« Pas d’argent pour les vacances cette année ! » Vous l’avez entendue combien de fois, celle-là ? Chose certaine, ce ne sera pas un argument de poids auprès de Muammer Yilmaz qui, avec son compagnon Milan Bihlmann, a relevé l’incroyable défi de faire le tour du monde en 80 jours sans un sou en poche !

Partis de Paris, nos deux Jules Verne ont parcouru 19 pays, 4 continents et 47 000 km pour prouver qu’on peut trouver des gens bien et bons partout, souvent plus empathiques et généreux qu’on pourrait le croire. De l’expérience, ils ont tiré un film fascinant, présenté la semaine dernière dans le cadre de la série Les Grands Explorateurs. Entretien avec Muammer Yilmaz.

Avez-vous triché ? Avez-vous vraiment réussi à parcourir le globe sans jamais débourser un seul sou ?

Non seulement nous l’avons fait, mais nous nous sommes aussi fait un point d’honneur de ne jamais frauder. On n’allait pas monter dans un bus si on n’avait pas de ticket. On a même refusé de l’argent qui nous était offert. Ce qu’on voulait, c’était être avec les gens, vivre dans leur maison, conduire leur voiture. On voulait prouver que la générosité existe, alors forcément il fallait demander, et les gens nous ont payé des billets, nous ont proposé le gîte ou nous ont offert un sourire. C’est toutes les petites aides réunies qui ont cumulé en un grand tour du monde.

Qu’est-ce qui a été le plus difficile tout au long du voyage ?

Le plus difficile, c’est de vivre sans argent, car on n’est pas habitués à vivre sans argent. Chaque matin, on ne sait jamais si et quand on va manger, si et où on va dormir. On est toujours dans l’inconnu. Pas une seule fois on n’a eu à dormir dans la rue. C’est pourquoi, d’ailleurs, on n’avait pas de tente dans nos bagages, pour nous forcer à trouver chaque jour une solution. Alors il a fallu demander : parfois pendant trois heures, comme à New York, et après des centaines de refus…

Vous montrez par ce film qu’on peut trouver des gens généreux partout, mais avez-vous fait de mauvaises rencontres ? Vous êtes-vous sentis en danger ?

Le pire qui nous soit arrivé, c’est de nous faire voler notre caméra dans l’autobus à Istanbul. Heureusement, nous en avions une de secours. Si, au Pakistan, on a dû être escortés par l’armée pour notre sécurité, jamais on ne s’est fait agresser.

Si c’était à refaire, recommenceriez-vous ?

Oui, mais on n’aurait pas envie de refaire le même voyage. Sur le coup, on ne se rendait pas compte à quel point le message était important : de montrer la générosité des gens, qu’il est possible de voyager sans argent. On a cassé des stéréotypes et on a planté des graines. Au bout de 80 jours à recevoir autant, on a juste envie de redonner. Je crois que même si on donnait toute notre vie, on n’arriverait pas à « rembourser » toute cette beauté, ce voyage exceptionnel qu’on nous a offert. Ça change carrément un homme.

Auriez-vous des conseils pour quelqu’un qui, inspiré par votre projet, voudrait vous imiter ?

Un Suisse l’a fait dans l’autre sens et s’est rendu jusqu’au Mexique où il est tombé amoureux. Chacun doit faire son voyage, mais on doit le faire avec le cœur. Si on ment aux gens et qu’on n’est pas sincère, ça ne va pas marcher. À deux, on parle cinq langues, du coup, ça aide. Sinon, c’est beaucoup de bonne volonté, du courage, de bien paraître et de sourire.

Par souci de concision, les propos ont été abrégés.

Le film est à l’affiche le 21 mai à Saint-Eustache et le 23 mai à Québec.