La Gaspésie, la Patagonie, l’Afrique : des lecteurs racontent où et comment ils aimeraient voyager après la pandémie. Parce que rêver, ça aide aussi à traverser les moments les plus difficiles du confinement.
En Gaspésie, en Westfalia
Elle vient de l’Estrie, il vient de la Côte-Nord, mais ils partagent un intérêt commun depuis qu’ils sont gamins : les escapades routières en famille. Pour Lydia Laquerre, il ne fait aucun doute que le premier voyage d’après-confinement — et même la plupart des autres aussi — se fera à bord de leur Westfalia 1986. L’été prochain, ils iront en Gaspésie, si les déplacements interrégionaux sont autorisés. L’an prochain ? Ils feront le périple qui était prévu dans quelques semaines : une grande virée dans l’Ouest canadien, jusqu’aux Rocheuses, en revenant par Yellowstone, le Colorado, et ainsi de suite du côté sud de la frontière américaine. « On a toujours préféré la nature aux grandes villes, mais probablement qu’après la pandémie, on aura encore moins le goût de faire des grands bains de foule », raconte la jeune femme.
Pas question de planifier outre mesure. « On aime bien voyager à la “va comme je te pousse” en se laissant aller : si on préfère un endroit, on y reste plus longtemps, et puis c’est tout. »
Leur fils de 3 ans, Killiam, est impatient à l’idée de repartir. « Hier, on a fait un petit tour avec le Westfalia, et il a voulu emporter sa valise pour faire semblant d’aller en voyage, raconte Lydia Laquerre. C’est un très bon voyageur, et un très bon randonneur aussi. On l’a habitué jeune ! »
La Nouvelle-Écosse, en mode « bienveillance »
Alexandra St-Michel travaille ces jours-ci à rédiger un mémoire de maîtrise… en tourisme. Elle rêvait de fêter son diplôme en s’évadant avec son amoureux en Italie. « Trois semaines avec un programme assez chargé, en passant trois jours maximum à chaque endroit », explique-t-elle. La COVID-19 a coupé court au projet, pas seulement à cause des restrictions, mais aussi parce que cet épisode la fait beaucoup réfléchir sur ses habitudes de voyageuse. « On a beaucoup parlé de bienveillance récemment et je veux que ça se transpose dans mes voyages, respecter davantage mes valeurs. Ça veut dire de respecter l’intimité des autres, écouter ce qu’ils ont à dire et à offrir plutôt que de toujours vouloir gratter pour sortir des sentiers battus. » Au lieu de multiplier les destinations, elle se voit plutôt s’installer deux ou trois semaines au même endroit pour mieux en découvrir la culture. « Ce n’était pas ma démarche du tout avant ! », lance-t-elle en riant.
Autre changement ? Elle caresse désormais l’idée de revoir des endroits déjà visités, comme Lunenburg, en Nouvelle-Écosse, ou Terre-Neuve. « C’était impensable pour moi, je me disais qu’il y avait trop de choses à voir pour retourner au même endroit. » Maintenant, elle y voit un côté sécurisant qui ne lui déplaît pas. « Je ne repartirai pas à l’étranger tant et aussi longtemps que je ne me sentirai pas plus en contrôle et en sécurité sur le plan sanitaire », explique-t-elle. L’Italie ? Elle ne renonce pas à ce projet chéri depuis longtemps. Mais Rome, Florence et Gênes devront attendre. Et quand elle ira enfin, ce sera avec un œil nouveau. Un rythme différent. En hommage à la lenteur découverte en cette période de confinement.
