Si 2020 était une année normale, l’agente de voyages torontoise Leila Lavaee serait occupée à préparer des itinéraires personnalisés pour ses clients dans des destinations lointaines comme la Jordanie, la France ou les Galapagos.

Mais à cause des restrictions croissantes attribuables à la COVID-19, Mme Lavaee doit faire preuve de créativité. Au lieu des merveilles de l’ancienne Pétra, des œuvres d’art du Louvre et les tortues de mer, elle propose à ses clients de vivre quelques expériences canadiennes : traverser le Canada en véhicule récréatif, faire une croisière sur le canal Rideau ou être dorloté dans un spa.

« J’ai fait faire un virage à 180 degrés à mon entreprise afin de voir ce qu’on peut faire à l’échelle locale », dit-elle.

D’autres agents de voyages s’adaptent aussi aux nouvelles conditions. Ils approfondissent leur rôle de fournisseurs d’informations ou explorent différentes destinations moins fréquentées dans l’espoir de stimuler les affaires.

Richard Vanderlubbe, président de l’agence Trip Central, s’attend à une baisse des réservations d’environ 90 % en vue de la saison hivernale, ce qui reflète bien l’ampleur des défis auxquels sont confrontés les quelque 12 000 agents de voyages au pays.

« Nous sommes très normalement occupés à cette période de l’année », dit M. Vanderlubbe, dont l’entreprise se spécialise dans les voyages de loisirs vers les destinations soleil. « Maintenant, nous avons un effectif réduit. »

Les agents de voyages faisaient déjà face à une concurrence féroce au cours des dernières années. Les services en ligne comme Expedia et Booking offrent aux consommateurs un moyen facile d’économiser sur les frais en planifiant leurs propres voyages. Mais la pandémie a entraîné une nouvelle série de défis commerciaux pour le secteur, avec des revenus totaux qui devraient baisser de 33 % en 2020, selon les données du cabinet de recherche IBISWorld.

L’Office de la protection du consommateur du Québec dit que le nombre d’agents de voyages a chuté dans la Belle Province pour la première fois en 2020, passant de 12 953 inscrits en février à 11 339 en décembre.

Si le secteur du transport aérien attend l’aide du gouvernement fédéral, toutes les entreprises dépendant du tourisme doivent tenter de survivre, malgré la baisse draconienne de la demande. En décembre, un groupe rassemblant plus de 100 aéroports au pays a demandé au gouvernement fédéral une aide financière d’urgence. Certaines entreprises sont à court d’options pour réduire leurs dépenses.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Les voyageurs revenant au pays doivent se soumettre à une quarantaine.

Anticipant la faible demande, les compagnies aériennes ont déjà réduit leur capacité de 85 %. Les voyageurs ont donc une moins grande flexibilité pour les dates et les destinations, mentionne M. Vanderlubbe. Des itinéraires autrefois populaires vers des destinations comme Cancún et Montego Bay fonctionnent selon un horaire réduit, et les vols entre les villes canadiennes et d’autres pays ont été complètement annulés.

Pourtant, les agents de voyages croient avoir un rôle important à jouer, ne serait-ce que pour servir de guide à leurs clients déroutés par une situation en évolution constante. Les conditions d’entrée peuvent varier d’un pays à l’autre.

Mme Lavaee donne de l’information sur les politiques des compagnies aériennes et les directives de voyage dans un bulletin hebdomadaire qu’elle distribue à son réseau. Certains des documents qu’elle a partagés avec ses contacts pendant la pandémie portaient sur des questions concernant les soins de santé pour les Canadiens à l’étranger et les problèmes de visa pour les personnes qui cherchent à partir pour une période prolongée, dit-elle.

Les vacances prennent plus de temps à réserver, les réglementations évoluant rapidement pour chaque destination. Il faut aussi régler de plus en plus de problèmes liés aux assurances et aux politiques d’annulation avant les départs, ajoute M. Vanderlubbe.

Certains pays, comme Antigua-et-Barbuda, un petit État des Antilles, exigent la preuve d’un test de COVID-19 négatif avant l’arrivée. D’autres, comme la Grenade, demandent aux voyageurs de se mettre en quarantaine pendant une période après leur atterrissage.

Selon la présidente de l’Association canadienne des agences de voyages, Wendy Paradis, un des avantages à consulter un agent de voyages est de pouvoir naviguer entre ces diverses réglementation.

« Pendant la pandémie, les agents de voyages ont accès à des informations actuelles. Les avis et les politiques sont en constante évolution, dit-elle. Ils vous font gagner des heures de recherche. »

Cependant, la pandémie a incité de nombreux consommateurs à resserrer leur budget. Les futurs touristes apprécieront-ils suffisamment les conseils des agents de voyages pour réserver par leur intermédiaire plutôt qu’en ligne ?

Destinations lointaines

Certains agents se concentrent sur des endroits plus éloignés ou moins fréquentés dans l’espoir de vendre des destinations lointaines à leurs clients qui veulent éviter d’être exposés à d’autres personnes.

Rocky Racco, le PDG de l’agence de voyages torontoise TTI Travel, dit que son entreprise se concentre la planification de voyages vers des destinations comme la Slovénie, Malte et les Açores, où il est plus facile pour les clients de respecter les directives de distanciation physique.

La demande de différents types d’hébergement, comme des maisons ou des villas privées, a augmenté depuis le début de la pandémie, constate M. Racco. Cette tendance a été confirmée par une étude publiée en novembre par Expedia. Les types de logement alternatif, comme les maisons privées, les chalets, les péniches ou même les cabanes dans les arbres, ont gagné en popularité au cours de l’année dernière.

Les agents tentent aussi de rester en contact avec leurs clients qui ne sont pas encore prêts à prendre des vacances. Ils publient des bulletins d’information dans l’espoir que la demande rebondira une fois que les restrictions liées à la pandémie se seront atténuées.

« Je conseille aux gens de commencer à planifier leurs vacances même s’ils ne sont pas encore prêts à voyager pour le moment, souligne Mme Lavaee. La flexibilité, les bonnes affaires et toutes les offres actuellement existantes peuvent disparaître avant qu’on décide de faire quelque chose en été. »