(Ottawa) Alors que la pandémie est quasi maîtrisée en Europe, les voyageurs canadiens pourront à nouveau s’envoler vers le Vieux Continent cet été. Mais pas question de renvoyer l’ascenseur aux Européens, puisqu’Ottawa vient de prolonger la fermeture de ses frontières aux citoyens étrangers pour un autre mois.

Le gouvernement Trudeau a renouvelé par décret cette mesure jusqu’au 31 juillet lundi, sans faire d’exceptions pour certains pays. Nos frontières sont fermées depuis plus de trois mois à la plupart des étrangers, à quelques exceptions près comme les membres de la famille immédiate de Canadiens, des travailleurs saisonniers et des étudiants internationaux.

Cette décision survient alors que l’Union européenne a annoncé mardi l’ouverture de ses frontières aux Canadiens pour des voyages non essentiels à partir du 1er juillet. Seule une quinzaine de pays ayant réussi à contrôler le virus font partie de cette première liste qui sera mise à jour deux fois par mois. On compte également l’Australie, le Japon, la Corée du Sud et l’Uruguay parmi les pays sûrs.

Pour déterminer cette liste, l’Union européenne a privilégié les pays qui comptent une situation épidémiologique meilleure ou semblable à l’Europe. La limite a été fixée à 16 nouveaux cas par jour par 100 000 habitants. L’Union a également évalué les mesures mises en place dans les pays autorisés. Notons que les pays européens ont le choix de ne pas suivre cette recommandation.

Malgré cette décision, la politique officielle du gouvernement du Canada n’a pas changé d’un iota : il est toujours conseillé aux Canadiens d’éviter les voyages non essentiels à l’étranger. Le ministre des Affaires étrangères François-Philippe Champagne n’était pas disponible pour réagir mardi.

Si jamais Ottawa n’imposait plus de quarantaine de 14 jours, Québec pourrait instaurer une telle période de confinement, a suggéré mardi Dr Horacio Arruda, en conférence de presse.

« Il faut regarder la situation épidémiologique [en Europe] en termes de transmission. Je peux vous dire qu’avec ces réouvertures-là, on va faire l’évaluation pour vérifier si on ne va pas demander aux gens de rester en quarantaine pendant 14 jours. Il va y avoir des discussions avec le fédéral, bien entendu, parce que la loi sur la quarantaine est sous sa juridiction », a commenté le directeur national de santé publique du Québec.

Dr Arruda s’est également dit « préoccupé » par la situation aux États-Unis, frappés de plein fouet par une recrudescence de cas de COVID-19. D’ailleurs, l’Union européenne a maintenu ses restrictions à l’égard des Américains, une décision qui n’est pas passée inaperçue aux États-Unis.

« On sait que dans les États de l’Est, notamment, jusqu’en Floride, il y a énormément de cas, donc ce sont des discussions qu’on a actuellement avec notre ministre, avec les premiers ministres, et on va voir, dépendamment de quelles seront les décisions fédérales, quel sera notre plan de contingence pour éviter une introduction massive de cas importés des autres pays », a expliqué Dr Arruda.

« Prématuré » de voyager en Europe, selon le Parti conservateur

Selon le député conservateur Pierre Paul-Hus, il est encore trop tôt pour voyager en Europe, même si la frontière est rouverte. « C’est prématuré de prendre des vacances et de retourner prendre des vacances en Europe si ce n’est pas nécessaire. Ce n’est pas le moment d’aller visiter Paris », fait-il valoir en entrevue.

D’ailleurs, le gouvernement fédéral devrait dire aux citoyens qu’ils ne seront pas rapatriés si l’Union européenne refermait ses frontières en raison d’une nouvelle vague du virus, soutient l’élu conservateur. « Si des gens veulent voyager, c’est à leur risque et péril. Ce n’est pas conseillé de voyager s’il n’y a pas d’obligation », estime le porte-parole conservateur pour la Sécurité publique et la Protection civile.

S’il se réjouit que les Canadiens et les Québécois puissent visiter leur famille en Europe, le député néo-démocrate Alexandre Boulerice soutient qu’Ottawa doit bien avertir les citoyens qu’une stricte quarantaine de 14 jours sera imposée à leur retour au pays. « Pour nous, ce qui est important, c’est que la santé publique doit toujours primer sur le commerce et les profits », affirme le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique (NPD).

C’est pourquoi le député de Rosemont—La Petite-Patrie s’inquiète de la décision des transporteurs aériens de permettre l’occupation de tous les sièges dans un avion. « Transports Canada devrait regarder ça de près. Des compagnies donnent peut-être priorité à la rentabilité avant la santé publique. Ça nous inquiète. Des étrangers pourraient être assis tout près dans un espace fermé », déplore Alexandre Boulerice.

Air Canada assure avoir mis sur pied des mesures sanitaires qui permettent aux voyageurs de voler en « toute sécurité ». Le transporteur aérien accueille d’ailleurs de façon favorable la décision de l’Union européenne et demande une ouverture plus large des frontières.

« Le Canada devrait lui aussi permettre aux Canadiens de voyager de façon sécuritaire, en rouvrant nos frontières de manière progressive, ciblée et mesurée », a indiqué par courriel Pascale Déry, directrice des relations avec les médias d’Air Canada au Québec.

« Nous saluons l’approche équilibrée des pays européens et espérons que le gouvernement canadien adoptera également une approche prudente, mais déterminée, pour permettre la reprise de l’industrie du voyage », a commenté Debbie Cabana, directrice des relations publiques pour Air Transat.

– Avec Philippe Mercure, La Presse