L'expulsion musclée d'un passager d'un vol d'United Airlines a mis en exergue la dégradation des services apportés aux passagers par les compagnies aériennes américaines qui, en dépit des faibles coûts du kérosène, peinent à accroitre leurs marges bénéficiaires.

Ce nouvel épisode a déclenché un tollé sur les réseaux sociaux, où les dénonciations, vidéo à l'appui, des incidents qui émaillent les vols intérieurs américains sont devenues monnaie courante.

«Le service client s'est beaucoup détérioré», résume auprès de l'AFP, Ross Aimer, pilote retraité d'United et consultant au cabinet Aero Consulting Experts.

«C'est clair, qu'au vu des dernières expériences, nous devons mieux servir nos clients», a reconnu mardi Oscar Munoz, le PDG d'United, qui s'est engagé à faire du client la priorité, car le «service client n'est pas une procédure ni un outil, mais des valeurs».

Le confort des passagers a commencé à se dégrader après le 11-Septembre, une tendance qui s'est accélérée pendant la crise de 2008 qui a fragilisé un grand nombre de compagnies aériennes américaines.

Celles-ci ont successivement supprimé les repas gratuits sur les lignes intérieures, fait payer les bagages, augmenté le recours aux sous-traitants, introduit des frais pour les réservations de siège et les services en vol alors que la vétusté des appareils augmentait.

L'environnement sécuritaire hérité du 11-Septembre et la création de la TSA, l'agence fédérale chargée de la sécurité dans les aéroports, ont fini par donner «plus de pouvoirs aux membres d'équipage qui traitent toute question comme une menace sécuritaire», déplore Gary Leff, spécialiste de l'aérien et co-fondateur du blogue InsideFlyer.com.

«Un passager en désaccord avec un membre de l'équipage est maintenant considéré comme une menace», dénonce-t-il.

United Airlines s'est ainsi engagée à ne plus recourir à la police pour débarquer des passagers de ses avions, après la vague d'indignation et les appels au boycottage suscités par l'expulsion violente de David Dao, un médecin d'origine vietnamienne vivant depuis plusieurs années aux États-Unis.

Aéroports saturés

Si cet épisode a mis à l'index la pratique des surréservations, la qualité du service a surtout pâti de l'explosion de la croissance du transport aérien et de la consolidation du secteur aux États-Unis, où quatre compagnies aériennes (American Airlines, United, Delta et SouthWest) se partagent une large majorité du marché, «Quand vous avez moins de concurrence sur un marché, le choix est réduit», souligne Ross Aimer. En plus, «les gens veulent des tarifs bas. Pour répondre à cette demande, les compagnies aériennes sabrent la qualité».

Pour l'expert, se pose également la question de l'obsolescence des infrastructures aéroportuaires alors même que le transport aérien était en plein essor.

«Nous n'avons pas bâti d'aéroports dans ce pays depuis plusieurs années. Dans le même temps, il y a plus de vols et moins d'espaces dans les airs et au sol. Les aéroports sont saturés», déplore-t-il.

Si elles reconnaissent avoir du pain sur la planche pour améliorer la satisfaction de leurs passagers, les compagnies aériennes américaines disent disposer de peu de leviers du fait de marges bénéficiaires faibles en dépit de la chute des prix du kérosène depuis 2014.

Celles-ci tournent autour de 2 à 4 % même si les compagnies aériennes américaines sont parmi les plus rentables du monde et devraient représenter à elles seules 61 % des quelque 30 milliards de profit du secteur cette année, selon IATA, l'organisation internationale du transport aérien. Elles gagnent 19,58 dollars en moyenne par passager transporté contre 5,65 dollars à leurs rivales européennes, détaille l'IATA.

Les transporteurs aériens américains donnent en outre actuellement la priorité au renouvellement de leur flotte d'avions et à l'assainissement du climat social par le biais de hausses de salaire, ce qui fait dire aux experts qu'il faudra du temps pour que le client revienne au centre de leurs préoccupations.

D'autant qu'il faudra effectuer une refonte en profondeur des règles internes, appliquées à la lettre dans le cas de l'incident d'United, et former les employés, dit Gary Leff.

En attendant, «il vaut mieux être abonné au programme de fidélité de la compagnie aérienne. Comme cela elle est susceptible de mieux vous traiter», conseille Robert Mann, du cabinet R.W. Mann & Company.