À Ushuaia à moto
Ces jours-ci, Gilles Picard devrait être sur sa moto en train de parcourir les quelque 10 000 km séparant Montréal et… Ushuaia ! Après une première boucle jusqu’en Arctique et au Mexique l’an dernier, il projette maintenant de se rendre à moto jusqu’au bout du bout de l’Amérique du Sud, un voyage qui devrait l’occuper de sept à huit mois environ. « J’espère encore partir en septembre pour arriver en Patagonie en décembre, quand ce sera l’été, là-bas », dit-il. « Je descendrai vers le Texas, pour aller vers Monterrey, au Mexique, où je roulerai probablement dans les montagnes jusqu’au Yucatán, puis je passerai au Guatemala, au Honduras, au Nicaragua, au Costa Rica… », énumère-t-il d’une voix posée. L’itinéraire est flexible, la durée du voyage aussi. Une seule chose ne change pas : envoyer, chaque soir, un message à ses filles les informant que tout va bien. « Je prends mes précautions. J’arrête de rouler à 15 h tous les jours, ou au moins je m’arrange pour avoir déjà trouvé l’endroit où je dormirai », précise-t-il. La tente sera souvent son toit pour la nuit. La perspective de croiser la COVID-19 sur son chemin, puisqu’il faudra bien s’habituer à sa présence, concède-t-il, ne l’effraie pas trop. « Je ferai attention. J’irai où ce sera ouvert et sécuritaire, mais de toute façon, je n’aime pas trop les grandes villes et les endroits très touristiques. Le Machu Picchu, ce n’est pas pour moi. Je préfère les petites routes de montagne. »
« Je suis à la retraite. Ma ressource la plus intéressante, c’est le temps. J’ai TOUT mon temps. » Alors même s’il doit attendre un an ou deux avant de repartir, il repartira. En prenant tout le temps qu’il faut pour finir par atteindre son objectif.
En Afrique, en camping
Maggie Charest-Poulin et Hugues Gagnon ont découvert l’Afrique, l’an dernier, au gré d’un voyage humanitaire en Tanzanie suivi d’une virée en Zambie, au Rwanda et en Afrique du Sud. Coup de cœur. Pour l’Afrique, sa population, ses paysages. « On oublie souvent de dire à quel point c’est beau ! Grandiose ! Magnifique ! », s’exclame Maggie. Le couple devait repartir la semaine dernière pour un safari en solo (sans passer par une agence) de trois semaines en Namibie et au Botswana, planifié avec soin. « Il faut énormément de préparation et pas mal tout réserver à l’avance, surtout si on veut faire du camping, dans des endroits reculés, il n’y a souvent que deux ou trois sites », explique Maggie.
Ils repartiront dès que possible, mais sûrement pas avant 2021, dit Maggie. Et pas tout à fait de la même manière. « Tout ça nous fait beaucoup réfléchir… Si la COVID-19 s’est répandue aussi rapidement, c’est en partie à cause des voyages. Et puis, on essaie de diminuer notre consommation de plastique, notre empreinte au quotidien… mais on prend l’avion, donc on pollue allègrement ! C’est difficile pour nous d’arrêter de voyager, c’est une passion : on va malheureusement continuer de le faire, mais différemment. Faire un voyage au lieu de deux ou trois par année, s’assurer qu’on laisse le moins de traces possible, consommer localement. Ça nous conscientise beaucoup. »
L’Europe, en famille
Voyager au temps du coronavirus ? Éric Proulx, sa copine et leurs trois enfants savent déjà ce que cela veut dire. Ils étaient en Asie quand tout a commencé, ils ont vu les frontières se fermer les unes après les autres, les touristes devenir persona non grata ; et ils ont dû faire des pieds et des mains pour attraper le dernier vol commercial quittant le Népal pour rentrer au Canada à la mi-mars. On pourrait penser que ces péripéties ont tari leur envie de parcourir le monde. Pas du tout.
La famille préparait depuis cinq ans ce grand périple de l’Asie à l’Europe, qui devait s’échelonner sur plus de six mois. « On fera, quand ce sera possible, la deuxième moitié du voyage », promet Éric Proulx. L’Europe, que les garçons attendaient avec impatience. Probablement en débarquant en Turquie, point de rencontre entre l’Orient et l’Occident, pour migrer doucement vers l’Allemagne (ça reste à débattre entre deux frères), l’Italie, et assurément la France, pour le petit dernier qui rêve de la tour Eiffel. « Commencer avec le plus compliqué, c’est mieux avec les enfants. Si on brûle ce qu’ils veulent voir en premier, la négociation sera plus difficile ! », dit à la blague Éric Proulx. Avec un peu de chance, ils attraperont même quelques matchs de soccer de l’Euro 2020, reporté à l’an prochain.
« J’ai hâte de voir comment les gens vont voyager après tout ça. Ce que les pays feront, aussi, pour éviter qu’on retombe dans la spirale du surtourisme […] Nous, on continuera à voyager comme avant : pour aller à la rencontre des gens, en espérant que les gens ne seront pas trop craintifs de voir des étrangers débarquer. »
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