Berceau de l’Amérique française, le Vieux-Québec attire son lot de touristes, et pour cause. Or, trop peu de visiteurs prennent la peine de découvrir les trésors qui se trouvent au-delà des fortifications. Nous sommes allés à la rencontre des gens qui animent ces quartiers qui forment le véritable cœur de la Vieille Capitale. Cette semaine : Saint-Roch

La Grande Allée reste encore à ce jour un haut lieu pour faire la fête dans la Vieille Capitale. Mais pour les gens du coin et pour de plus en plus de touristes, l’épicentre festif et culturel s’est déplacé en Basse-Ville, dans le cœur du quartier Saint-Roch. Petite virée du côté de la rue Saint-Joseph.

London Jack

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Le London Jack pourrait éventuellement devenir une chaîne, Groupe Top Resto caressant notamment l’ambition d’ouvrir des succursales aux États-Unis et au Canada anglais.

Le vaste et lumineux local qui accueille le London Jack abritait il y a une dizaine d’années une boutique Hugo Boss.

C’était à l’époque où la rue Saint-Joseph se cherchait une identité au lendemain de la destruction du toit qui avait créé le malfamé Mail Saint-Roch, dans les années 70.

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Les clients du London Jack sont invités à aller se servir eux-mêmes dans un grand frigo rempli de bières de microbrasseries québécoises, mais aussi de quelques variétés britanniques.

Aujourd’hui, la jolie rue commerçante a trouvé sa niche : « Au départ, il y avait une volonté de donner un caractère haut de gamme à la rue Saint-Joseph, reconnaît Simon Rioux, directeur des opérations du Groupe Top Resto, propriétaire du London Jack.

« Mais finalement, ce sont les entrepreneurs qui ont créé l’ambiance de l’artère en mettant de l’avant la restauration et le nightlife. »

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Le menu du London Jack marie les classiques britanniques comme le fish and chips avec des accents de la cuisine indienne, aujourd’hui caractéristique de Londres.

Le London Jack s’inscrit donc dans cette tendance, car il est à la fois resto et bar : « Pour être honnête, on a toutefois été surpris par le type de clientèle que l’on a réussi à attirer, souligne Simon Rioux. Pour nous, les clients de fin de soirée représentaient un bonus, mais on s’est vite aperçu que ça marche franchement bien ! »

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Le London Jack est l’une des six adresses du Groupe Top Resto à Québec, qui comprend son voisin de la rue Saint-Joseph Est, le populaire Café du Parvis. Le Pub Saint-Patrick et la Distillerie Maison Livernois sont aussi parmi les établissements lancés par le groupe d’entrepreneurs de la Vieille Capitale.

Au cœur de l’offre du London Jack se trouve toutefois un menu de pub original qui marie les classiques britanniques comme le fish and chips — on propose un choix de six poissons, cinq panures et cinq sauces — avec des accents de cuisine indienne, aujourd’hui caractéristique de Londres.

« On a ajouté une saveur indienne notamment en important plusieurs mélanges d’épices typiques, ce qui rend l’expérience encore plus londonienne, soutient Simon Rioux. Parce qu’il faut savoir qu’à Londres, il y a plus de restos indiens qu’à New Delhi ! En fait, le London Jack, c’est Londres ! »

> Consultez le site web du London Jack

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Simon Rioux, directeur des opérations du Groupe Top Resto

J’ai vu la Grande Allée changer, c’est difficile de se stationner, il y a des travaux. Aller en Haute-Ville, c’est du sport, alors qu’ici, c’est accessible. Aussi, plusieurs nouveaux restos ont amené une nouvelle clientèle dans le secteur, et le monde attire le monde.

Simon Rioux, directeur des opérations du Groupe Top Resto

Noctem Artisans Brasseurs

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Jusqu’à décembre 2018, toute la bière de Noctem était brassée dans le bistro-brasserie de Saint-Roch. « Il y a deux ans, c’était dur, on ne faisait que brasser de la Catnip, reconnaît le copropriétaire Jean-Phillip Paradis. On a depuis ouvert une usine dans le quartier Saint-Sauveur, on s’est donné les moyens de ne pas en manquer : l’usine produit actuellement 2750 hectolitres de bière, avec le pub, on monte au total à 3000. Et d’ici janvier, on devrait être à 5000 hectolitres. »

À un jet de pierre du London Jack se trouve le Noctem Artisans Brasseurs, la réponse québécoise à la déferlante des India pale ales. On y va pour déguster une Catnip ou une Oskar, mais aussi pour y découvrir une gamme complète de bières de caractère et pour goûter à une cuisine de pub qui se distingue par son absence de friture. « Il y a beaucoup de gens, surtout les touristes, qui viennent parce que la place est remplie et qu’on offre un service de restauration. Le monde attire le monde, nous assure le copropriétaire Jean-Philip Paradis. On propose des bières plus recherchées, on a la même approche avec la cuisine, tout est fait sur place et c’est axé sur la fraîcheur. »

Ce n’est par ailleurs pas un hasard si les gars du Noctem ont choisi de s’installer dans Saint-Roch. « C’est dans ce genre de quartier-là qu’on avait le goût de s’installer, affirme Jean-Philip Paradis. On voulait un local avec une terrasse, un circuit d’autobus juste à côté et on voulait faire partie de la vie de quartier. » Tout en accueillant de plus en plus de gens de l’extérieur. « Nos produits évoluent et s’améliorent, le mot se passe, reconnaît le jeune homme qui est responsable du marketing de la brasserie. Il y a maintenant des gens qui nous connaissent qui vont passer par chez nous, ça fait une belle sortie pour découvrir. »

> Consultez le site web du Noctem

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« L’été et pendant le Carnaval, de 25 % à 30 % de nos clients viennent de l’extérieur du Québec, explique le copropriétaire du Noctem Jean-Phillip Paradis. Mais il y a aussi beaucoup de gens qui passent après le travail, de même que des résidants des autres quartiers centraux. Il n’y a pas tant de gens de la périphérie, toutefois. »

On est un bar dans un quartier avec beaucoup de nightlife, c’était facile de s’installer ici ; on n’aurait pas fait la même chose à Charlesbourg.

