont mis leur talent à profit pour faire des villes de vastes musées à ciel ouvert. Voyage haut en couleur dans cinq villes du globe, à la rencontre des vedettes passées ou présentes de l’art urbain.

Buenos Aires

PHOTO FOURNIE PAR L’OFFICE DE TOURISME DE BUENOS AIRES

La star du tango Carlos Gardel a été peinte sur une porte dans le quartier d’Abasto, à Buenos Aires.

Dans la capitale de l’Argentine, la seule autorisation nécessaire pour peindre une façade est celle du propriétaire du mur. Pas de permis municipal à obtenir, de devis à soumettre ou autre paperasserie à faire estampiller. Cette absence de restrictions a favorisé la multiplication des œuvres murales dans des quartiers comme Palermo, Barracas ou Colegiales, en plus d’ouvrir la porte à des œuvres résolument critiques envers les pouvoirs en place.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE FRANCO FASOLI (JAZ)

Dans les œuvres murales de Jaz, un artiste né à Buenos Aires, il est souvent question de combat entre l’homme et l’animal…

Certains artistes portègnes ont ainsi réussi à se tailler une réputation internationale dans le circuit de l’art urbain. C’est le cas de Martín Ron, dont le dessin d’une tortue de mer sortant d’un trou est devenu, depuis sa création en 2012, une des œuvres murales préférées du quartier Barracas. Ron est aussi célèbre pour ses murales monumentales, qui se déploient sur plusieurs étages des tours d’habitation.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE GRAMHO

Détail de l’œuvre murale monumentale peinte par Alfredo Segatori. Hommage dessiné au peintre local Benito Quinquela Martín, cette murale est la plus longue au monde réalisée par un seul et même artiste…

Jaz, qui a signé en 2015 une œuvre murale à Montréal, rue Saint-Dominique près de Duluth, est aussi originaire de la capitale argentine et a apposé sa signature — et son art — sur plusieurs bâtiments, chez lui, comme à l’étranger. Buenos Aires compte de plus la plus longue murale du monde réalisée par un seul artiste. La murale de 2000 m2 a été peinte par Alfredo « El Pelado » Segatori et se situe dans le quartier de Barracas.

PHOTO STÉPHANIE MORIN, ARCHIVES LA PRESSE

Donald Trump, travesti en Joker de Batman, orne la façade de ce bar du quartier Palermo.

Des œuvres murales géantes jusqu’aux tags politiquement engagés, les murs de Buenos Aires ont beaucoup de choses à raconter...

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New York

PHOTO RICHARD ALEXANDER CARABALLO, TIRÉE DE FLICKR

Le Graffiti Hall of Fame dans East Harlem est un incontournable pour les amateurs d’art de rue.

C’est dans la Grosse Pomme que le street art a pris son envol, à la fin des années 60, alors que les premiers graffitis commencent à apparaître sur les murs et les wagons de métro de la ville.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER DE 100 GATES PROJECT

Un chien devant une œuvre murale peinte directement sur le rideau de fer d’une boutique dans Lower East Side. Avec le projet 100 Gates, les scènes du genre se multiplient dans New York.

À la fin des années 70, des tags signés du copyright SAMO se multiplient dans le centre-ville de Manhattan. Derrière cette signature : Jean-Michel Basquiat (dont une œuvre a été vendue 110,5 millions en 2017) et Al Diaz. Le temps a fait son œuvre et effacé SAMO des rues new-yorkaises, mais l’ancien studio de Basquiat (que possédait jadis Andy Warhol) mérite tout de même le détour pour sa façade bigarrée.

PHOTO EDWARDHBLAKE, TIRÉE DE FLICKR

Keith Haring a peint cette œuvre murale dans les années 80 pour dénoncer l’usage du crack. La murale, peinte sur un terrain de handball, a été restaurée depuis sa création.

Toujours dans les années 70, un mur bordant un terrain de jeu d’East Harlem a commencé à se couvrir, en toute légalité, de somptueux graffitis. Le lieu, rebaptisé Graffiti Hall of Fame, est encore fréquenté par les meilleurs tagueurs. Harlem compte aussi une célèbre œuvre murale à deux faces, peinte par Keith Haring dans les années 80 et intitulée Crack is Wack.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER DE BUSHWICK COLLECTIVE

Cette œuvre signée VEXX fait partie des quelque 50 murales peintes dans le quartier Bushwick.

