L'automne s'installe doucement, mais il reste encore de belles journées pour des balades à la campagne. Et si cette année vous exploriez un coin de pays auquel peu de gens pensent d'emblée? Nous avons choisi pour vous quelques destinations dont le dynamisme justifie amplement un petit détour... Première escale à Coaticook, où les fées ont changé le décor.

Saviez-vous que les fées muent chaque année? En effet, ce que plusieurs considèrent comme de vulgaires samares sont en fait des ailes tombées des épaules des fées.

Du moins, c'est la rumeur qui court à Coaticook. Ici, des ailes de fées sont offertes aux visiteurs qui passent par le bureau d'informations touristiques. Ces ailes, dit-on, ont le pouvoir de réaliser les voeux, quand on les lance dans la rivière Coaticook.

Depuis la présentation au parc de la Gorge de Coaticook du spectacle Foresta Lumina, en 2014, la ville des Cantons-de-l'Est est en plein processus de «légendification», pour paraphraser le conteur Fred Pellerin. Le merveilleux a débordé des limites du parc pour s'inviter au centre-ville. Dans la rue Child, des structures chargées de lanternes écarlates s'illuminent en soirée.

Toujours rue Child, une fée géante veille sur la rivière et sur tous les passants assis aux tables à pique-nique pour lécher un cornet de crème glacée (de la laiterie Coaticook, bien sûr) acheté à La Diperie, le nouveau bar laitier d'en face.

Il serait tentant de croire que c'est la bonne fée Moment Factory qui a donné le premier coup de baguette pour amorcer la renaissance de la ville avec la création de Foresta Lumina. La vérité est autre.

Depuis 2008, plusieurs initiatives citoyennes et politiques ont permis de redonner à Coaticook son cachet d'autrefois.

Le visiteur qui n'est pas passé depuis 10 ans dans cette ville agricole située à un jet de pierre de la frontière aurait du mal à s'y retrouver tant le coeur marchand a changé de tête. Exit la tôle et les revêtements en acrylique. Désormais, les bâtiments arborent des façades de brique ou de bois, comme au moment de leur construction. Les vieux néons criards ont disparu pour faire place à des enseignes en bois. Mieux, les locaux commerciaux sont quasi tous occupés et des terrasses ont poussé sur les trottoirs.

Bref, le centre-ville a retrouvé le cachet et l'animation des beaux jours. Pour les touristes, les boutiques ne sont pas d'un grand intérêt (à moins de chercher des chaussures, des vêtements pour enfants ou des articles de sport), mais le patrimoine bâti, tant commercial et religieux que résidentiel, invite au vagabondage. Un circuit patrimonial autoguidé a d'ailleurs été mis sur pied; le guide du promeneur est offert au comptoir d'informations touristiques

Les marcheurs pourront aussi croiser pendant leurs déambulations de grandes plaques métalliques dans lesquelles sont taillées les silhouettes de personnages importants de la vallée de la Coaticook. Au total, 20 panneaux géants sont disséminés dans toute la région pour former la Voie des pionniers. Sur chaque structure, il est possible d'actionner un bouton qui lance un extrait sonore. Ici, on entend l'inventeur d'un cric révolutionnaire se raconter; plus loin, une cantatrice célèbre chante sur l'air du Boléro de Ravel. Deux cahiers d'activités pour les enfants sont offerts gratuitement, pour ajouter une touche ludique à ces capsules historiques.

Le succès Foresta

À l'image des fées qui perdent leurs ailes, la ville avait donc bien amorcé sa mue quand Foresta Lumina a commencé à attirer des milliers de visiteurs au Parc de la Gorge. Le succès du spectacle ne se dément pas. Plus de 335 000 personnes ont visité jusqu'ici ce parcours illuminé dont la trame narrative s'inspire des légendes du Québec.

Chaque soir, des adultes on ne peut plus sérieux entrent dans le jeu; ils font sagement la file pour aller confier leur voeu le plus cher dans le cornet d'un gramophone et ramasser une pierre blanche qu'ils jetteront plus tard sur la Berge enchantée.

Quand l'ombre du Diable apparaît, puis qu'un arbre semble s'embraser sous nos yeux, le silence est total. Et la finale est saisissante, alors que la rivière et la forêt brillent de mille feux blancs, verts, bleus. Une réussite.

