Lorsque m'est parvenue l'invitation de me rendre en Jordanie, je me suis demandé, presque tous les jours en écoutant le bulletin télévisé, si je devais ou non accepter l'invitation. Car en regardant bien la carte géographique, la Jordanie est entourée par l'Égypte, Israël, le Liban, la Syrie... Une couronne de paix, rien de moins. «Ne soyez pas inquiète, me disait le représentant de Tourisme Jordanie, la Jordanie est un pays sécuritaire.» Je voulais bien me fier à ses paroles, mais le climat dans le monde arabe se détériorait de jour en jour. Et mes proches n'étaient pas très encourageants : "Tu cherches le trouble? T'es pas peureuse?..."»

Après un vol de nuit d'une durée de 11 heures, à partir de Montréal, je débarquais au Queen Alia Airport, à Amman, accueillie par Mahmouh, qui allait nous servir de guide durant le voyage. «Soyez comme chez vous», marmonna-t-il en langue arabe. Et j'allais bientôt me rendre compte que les Jordaniens sont accueillants et courtois. Et que le sourire est leur marque de commerce.

Oui, malgré des voisins plutôt belliqueux, la Jordanie est un pays pacifique. Pas de pétrole dans ce pays : c'est un bon point de départ. Et vous verrez, les Jordaniens semblent vouer une admiration sans faille à leurs roi et reine. Partout, à la télé, ou dans la rue, sur des panneaux publicitaires, Abdullah 11 et son épouse, la reine Rania, sont photographiés sous tous les angles, avec leurs enfants. Le roi Abdullah semble avoir hérité du charisme de son père, le roi Hussein, et la reine Rania est Palestinienne, comme la majorité de la population jordanienne. Elle a créé la Jordan River Foundation pour venir en aide aux femmes démunies. Autre bon point dans ce monde arabe, où la femme a peu de droits. «Nous aimons la famille royale, qui demeure facilement accessible à tous les Jordaniens», affirme le propriétaire d'un restaurant dans le Vieux Amman.

Départ dans la capitale

Un voyage en Jordanie commence nécessairement à Amman, la ville blanche que l'on appelle la «ville aux sept collines». À partir du centre-ville, Amman semble s'étaler dans toutes les directions. Les maisons grimpent sur les collines comme une pyramide de blocs LEGO : ce sont des bâtiments de pierre blanche, presque tous identiques, qui prennent la couleur du miel au soleil couchant. Sur le plus haut sommet, la Citadelle domine la ville et offre une vue panoramique sur l'ensemble de la cité. On y trouve un petit musée d'archéologie qui possède des collections assez étonnantes. Amman est la ville la plus peuplée du pays et elle offre un mélange de tradition et de modernité; on y voit des monuments antiques à côté de tours ultramodernes, des femmes voilées déambuler dans les cafés Internet, d'autres portant le jeans et fumant le narguilé... Et aux sonneries de cellulaires se mêle l'appel langoureux à la prière en provenance de la mosquée sur la colline.

Il n'est pas désagréable de quitter la ville pour retrouver l'air frais et les vertes collines de Jerash, au nord. Engloutie pendant des siècles dans le sable, cette ville romaine a été excavée et restaurée durant 70 ans. Avec ses ruines spectaculaires, lovées entre ses douces collines où broutent les moutons, Jerash déploie des avenues pavées de colonnades, des temples aux colonnes vertigineuses, des théâtres, des thermes, des fontaines, des remparts... et même un hippodrome où sont reproduits des combats de gladiateurs romains. Elle serait l'une des villes romaines les mieux conservées au monde. Et elle est habitée depuis plus de 6500 ans, puisque la ville moderne s'étend à l'est des ruines.

Un petit pays

La Jordanie est un petit pays qui n'a que 500 kilomètres de long. Pour gagner le sud, on emprunte la tortueuse et superbe King's Highway, qui relie la capitale et Petra, ou encore la Desert Highway, une route parallèle, plus rapide mais plus monotone. On peut également prendre la Dead Sea Highway qui longe la mer Morte.