Jean-Philip Paradis, copropriétaire du Noctem Artisans Brasseurs

La Korrigane

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La Korrigane a réussi à maintenir une croissance annuelle de 10 % depuis son ouverture, en 2010. « Malgré un marché qui commence à être un peu saturé, notre croissance se maintient, assure Catherine Dionne-Foster, brasseuse et copropriétaire. On met énormément d’efforts sur le service, on arrive ainsi à fidéliser la clientèle. »

On remonte la rue Saint-Joseph jusqu’à Dorchester pour arriver à la microbrasserie La Korrigane, devenue une institution du quartier Saint-Roch. « J’habitais déjà dans le quartier depuis quelques années quand nous avons ouvert en 2010. J’aimais le quartier pour sa diversité, son dynamisme, son côté hétéroclite avec des gens de tous les âges et de toutes les bourses, nous raconte Catherine Dionne-Foster, brasseuse et copropriétaire de La Korrigane. C’est vivant ici, et ça m’interpellait. Je voulais que ma brasserie soit à l’image du quartier. » Pari réussi, si l’on se fie aux proprios, qui nous indiquent que la brasserie n’a pas été adoptée par un seul type de clientèle : « On voit de jeunes artistes marginaux à côté de gens d’affaires, qui finissent par se parler », soutient Catherine Dionne-Foster.

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Depuis le changement de loi qui permet aujourd’hui aux microbrasseries d’offrir des cruchons à emporter, La Korrigane s’est dotée d’un système de remplissage à contre-pression qui permet de conserver les cruchons au froid pendant deux semaines et parfois plus.

La Korrigane, qui est toujours restée une brasserie artisanale — on peut toutefois rapporter des cruchons à la maison depuis le changement de loi, il y a deux ans —, a trouvé sa niche avec des produits qui se distinguent notamment de ceux de La Barberie, la plus ancienne micro du quartier Saint-Roch. « J’utilise des plantes boréales sauvages, je suis une passionnée de cueillette, de champignons, de petits fruits, nous indique la brasseuse. Il y a très peu de gens qui utilisent ça à Québec. Ou du moins, ils ne le mettent pas autant de l’avant. » 

> Consultez le site web de La Korrigane

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Catherine Dionne-Foster et son conjoint Guillaume Carpentier, copropriétaires de la brasserie La Korrigane

On a développé une relation étroite entre le producteur-artisan et les clients, un échange qui permet de faire évoluer et adapter nos produits. On a même élaboré des recettes à la suite de commentaires des gens !

Catherine Dionne-Foster, brasseuse et copropriétaire de La Korrigane

Le Clocher penché

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Le Clocher penché a changé de mains à deux reprises depuis son ouverture en 1995. Les patrons actuels ont toutefois saisi le témoin tendu par les proprios précédents après avoir travaillé sous leurs ordres de 2008 à 2010.

Un peu plus à l’ouest, on pénètre dans une zone qui est devenue un véritable foyer de bouillonnement culturel, notamment avec le Théâtre Impérial et le D’Auteuil, ressuscité dans Saint-Roch il y a moins d’un an. Ouvert il y a presque 25 ans, le Clocher penché a été un témoin privilégié des changements qui ont transformé le quartier. « Les premiers propriétaires avaient pris la relève d’une épicerie un peu louche, nous renseigne Thomas Pélissier, qui a acheté le restaurant en 2010 avec son frère François et le chef Mathieu Brisson. On parlait à l’époque d’un café qui servait une clientèle ouvrière, ce n’était rien de très élaboré. »

Mais le resto s’est inscrit dans la tendance bistronomique en 2005 en changeant une première fois de mains, pour ensuite devenir résolument gastronomique avec la nouvelle équipe en place. « On a gardé une certaine parenté avec ce que les gars faisaient, affirme Thomas Pélissier. Le Clocher penché s’est donc adapté et a évolué en fonction du développement du quartier. Mais plus encore, face à la compétition croissante, il a fallu redoubler d’ardeur et continuellement mettre la pédale au plancher. »

Toutefois, au fil du temps, le Clocher penché a su tirer profit de sa réputation vaillamment entretenue en devenant un véritable commerce de destination. « En été, les gens du quartier ne représentent plus que 40 % de notre clientèle, affirme Thomas Pélissier. Mais la proportion s’inverse l’hiver. Les gens viennent de beaucoup plus loin, mais il y a encore un engouement de la part de notre clientèle locale. »

> Consultez le site web du Clocher penché

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Thomas Pélissier, copropriétaire du Clocher penché

Du boulevard Dorchester à la rue Caron, les commerces se sont développés parce qu’il y avait une demande, notamment avec l’explosion de la vie nocturne de Saint-Roch. Mais ça nous a aidés, parce que la compétition, quand elle reste saine, c’est toujours bon.

Thomas Pélissier, copropriétaire du Clocher penché