Reste que tous ces spectateurs ne profitent pas de leur passage au Parc de la Gorge pour découvrir la ville, voire la région. Beaucoup passent par l'incontournable laiterie de Coaticook pour manger une glace, mais là s'arrête leur exploration. Dommage. Le centre-ville vaut amplement un arrêt. Et en plein jour, le Parc de la Gorge peut se visiter de moult manières: en randonnée, à vélo de montagne ou à dos de cheval.

La randonnée équestre permet d'ailleurs des rencontres étonnantes. Pendant les deux heures passées sur le dos de Dentelle, une jument un brin princesse, j'ai croisé plus d'une vingtaine de cerfs, en majorité des mères accompagnées de leurs faons. Peu craintifs, ils nous regardaient passer sans broncher à quelques mètres d'eux. Une marmotte joufflue a eu la même réaction d'indifférence à la vue de notre groupe de cavaliers. Zeus, le cheval de la guide Andréanne, refusait d'avancer devant ce gros rongeur stoïque. Il a fallu de grands gestes de la guide, descendue de sa monture, pour le chasser. Et encore, pas très loin...

Coaticook cache aussi une montagne parfaite pour une courte randonnée d'automne: le mont Pinacle. Moins de 4 km à grimper doucement et nous voilà rendus au sommet. À nos pieds, une falaise verticale qui semble plonger dans le lac Lyster. Un excellent rapport mollet-sommet!

S'il fallait trouver un bémol dans l'offre touristique de Coaticook, ce serait sans conteste du côté de la variété de ses restaurants. La majorité affiche des menus fourre-tout sans grande imagination: pizza, poulet, poutine, paninis... Les produits locaux sont généralement peu mis en valeur. Seule exception: le Coffret de l'Imagination, un resto situé directement sur le terrain du Parc de la Gorge.

Les palais délicats devront songer à faire un détour vers Compton, à une douzaine de kilomètres. Entre les menus créatifs (et axés sur les produits locaux) du restaurant Le Cinquième Élément et les grilled-cheese gourmets de la Fromagerie de la Station, on peut difficilement se tromper.

PHOTO FOURNIE PAR RUES PRINCIPALES COATICOOK

Coaticook a subi plusieurs changement depuis 10 ans. Installés en 2015, les arbres lanternes ajoutent une touche de féérie au centre-ville.

BONNES ADRESSES

Où dormir?

> Motel La Source

Quatre mois de travaux et beaucoup d'enthousiasme. C'est ce qu'il a fallu à Valérie et Walter Courdot, propriétaires depuis début janvier seulement, pour transformer ce motel un brin décrépit en petit bijou d'hébergement où le bois de grange sert de fil rouge à la décoration. Dans chacune des 20 chambres, salles de bains, plancher et mobilier ont été refaits. À savoir: l'endroit affiche souvent complet.

1135, route 141 Nord, Coaticook, www.motellasource.com

Où manger?

> Laiterie de Coaticook

Un incontournable pour le fromage en grains, mais surtout, la crème glacée! Ici, on peut déguster des saveurs qu'on ne trouve pas en épicerie ou découvrir, en version crème glacée molle, l'un des classiques choisis chaque semaine par la maison.

1000, rue Child, Coaticook, laiteriedecoaticook.com

> Le Coffret de l'imagination

Situé directement sur le terrain du parc de la Gorge, dans une ancienne usine de coton datant de 1890, ce joli Coffret comprend une boutique cadeau et un restaurant. Au menu: des poutines sauce maison, des paninis, des salades et le soir, des tables d'hôte où se glissent plusieurs produits régionaux. Quand le temps est doux, la terrasse bordée d'arbres est très agréable. Réservations hautement conseillées.

145, rue Michaud, Coaticook, www.coffret.ca

Quoi faire?

> Spectacle Foresta Lumina

Le parcours nocturne illuminé, signé Moment Factory, est présenté les vendredis et samedis soir jusqu'au 8 octobre (ainsi que le mardi 20 septembre et le dimanche 9 octobre). Trois ou quatre départs sont proposés par jour. Le parcours s'étend sur 2 km; on peut y passer entre 45 minutes et 2 heures, selon son rythme. Tarif: 14,79 $ par adulte; 8,70 $ pour les 8 à 15 ans (plus frais de service et taxes).

forestalumina.com

> Équitation au parc de la Gorge de Coaticook

Une façon différente d'explorer un parc qui ne se limite pas à sa passerelle suspendue (aussi spectaculaire soit-elle!). Des excursions de 1h 30 min et de 2h sont offertes aux visiteurs de 10 ans et plus, avec ou sans expérience et ce, jusqu'à l'Action de grâce. Les tarifs varient entre 39,95 $ et 44,95 $.

