Un marché grandissant
Les familles représentent 30 % du marché du tourisme de loisir dans le monde, selon une étude parue dans le Journal of Tourism Futures en 2015. Au Québec, près de 40 % des ménages comprenant un enfant de 5 ans et moins ont voyagé au cours de l’année précédente, d’après le sondage Vivadata de l’automne 2018 (rapporté par le Réseau de veille en tourisme).
On prend goût au dépaysement de plus en plus tôt. Alors que les baby-boomers ont commencé à voyager à l’étranger vers l’âge de 19 ans, les milléniaux l’ont fait à 9 ans, selon le sondage eDreams (2017). Aujourd’hui, un enfant part à l’étranger dès l’âge de 5 ans – quand la menace pandémique ne plane pas, bien sûr.
La culture d’abord
Pour mieux comprendre ces pratiques touristiques, Audrey Bouchez a étudié 20 blogues de voyages en famille (dont 2 canadiens), comprenant un total de 158 articles publiés en 2017. Ces récits ont permis de déterminer que 68 % des voyages familiaux sont culturels. « Ça ne m’a pas étonnée, car la culture est omniprésente quand on voyage, observe Audrey Bouchez. Que ce soit la simple expérience de goûter la nourriture locale ou d’aller visiter un lieu emblématique, c’est de la culture. »
Dans le blogue Maman Voyage, un article porte sur la visite de Londonderry, en Irlande du Nord. « Il faut savoir que Derry est un lieu chargé d’histoire, puisque c’est là qu’a eu lieu le terrible Bloody Sunday, écrit Christine, mère de deux enfants. Nous sommes allés dans le quartier catholique pour y voir les murales qui nous rappellent les tristes évènements. J’avoue ne pas avoir donné beaucoup de détails aux enfants sur cette partie de la visite de Derry. »
Caroline, du blogue VoyageFamily, a quant à elle écrit sur Barcelone : « L’Espagne adore les enfants et Barcelone n’en fait pas exception, précise-t-elle. Il y a des parcs urbains un peu partout sur les places du centre-ville, les Espagnols sont toujours bienveillants avec les enfants au restaurant. »
Cinq autres types de voyages
En ordre décroissant, les familles font aussi des voyages de plein air, dans des parcs de loisirs, à la plage, des escapades routières (road trips) et des croisières – sachant qu’un même voyage peut être classé dans plus d’une catégorie. Audrey Bouchez a été étonnée de la popularité des road trips entre parents et enfants. Flexible, pratique et plus économique que les voyages en avion, cette formule convient particulièrement aux familles. « Des familles font des escapades routières aux États-Unis en louant une auto et en allant de point en point, décrit Audrey Bouchez. En Australie, elles vont louer des vans et des camping-cars, parce que la culture est davantage portée là-dessus. »
Cinq désirs communs
Qu’elles soient traditionnelles, recomposées, homoparentales, soloparentales ou multigénérationnelles, les familles sont plus diversifiées que jamais, ce qui complexifie leurs besoins. Les blogues permettent malgré tout de déterminer cinq désirs communs en voyage : rompre avec le quotidien, avoir une plus grande liberté, se dépayser, évoluer dans des lieux sécuritaires et rapprocher les membres de la famille.
« Certaines destinations ne sont pas encore “family friendly”, observe Audrey Bouchez, mais ça peut être difficile, car il faudrait un réel investissement. » Elle évoque l’Inde, destination réservée aux gens seuls, aux couples ou aux familles plus hardies. D’autres lieux, comme Montréal, pourraient accueillir encore mieux les familles. « On pourrait simplement adapter les horaires des musées, parce que les enfants se lèvent tôt, suggère-t-elle. Pourquoi attendre 10 h ? »
Réfléchir à la suite
Reprendra-t-on bientôt gaiement l’avion en famille ? « Il est encore trop tôt pour savoir si les changements de cette année vont avoir des répercussions sur les années suivantes », estime Audrey Bouchez. Il reste nécessaire, selon elle, « de réfléchir au tourisme de demain, pour qu’il soit plus sécuritaire, meilleur pour l’environnement, respectueux des communautés, en intégrant aussi les dimensions familiale et multigénérationnelle ».