La réputation du transporteur américain United Airlines en a pris pour son rhume cette semaine lorsqu'un passager a été expulsé d'un vol d'une manière on ne peut plus cavalière. Au-delà des questions que pose ce cas précis, la situation a remis à l'ordre du jour la pratique de la surréservation des compagnies aériennes.

QU'EST-CE QUE LA SURRÉSERVATION ?

Lorsqu'elles vendent plus de billets que leur avion ne compte de sièges, les compagnies aériennes ne font rien d'illégal. La pratique est d'ailleurs reconnue par l'Office des transports du Canada (OTC). « Les transporteurs aériens font souvent de la surréservation [...] afin de compenser l'absence de passagers qui ont réservé leur place, mais qui changent d'idée à la dernière minute sans annuler leur réservation », détaille l'Office sur son site internet.

À QUOI SONT TENUES LES COMPAGNIES AÉRIENNES AU CANADA ?

Les compagnies aériennes déposent à l'OTC un « tarif », un document qui inclut le contrat des compagnies aériennes. « Là-dedans, il y a la procédure à suivre lorsqu'il y a une survente et les indemnités qui seront versées », explique François Lebeau, avocat spécialisé en tourisme et en voyage. « Au Canada, les règles sont établies transporteur par transporteur », poursuit l'avocat.

On trouve le tarif sur les sites internet des transporteurs et ceux-ci sont tenus de le rendre disponible à l'aéroport pour consultation, dit François Lebeau. Des décisions de l'OTC rendues au cours des dernières années ont forcé certaines compagnies aériennes canadiennes à clarifier ces tarifs et à augmenter le montant des indemnités versées aux passagers en cas d'annulation, de retard ou de surréservation d'un vol.

QUE DISENT LES COMPAGNIES AÉRIENNES ?

Toutes les compagnies aériennes jointes ont refusé de nous donner une entrevue à ce sujet. Air Transat et WestJet ont affirmé par courriel qu'elles ne pratiquent pas la surréservation. « Il arrive que nous ayons un trop grand nombre d'invités pour le nombre de sièges disponibles parce que nous avons été dans l'obligation de troquer un avion plus large contre un plus petit. Il s'agit là d'une situation ponctuelle qui survient très rarement », écrit WestJet. Porter Airlines affirme que certains vols - pas tous - sont survendus en se fiant à l'historique des passagers. Selon le porte-parole, les cas où un passager ne peut pas monter à bord d'un vol sont « extrêmement rares ».

Air Canada reconnaît aussi utiliser la méthode, sans non plus chiffrer le nombre de passagers qui sont victimes de survente. « Il est vrai que certains vols sont survendus, mais des algorithmes informatiques sont alors utilisés pour examiner des quantités importantes de données historiques afin de dégager les tendances selon lesquelles les passagers ne se présentent pas. Généralement, la tendance se maintient et il n'y a pas de problème. Mais il arrive parfois que des passagers soient transférés à un autre vol à la suite d'une survente », nous écrit-on.

COMMENT ÉVITER D'ÊTRE VICTIME DE SURRÉSERVATION ?

Lorsqu'un vol compte plus de passagers que de places, Air Canada examine les correspondances des clients et les enregistrements qui ont été effectués pour déterminer qui devra rester au sol. « Ces décisions sont prises avant l'assignation finale des places et avant l'embarquement des passagers. C'est pourquoi nous recommandons aux passagers de s'enregistrer en ligne dans les 24 heures précédant le départ d'un vol, car cela nous permet également de déterminer la charge », nous écrit-on.

Par ailleurs, Air Canada, dans ses tarifs, détaille un ordre de priorité d'embarquement en cas de survente : les passagers ayant une déficience, les enfants non accompagnés de moins de 12 ans, les passagers voyageant en classe affaires ou au tarif Économique privilège et les autres passagers « membres d'un programme de fidélisation » ont priorité sur les autres.

« La personne la plus susceptible d'être visée par ces trucs-là, c'est la personne qui voyage seule », dit l'avocat François Lebeau.

BIENTÔT MIEUX RÉGLEMENTÉ ?

Le gouvernement Trudeau doit déposer ce printemps un projet de loi qui encadrerait les dédommagements versés aux voyageurs en cas de surréservation. En Europe, les indemnités versées aux voyageurs ont été uniformisées par le Parlement européen dans les années 90.

PEU PROBABLE MALGRÉ TOUT

Rassurez-vous : si vous voyagez aux États-Unis, les risques qu'une des principales compagnies aériennes vous demande de changer de vol pour cause de surréservation sont minces. Selon les chiffres du département américain du Transport, la très grande majorité des passagers qui n'ont pu monter à bord d'un avion pour lequel ils avaient réservé un billet l'ont fait de manière volontaire. En 2015, les plus importantes compagnies américaines ont refusé l'embarquement à 0,09 % de leurs passagers, un pourcentage en baisse presque constante depuis 20 ans.

Photo Hugo-Sébastien Aubert, Archives La Presse

Lorsqu'elles vendent plus de billets que leur avion ne compte de sièges, les compagnies aériennes ne font rien d'illégal. La pratique est d'ailleurs reconnue par l'Office des transports du Canada (OTC).

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES REUTERS

Lorsqu'un vol compte plus de passagers que de places, Air Canada examine les correspondances des clients et les enregistrements qui ont été effectués pour déterminer qui devra rester au sol.