400, rue Saint-Marc, Coaticook, gorgedecoaticook.qc.ca

> Cidrerie verger Ferland

Tout près de Coaticook, Compton compte non pas un, mais trois vergers où il est possible de faire l'autocueillette de pommes. Celui de la famille Ferland se distingue par son étendue et la diversité des fruits à récolter: 13 variétés de pommes, mais aussi des prunes et des poires. L'endroit est aussi réputé pour ses produits transformés, dont son délicat moût de poires et ses décadents beignes au sirop d'érable.

380, chemin de la Station, Compton, www.vergerferland.com

> Mont Pinacle

Cette randonnée de niveau intermédiaire est restée un secret bien caché de la région! Le sentier de 7,5 km aller-retour permet d'accéder au sommet, à 675 m d'altitude. De là-haut, la vue sur le lac Lyster est imprenable. L'accès est gratuit. Le départ du sentier se fait depuis l'ancienne caserne du village de Baldwin, aujourd'hui fusionné à Coaticook.

1891, chemin May, Coaticook, decouvertenature.qc.ca

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Le Verger Ferland où l'on peut cueillir plusieurs variétés de fruits.

Histoire d'une métamorphose

«Laitte!» C'est le seul mot qui vient en tête au maire de Coaticook, Bertrand Lamoureux, lorsqu'on lui demande de décrire à quoi ressemblait le coeur commercial de sa ville, il y a une dizaine d'années.

«C'est ce que nous a dit Jean Saine, directeur d'une firme de marketing embauchée en 2007 pour faire une étude de notre patrimoine bâti. Il nous a lancé ça en plein conseil municipal. On ne se l'est pas fait dire deux fois!»

Un programme de subventions pour la revitalisation du patrimoine commercial a été mis sur pied. L'objectif: faire disparaître la tôle, le crépi d'acrylique et le revêtement de vinyle pour faire place à la brique et au bois, plus fidèles aux bâtiments parfois centenaires, dont plusieurs d'influence américaine.

«Souvent, le revêtement cachait les ouvertures d'origine», explique Julie Favreau, directrice de l'organisme Rues principales Coaticook, qui travaille à l'implantation de ce programme de revitalisation. «À ce jour, 39 bâtiments ont été refaits, pour un total de 64 façades, puisque certains bâtiments ont plus d'une façade visible. Plusieurs enseignes ont aussi été changées. Et d'autres projets sont en cours, pas seulement au centre-ville.» Même des bâtiments plus récents ont été transformés par leurs propriétaires (avec un coup de pouce financier de la Ville), pour correspondre davantage à la nouvelle signature patrimoniale de Coaticook. La rue Child a aussi été refaite en 2013.

Cette revitalisation du patrimoine s'est accompagnée de diverses initiatives pour attirer de nouveaux commerces au coeur de la ville. «On voulait que les gens reviennent se balader au centre-ville, lance le maire Lamoureux. Or, on avait un taux d'occupation commercial de 75 %. Aujourd'hui, on frôle le 99 %.»

Il restait à attirer les touristes dans ce centre-ville métamorphosé. En particulier ceux qui assistent au spectacle Foresta Lumina et qui se garaient dans les rues avoisinantes du parc de la Gorge, au grand dam des résidants. L'an dernier, un service de navettes entre le coeur de Coaticook et le parc a été mis en place.

Coeur villageois

Coaticook fait aussi partie des six villages des Cantons-de-l'Est qui ont reçu en juillet dernier le label de Coeur villageois. Cette initiative de Tourisme Cantons-de-l'Est vise à mettre en valeur les municipalités qui ont su développer leur attractivité touristique en s'appuyant sur leurs caractéristiques propres.

À Coaticook, on a décidé de tabler sur l'aura féérique apportée par Foresta Lumina. D'où l'idée de distribuer des «ailes de fée» aux visiteurs. Les autres villes choisies sont Cookshire-Eaton, Danville, Eastman, Piopolis et Sutton.

PHOTO FOURNIE PAR RUES PRINCIPALES COATICOOK

Un bâtiment de la rue Child, maintenant revitalisé.