C’est une question toute simple de son jeune fils qui a amené François Cornut à s’engager dans la lutte contre les changements climatiques et, ultimement, à fonder l’agence Voyages Humania.

« Toi, papa, tu vas faire quoi ? », a demandé le garçon il y a une dizaine d’années.

« À l’époque, je croyais que les changements climatiques, ça allait suivre à peu près le même cours que l’enjeu qu’on avait connu au Canada avec les pluies acides, ou le problème de la couche d’ozone dans les années 90, se rappelle M. Cornut. J’estimais que la communauté internationale allait arriver à trouver un consensus. Mais je commençais à avoir des doutes. La question de mon fils est devenue obsédante. »

Après une brève incursion dans le domaine du voyage en 2010, l’économiste de formation fonde Voyages Humania en 2015. « J’ai donné à Voyages Humania une double mission : être un partenaire pour faire de plus beaux voyages et être un partenaire pour préserver la beauté du monde », indique M. Cornut.

1 % pour la planète

Humania n’est pas la seule agence de voyages québécoise qui donne la priorité à la protection de l’environnement et à la lutte contre les changements climatiques. Les moyens peuvent différer, mais l’objectif reste le même.

Ainsi, l’agence Karavaniers a choisi de se joindre au mouvement 1 % pour la planète, créé en 2002 par le fondateur de Patagonia, Yvon Chouinard, et le fondateur de Blue Ribbon Flies, Craig Mathews. Le principe est simple : verser 1 % de son chiffre d’affaires à des organisations vouées à la protection de l’environnement.

« Nous avons toujours fait attention de façon “naturelle” parce que ça fait partie de notre façon de voyager, affirme Richard Remy, fondateur et président de Karavaniers. Nous avons fait des corvées de nettoyage au Pérou et en Égypte, nous avons envoyé des architectes et des ingénieurs pour reconstruire une petite école au Népal après le grand tremblement de terre, mais à un moment donné, nous avons voulu nous impliquer davantage. »

En 2008, l’agence a introduit une « taxe carbone » pour compenser les émissions de carbone générées par les voyageurs. Elle versait les sommes ainsi récupérées à des organismes comme Planetair, organisation québécoise qui a conçu une variété de projets d’efficacité énergétique, d’énergie renouvelable et de foresterie.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Richard Remy, fondateur et président de l’agence Karavaniers

Comme nous prenons l’avion, les dommages sont réels. L’avantage que nous avons, c’est qu’ils sont faciles à calculer.

Richard Remy, fondateur et président de Karavaniers

En moyenne, les Québécois émettent 9,6 tonnes de gaz à effet de serre (GES) par personne chaque année. Or, un simple vol aller-retour Montréal-Paris représente 2,4 tonnes par passager.

En optant pour 1 % pour la planète, Karavaniers se trouve à recueillir une somme un peu supérieure à son ancienne taxe carbone. L’agence continuera à verser les sommes recueillies à des organismes comme Planetair, qui a obtenu une certification de 1 % pour la planète.

Bouche-à-oreille

Richard Remy estime que contribuer à 1 % pour la planète, c’est bien, mais que d’en parler et d’inciter les autres à faire de même, c’est mieux.

« Au cours de la dernière année, je me suis donné comme mission d’amener Aventure Écotourisme Québec (AEQ) là-dedans », indique-t-il.

Mission réussie. AEQ, une association qui représente l’industrie de l’écotourisme et de l’aventure, a adopté l’idée. Ses membres pourront se joindre au mouvement 1 % pour la planète sur une base volontaire.

« Personne ne fait beaucoup d’argent dans notre domaine, note Stéphane Jeannerot, responsable du développement des entreprises à AEQ. Il y a beaucoup d’entreprises saisonnières, elles n’ont pas de gros chiffres d’affaires. [Les gens] ont parfois de la misère à se payer un salaire à eux-mêmes, mais c’est sûr que nous allons inciter le plus de membres possible à embarquer. »

Pour l’instant, AEQ entreprend un projet pilote avec une douzaine d’entreprises. « Nous n’avons pas encore défini les stratégies d’investissement, mais nous savons que nous voulons donner à des organisations qui protègent l’écosystème québécois, qui luttent contre les changements climatiques », indique M. Jeannerot.

L’agence de voyages réceptive Authentik Canada vient aussi de se joindre au mouvement 1 % pour la planète. « Nous avons toujours été proches de l’environnement, note Gabrielle Young Giguère, responsable du volet environnemental chez Authentik Canada. Nous avons adopté plusieurs mesures au cours des années : nous plantions des arbres pour apporter notre petite contribution et compenser nos émissions de carbone. Puis nous avons trouvé le 1 %. C’était parfait pour nous. »

La transition s’est faite facilement. « Nous sommes super transparents, c’est détaillé dans la facture, note Mme Young Giguère. Même au téléphone, nous expliquons au client pourquoi c’est important de faire ça. »

Elle affirme que de plus en plus de voyageurs se soucient de l’environnement. « Nous osons espérer que notre initiative va attirer des clients. Jusqu’à maintenant, nous avons eu de bonnes réactions. »

Il y a des clients qui indiquent que faire leur part en achetant un produit touristique, un produit qui n’est pas essentiel, ça pèse dans la balance.

Gabrielle Young Giguère, responsable du volet environnemental chez Authentik Canada

D’autres options

De son côté, François Cornut, président de Voyages Humania, ne pense pas que les clients vont choisir ses voyages parce qu’ils sont carboneutres. Il y a beaucoup d’autres critères en jeu. « Les gens regardent l’itinéraire, le type d’accompagnement, le type d’hébergement, les repas, les dates, énumère-t-il. Comme nous sommes une petite entreprise, nous n’avons pas une multitude de dates. Mais une fois qu’ils ont choisi un voyage, ils sont contents de dire qu’il est carboneutre. »

Humania n’a pas choisi le mouvement 1 % pour la planète, mais un système maison qui équivaut grosso modo à un investissement de 2 % du coût d’un voyage, soit 130 $.

Comme Richard Remy, François Cornut ne se contente pas de « carboneutraliser » sa propre entreprise, il veut élargir le mouvement. Il a donc mis en ligne une pétition pour la mise en place d’un fonds d’indemnisation de l’environnement pour tout le secteur voyage au Québec, afin de compenser les GES émis par les voyageurs québécois qui prennent l’avion.

À un prix de 30 $ la tonne, ce fonds, qui serait géré par l’Office de la protection du consommateur, engrangerait autour de 120 millions par année.