Parcourir le monde et s’extasier devant sa beauté naturelle et humaine vient avec une contrepartie : on s’expose davantage au risque de s’engluer dans des situations de crise. L’auteur et conférencier globe-trotteur Ugo Monticone en sait quelque chose : il a souvent dû s’extirper de postures délicates, dont celle liée à la COVID-19, récemment. Mais il tâche, autant que faire se peut, d’en tirer les fruits, sous forme d’expériences ou de récits.

Même si la grande majorité de ses séjours à l’étranger se déroulent comme un charme, l’écrivain voyageur a toutefois pu accrocher à son tableau de chasse des expériences plus pimentées, généralement indépendantes de sa volonté. Tantôt empêtré dans une crise sanitaire ou politique, tantôt contraint d’arpenter des lieux tout juste sinistrés, il a toujours essayé d’en tirer du positif et de l’inspiration pour ses écrits. « La plupart du temps, ce sont des adons qui vont me mettre dans ces situations. Mais on dit toujours que lorsqu’une porte se ferme, une autre s’ouvre, et cela m’a souvent permis de vivre des rencontres que je n’aurais pas pu faire autrement », confie-t-il.

Ainsi, ses récentes péripéties entamées en République dominicaine juste avant la pandémie mondiale du coronavirus présentent chez lui un arrière-goût de déjà-vécu. Une saveur de SRAS, par exemple, puisqu’il avait entamé un grand tour d’Asie lors du déclenchement de cette épidémie au début des années 2000. Il y cherchait l’inspiration pour un roman et un récit. Il a été servi. « À cette époque, il y avait moins de surdoses d’informations quand on voyageait pendant les crises », remarque celui qui s’est soudainement retrouvé quasi seul devant le temple cambodgien d’Angkor Wat, habituellement pris d’assaut par les touristes. Et quitte à être au cœur de la crise, autant prendre un bonus : après s’être fait dérober tous ses moyens de paiement et son passeport, le voici, de fil en aiguille, converti en animateur improvisé de bar de plage !

PHOTO FOURNIE PAR UGO MONTICONE

En Équateur, revenu de peine et de misère d’une incursion en Amazonie, Ugo s’est retrouvé au cœur de manifestations alors que l’état d’urgence venait d’être déclaré.

Mais il n’y a pas que les virus dans la vie. Il y a aussi les fièvres politiques. En marge d’une tournée de conférences en Équateur, il s’est rendu au cœur de l’Amazonie pour rencontrer un peuple autochtone vivant en autarcie, mais voici que l’état d’urgence militaire est déclaré. Toutes les voies d’accès sont paralysées. Pour s’extirper de ce mauvais pas, son guide lui expose un plan : faute d’essence, il faudra pagayer huit à neuf heures à contre-courant sur le fleuve puis marcher 110 km. Rebondissement : sur la route, un tracteur muni d’une charrette pleine de passagers les embarque… pour se diriger vers un campement de manifestants, à haut risque. Ugo parvient finalement à atteindre une ville et à se tirer d’affaire.

Ces aventures me donnent beaucoup de matière pour mes œuvres. Sur le coup, ça semblait vraiment négatif, mais j’acquiers des expériences que je n’étais pas allé chercher, d’autant plus fortes qu’elles ont été vécues dans l’adversité.

Ugo Monticone, globe-trotteur, auteur et conférencier

L’auteur publiera cet automne un recueil de 20 récits de voyage, rétrospective de 20 ans de périples.

Des lieux et des liens

Parfois, c’est dans des lieux où des catastrophes sont tout juste survenues qu’il met les pieds. Trois mois après l’accident nucléaire de Fukushima, il doit se rendre au Japon afin de tourner une série de portraits pour une émission de télévision. Au gré d’un archipel vidé de ses touristes, il navigue dans une ambiance de résilience nippone qui le marque profondément. « Les Japonais mettaient un point d’honneur à continuer de vivre le plus normalement possible », témoigne Ugo Monticone, ce qui lui fait porter un autre regard sur l’attitude des sociétés occidentales face aux crises d’ampleur.

En Asie, les populations semblent plus habituées et mieux préparées par rapport à ça [les crises].

Ugo Monticone

Au rayon post-terrorisme, le conférencier voyageur s’est également rendu à New York un mois seulement après les attentats du 11-Septembre, choqué par les ruines encore fumantes du brasier. Là encore, ces zones hautement touristiques se présentent sous un nouveau jour. « Au lieu de la Grosse Pomme, nous avions devant nous un gros village. À Times Square, nous voyions les gens, les humains, et non la publicité », livre-t-il.

Ces liens particuliers, tissés avec les Japonais, les New-Yorkais ou les Équatoriens, peuvent également se nouer avec les visages les plus familiers au monde.

PHOTO FOURNIE PAR UGO MONTICONE

Parti avec sa mère en République dominicaine, il a dû s’organiser pour rentrer d’urgence alors que la crise de la COVID-19 venait de se déclencher.

Parti en République dominicaine avec sa mère en mode « rien d’inclus » juste avant l’éclatement de la crise de la COVID-19, le voici engagé dans une course folle déclenchée par l’annulation de son vol. Obtenant de haute lutte des billets de retour, il doit se rendre en urgence dans un aéroport imprévu, fonçant en auto dans un petit sentier de montagne, et soudainement ralenti… par un troupeau de vaches.

J’ai regardé ma mère en riant. Dans ses yeux, j’ai eu l’impression de découvrir la femme qu’elle est. À travers cette aventure rocambolesque, jamais depuis l’adolescence je n’avais été aussi proche de ma mère.

Ugo Monticone

Ugo et sa mère ont pu rentrer in extremis au Québec.

Aujourd’hui en confinement à son domicile, il se consacre aux touches finales de son ouvrage imminent et songe à sa prochaine tournée de conférences sur Bali pour les Grands Explorateurs, prévue au printemps 2021. Même si la crise ne se résorbe pas avant longtemps, pas de point final pour les voyages, cependant. Au détour de notre conversation, cet adepte du « hors circuit » a vaguement évoqué l’Iran. Les imprévus dicteront sans doute la suite de ce projet.

En exclusivité pour les lecteurs de La Presse, Ugo Monticone a rédigé quatre récits où il raconte ses péripéties en situation délicate.

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