Quand vient le temps d'acheter un billet d'avion, le critère déterminant est presque toujours le prix. Pas étonnant, donc, que les compagnies aériennes réduisent les services offerts à bord pour rester compétitives. Résultat: quand un repas est servi, il est souvent... décevant. Or, certains transporteurs réalisent aujourd'hui qu'un mauvais repas a beaucoup d'impact sur la perception des voyageurs. L'avenir s'annonce-t-il pour autant plus appétissant?

Se pourrait-il que les compagnies aériennes aient enfin compris qu'un mauvais repas peut gâcher un vol transatlantique? Et qu'elles cherchent à faire mieux? Peut-être bien... mais une fois de plus, ce sont surtout les passagers des premières classes qui sont les mieux servis.

«Boeuf ou poulet?» Le choix est classique, mais là s'arrête la comparaison. Nous sommes à bord du vol Newark-Londres de Virgin Atlantic, un transporteur qui a décidé d'améliorer l'expérience repas en classe économique.

Un peu plus tôt, les agents de bord ont passé un menu détaillant les choix offerts ce soir. C'est donc sans hésitation que nous avons commandé le «poulet korma avec un mélange de riz basmati et de lentilles dahl». Verdict? Tout à fait honnête. Le poulet est encore tendre même s'il n'a pas été baratté au point d'avoir perdu toute texture, et la sauce orangée laisse une bonne chaleur en bouche.

«Le nouveau service de repas créera un environnement plus proche de celui d'un restaurant», promet Virgin Atlantic. On n'y est pas encore, mais on sent un souci du détail. Portion correcte (et non lilliputienne) de salade César en accompagnement. Café et dessert (une mousse au chocolat onctueuse) dans un service distinct. Verres et ustensiles en plastique violet translucide. On n'est pas en première, ni même en classe affaires, mais c'est nettement plus réjouissant que sur la plupart des vols transatlantiques.

La classe économique a beau occuper la plus grande partie de l'avion, elle demeure le parent pauvre du transport aérien. Pour pouvoir maintenir leurs tarifs de base à des niveaux acceptables, les transporteurs ont rogné partout où ils le pouvaient. La nourriture, quand elle est encore incluse dans le prix du billet, est depuis longtemps devenue un objet de railleries plutôt que de plaisir.

Pourtant, de nombreuses compagnies aériennes embauchent des chefs-vedettes, comme Heston Blumenthal chez British Airways ou Joël Robuchon, puis Guy Martin chez Air France, pour rehausser les menus. Hélas, leurs talents sont habituellement réservés aux passagers assis à l'avant de l'appareil. «Les clients en première classe et en classe affaires payent des milliers de dollars pour leur siège et ne veulent pas avoir l'impression qu'on économise sur leur dos. Alors les transporteurs y mettent le prix, même quand les temps sont durs», explique Rick Lundstrom, rédacteur en chef du magazine spécialisé PAX International.

Les programmes de fidélisation et les aspects pratiques (itinéraire, confort, etc.) ont beaucoup plus d'influence sur les choix des voyageurs que la nourriture servie en vol. Celle-ci permet toutefois de faire de belles photos publicitaires, d'attirer l'attention des médias et, par ricochet, celle des clients au portefeuille bien garni. Certains transporteurs misent très gros là-dessus.

Etihad Airways, d'Abu Dhabi, a fait beaucoup parler d'elle avec sa formule de «chef volant» - les plats sont cuisinés à la minute selon les préférences des passagers de la première classe. D'autres, comme Turkish Airlines ou Asiana, ont employé la même formule, mais Etihad a encore monté les enchères. Pour se démarquer de ses concurrentes, Emirates et Qatar Airways, elle a acheté des ruches et des poules pondeuses pour fournir le miel et les oeufs utilisés en première classe.

On est loin de la triste barquette qui atterrit devant le passager de la classe économique comme une ration de moulée dans une auge. Le vent commence toutefois à tourner. Est-ce à force de voir les gens apporter leur propre nourriture à bord? Des transporteurs comme Delta, US Airways et Austrian Airlines semblent avoir compris que ces clients-là aussi ont des papilles gustatives. Ils leur proposent des repas plus fins qui doivent être achetés d'avance en ligne - des assiettes froides garnies de filet mignon, de saumon fumé ou de crevettes accompagnées de légumes grillés, par exemple. Encore là, ce n'est pas la première classe, ni la classe affaires, mais c'est nettement plus appétissant qu'un sandwich sec et bien des mets à emporter vendus dans les aéroports.

Ces repas sont offerts sur certains vols seulement, mais la pratique pourrait se répandre. On l'a vu avec l'alcool, les bagages et les sièges réservés: quand les compagnies aériennes trouvent le moyen de faire de l'argent avec des services autrefois gratuits, elles ne se gênent pas.

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L'équation impossible

«Je ne connais personne qui choisisse une compagnie aérienne en fonction des repas qu'elle sert, mais c'est un élément dont le client se souvient et qui a un impact déterminant sur sa perception», note Rick Lundstrom, rédacteur en chef du magazine spécialisé PAX International.

Cette nourriture, qui n'est pas un critère au moment d'acheter son billet, prend une tout autre importance lorsque l'avion s'envole. «Vous devez composer avec un client qui n'a pratiquement rien d'autre à faire. Manger devient tout d'un coup une priorité», résume le chef Victor Gielisse, qui a travaillé au développement chez United Airlines.

Même s'il est de bon ton de rire de la bouffe d'avion, il faut reconnaître qu'on mange assez bien en première classe et en classe affaires. Les transporteurs qui offrent une classe économique «enrichie» font aussi un effort particulier dans cette section. En classe économique de base, toutefois, les repas sont généralement décevants, parfois même consternants. Pourtant, certaines compagnies aériennes, notamment en Asie, ont meilleure réputation. «Je pense qu'il y a une attente culturelle, on s'attend à ce qu'un bon repas soit servi. Mais ces compagnies ne font rien qu'une compagnie nord-américaine ne pourrait faire si elle y consacrait le temps et les ressources nécessaires», dit

Rick Lundstrom.

Malheureusement pour les fins palais, la concurrence se joue ici sur les prix, et non sur le contenu du plateau-repas. Même les aliments vendus à bord sont assez tristounets. Comment les transporteurs pourraient-ils faire mieux dans ces conditions? «Offrez moins, mais offrez des produits de qualité, conseille Victor Gielisse, qui est aujourd'hui vice-président au développement des affaires du Culinary Institute of America. Une compagnie aérienne qui vendrait un sandwich au pain de blé entier avec une délicieuse garniture de jambon, de fromage et de poire tranchée, je l'achèterais.» Il ne serait pas le seul.