Aujourd’hui, plusieurs quartiers de New York continuent d’attiser la créativité des artistes de rue. Bushwick est de ceux-là. Un résidant, Joe Ficalora, a lancé un projet de murales il y a de cela presque 10 ans. Depuis, plus de 50 œuvres peuvent être vues dans ce quartier de Brooklyn. Ailleurs, ce sont les barrières de sécurité des magasins qui servent de toile grâce au projet 100 Gates. Dans l’Upper West Side ou dans l’East Village, c’est le célèbre Bansky qui a sévi. Même Coney Island compte son lot d’œuvres murales… Bref, l’art de rue reste florissant dans la ville qui ne dort jamais.

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Berlin

PHOTO TIRÉE DE WIKIMEDIA COMMONS

C’est dans le quartier berlinois de Kreuzberg que plane cet astronaute. Il s’agit d’une des plus grandes murales faites au stencil au monde.

Avec son histoire tumultueuse, la capitale allemande a inspiré — et continue de le faire — de nombreux artistes urbains. Après la chute du mur, en 1989, les vestiges sont eux-mêmes devenus une galerie d’art à part entière : plus d’une centaine d’œuvres murales se succèdent sur sa partie est, celle-là même où, sous le régime soviétique, les graffitis étaient interdits. À voir : 1,3 km d’œuvres faisant la promotion de la paix pour la plupart…

PHOTO TIRÉE DE WIKIMEDIA COMMONS

L’Italien Blu est une figure célèbre de l’art de rue. Ses œuvres ornent plusieurs murs, À Buenos Aires ou ici, à Berlin, dans le quartier Kreuzberg.

Mais il y a plus à voir dans cette ville à la créativité bouillonnante. Le quartier de Kreuzberg est reconnu pour la diversité de son art urbain. Un immense astronaute en apesanteur y a été dessiné au pochoir par Victor Ash ; des grosses pointures du street art, l’Italien Blu et les jumeaux brésiliens Os Gêmeos, y ont aussi laissé leur marque. Le premier a toutefois orchestré la disparition de ses deux plus importantes œuvres pour protester contre l’arrivée d’un projet immobilier sur le site d’un squat. L’art urbain est par définition éphémère… même lorsque l’œuvre s’étend sur un mur entier.

PHOTO PHOTO.COM

Plus d’un kilomètre du Mur de Berlin a été transformé en galerie à ciel ouvert (baptisée East Side Gallery) avec quelque 100 œuvres murales à découvrir. Cette reproduction du « Baiser de l’amitié », de Dmitri Vrubel, mettant en vedette Erich Honecker et Léonid Brejnev, est sans doute l’une des plus célèbres.

Or, peu d’endroits témoignent de l’impermanence de cette forme d’art comme Rosenthaler Strasse, une rue colorée où les graffitis naissent et meurent au gré des saisons. Une chose demeure toutefois : les touristes sont nombreux à y passer, preuve de l’intérêt indéniable du public envers l’art urbain.

PHOTO LAURA GUTIERREZ DIAZ, TIRÉE DE FLICKR

La rue Rosenthaler, dans le quartier de Mitte, est un véritable musée, avec ses dizaines de dessins et de collages. La cour arrière du numéro 39 (juste derrière le musée Anne Frank) est d’ailleurs à inscrire à l’itinéraire de tout amateur d’art de rue.

PHOTO KAI OSWALD SEIDLER, TIRÉE DE FLICKR

Né en Espagne, l’artiste allemand El Bocho a disséminé ses collages partout dans la capitale, notamment dans le quartier central de Mitte.

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Londres

PHOTO JIMBO 0307, TIRÉE DE FLICKR

Le tunnel de Leake street, près de la station Waterloo, est couvert de graffitis tolérés sur 300 m. Banksy y a déjà tenu un événement d’art urbain baptisé Festival of Cans…

La capitale britannique entretient un rapport amour-haine avec ses artistes urbains. D’un point de vue légal, les murales ou les graffitis spontanés sont encore aujourd’hui considérés comme du vandalisme par les autorités, qui n’hésitent pas à faire disparaître les œuvres avant même que la peinture n’ait fini de sécher.

PHOTO TIM PARKER, TIRÉE DE FLICKR

Né à Chicago, mais aujourd’hui résidant de Londres, l’artiste Pégasus a rendu hommage à Amy Winehouse avec plusieurs œuvres disséminées dans le quartier de Camden.

Peu importe d’ailleurs que l’artiste soit une célébrité mondiale, comme Banksy. Ce dernier a vu la majorité de ses créations être masquées par les autorités, lorsqu’elles n’étaient pas carrément volées pour être vendues aux enchères ou dénaturées par des tagueurs jaloux de sa notoriété.

PHOTO UNGRY YOUNG MAN, TIRÉE DE FLICKR

Ce dessin de rat, signé Banksy, peut être vu dans Chiswell Street, près de la salle de spectacle Barbarican. Le texte a toutefois changé avec les années…

Résultat de cette politique anti-graffiti : à Londres, nombre d’œuvres naissent et disparaissent, souvent pour être remplacées par d’autres dont l’espérance de vie sera d’aussi courte durée…

PHOTO FRED BIGIO, TIRÉE DE FLICKR

Située à un jet de pierre de Brick Lane, cette œuvre murale très élaborée est signée par l’artiste portoricain Alexis Diaz.

Dans certains quartiers de l’East End, comme Shoreditch, Brick Lane ou Spitalfields, les autorités sont toutefois plus tendres envers l’art urbain, qui est ici toléré, voire encouragé. Des œuvres murales élaborées côtoient des tags plus primaires sur des façades de restaurants, de boutiques, de cafés. Dans Camden, plusieurs œuvres rendent hommage à la reine du quartier, la défunte Amy Winehouse. Dans Brixton, c’est l’immense murale en l’honneur de David Bowie (version Ziggy Stardust) qui attire les Instagrammeurs. Le Belge ROA, l’Anglais Stik, l’Australien Jimmy C, le duo brésilien Bicicleta Sem Freio… plusieurs grands noms du street art ont posé leur griffe sur les murs londoniens. Les autorités ont beau veiller au grain, l’art urbain n’est pas près de s’effacer dans la capitale britannique…

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE STIK STUDIO

Né dans le quartier de Hackney, Stik est une des figures célèbres de l’art urbain londonien. D’une grande simplicité, ses dessins sont facilement reconnaissables, comme en fait foi ce couple dessiné sur un mur du quartier Spitalfields.

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Melbourne

PHOTO BEX WALTON, TIRÉE DE FLICKR

La ruelle AC/DC est réputée pour son art urbain centré autour de la musique. À preuve : David Bowie s’est taillé une place dans ce dessin d’enfant format géant…

L’Australie n’échappe pas au mouvement, avec des dizaines d’artistes qui font étalage de leur talent — en particulier au pochoir — sur les murs de la capitale culturelle qu’est Melbourne. Et la chose ne date pas d’hier… Au milieu des années 80, l’artiste et militant américain Keith Haring a sorti ses pinceaux et offert au quartier de Collingwood une œuvre murale magistrale.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE LA NATIONAL GALLERY OF VICTORIA

Cette œuvre signée Keith Haring orne l’un des murs d’un collège technique de Collingwood, à Melbourne. L’artiste américain l’a réalisée alors que sa carrière internationale était en plein essor.

Plusieurs ruelles de Melbourne servent aussi de toiles quasi quotidiennes aux artistes urbains : Hosier Lane, Caledonian Lane et Union Lane sont sans doute les plus colorées du lot. Le hic : en février, les murales de Hosier Lane ont été vandalisées et aspergées de peinture rose. Mais l’art urbain ayant, comme la nature, peur du vide, il y a fort à parier que d’autres œuvres prendront la place sous peu.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE MELBOURNE STREET ART

Les œuvres murales de l’artiste belge ROA — dont l’identité exacte reste inconnue — sont disséminées partout sur la planète. Elles représentent presque exclusivement des animaux, peints en noir et blanc, comme ici, à Melbourne.

Reste que la perte de certaines œuvres fait plus mal que d’autres. En 2016, des employés de la construction ont démoli, par mégarde, pas une, mais bien trois œuvres de Banksy situées dans la ruelle AC/DC (ainsi nommée en l’honneur du groupe de hard rock australien)… Ce n’est pas un hasard : la musique est un thème récurrent pour les artistes urbains qui s’exécutent dans cet étroit bout de rue.

PHOTO EDWIN TEE, TIRÉE DE FLICKR

Avec ses dessins qui changent presque quotidiennement, Union Lane est un haut lieu de l’art urbain à Melbourne.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE LUSHLUX

L’artiste Lushlux a réuni deux icônes de la culture pop — Elton John et Bébé Yoda — dans cette œuvre murale venue s’ajouter en décembre dernier au décor de Higson Lane, à Melbourne.

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