Au cours des dernières années, la mer Morte est devenue une nouvelle destination touristique. Se trouvant à 400 mètres au-dessous du niveau de la mer (le point le plus bas de la terre), la mer Morte est en train de disparaître. À cause de la température torride, elle s'évapore. On dit qu'elle perd 10 millions de tonnes d'eau par jour, baissant ainsi d'un mètre par année et laissant derrière elle des sels et des minéraux qui servent à la fabrication de produits de santé. Cette mer sert de frontière naturelle entre la Jordanie et Israël; elle n'a que 14 kilomètres de large par 75 kilomètres de long. Et elle mérite bien son nom : pas un poisson, pas un organisme marin, complètement morte! Il n'y a évidemment aucun bateau qui fait la liaison entre Israël et la Jordanie. Des projets sont à l'étude afin de relier la mer Morte à la mer Rouge, ce qui permettrait de l'alimenter et de la sauvegarder. On sait que la mer Morte a joué un rôle majeur dans les récits bibliques; ses rives auraient en effet abrité les cités de Sodome et Ghomorre. Les paysages de la mer Morte n'ont pas changé depuis l'Antiquité, sauf que de chics établissements hôteliers ont été construits sur ses rives. Aujourd'hui, on y vient pour flotter dans ses eaux salées et pour s'enduire le corps de boue, riche en minéraux. Et le soir, des amoureux viennent contempler le coucher de soleil devant Jérusalem et Jéricho.

Entre le lac Tibériade et la mer Morte, le fleuve Jourdain n'a que quelques mètres de large et ses eaux brunes et boueuses sont plutôt repoussantes. Mais on trouve assez intéressant de faire une visite à Béthanie-au-delà-du-Jourdain, le lieu où Jésus fut baptisé. Les archéologues ont découvert à cet endroit plusieurs sites datant de la période romaine. Tout est demeuré naturel, intact, sans structure touristique. De nombreux endroits en Jordanie ont des références avec l'histoire sainte, tels le mont Nebo, où serait mort le prophète Moïse, et qui permet d'admirer la vallée du Jourdain, la mer Morte, Jéricho et Jérusalem... Et les sources chaudes de Ma'In, où le roi Hérode aurait coupé la tête de Jean-Baptiste...

Huitième merveille

Pour rejoindre Petra, la cité rose, nous avons roulé sur la spectaculaire King's Highway, une route déserte, silencieuse et majestueuse qui sillonne le pays depuis 3000 ans et rejoint l'Arabie Saoudite. Caravanes de marchands, Romains, chrétiens et même le prophète Moïse ont emprunté cette route qui, tel un serpent, s'enfonce dans des paysages grandioses. Si elle fait peur à chaque tournant (les Jordaniens sont d'habiles chauffeurs), il faut s'y aventurer ne serait-ce que pour constater l'extrême aridité du pays.

Petra est évidemment la perle de la Jordanie : une ville entièrement taillée et sculptée dans la pierre par les Nabatéens, un peuple arabe ingénieux établi en Jordanie il y a plus de 2000 ans. Petra était située au centre de la route des caravanes, à la jonction de la route de la soie, des épices et autres routes commerciales qui reliaient la Chine, l'Inde et l'Arabie à l'Égypte, la Syrie, la Grèce et Rome. Les Nabatéens étaient de redoutables marchands et ils auraient amassé des fortunes colossales.

Disparue au XIVe siècle, cette cité a été redécouverte en 1812 par un explorateur suisse. On peut parcourir à pied ou en calèche à cheval le long trajet (le siq) qui mène à la cité. Le spectacle est stupéfiant lorsqu'au bout du trajet se dévoile par un interstice le Trésor, un gigantesque monument qui servait de tombeau. À partir de là, les plus téméraires peuvent louer un dromadaire pour pénétrer à l'intérieur de la cité qui regorge de temples, de façades de tombaux, et de salles funéraires, tous creusés dans la roche... Petra mérite bien son titre de huitième merveille du monde : on demeure sans voix devant cette architecture colossale qui prend toutes les teintes de rose à la fin du jour et par l'ingéniosité des Nabatéens qui avaient mis en place un système unique de digues et de canalisations d'eau. Pour découvrir Petra, il faut y aller tôt le matin, car la chaleur rend la visite difficile. Le soir, on peut la voir à la lueur de milliers de chandelles.

Le désert

Au sud-ouest de la Jordanie, on entre dans un véritable paysage lunaire : un désert où alternent sables rosâtres, sols craquelés, murailles rocheuses. Ce désert immense, offert au ciel et au silence, se nomme le Wadi Rum. Lawrence d'Arabie a fréquenté l'endroit pendant la Révolte arabe contre les Turcs, lors de la Première Guerre mondiale. Dans son ouvrage Les sept piliers de la sagesse, il le décrit comme un «territoire marqué par le divin». La pluie, le vent et les siècles y ont sculpté des formes étranges, telles des pierres en forme de champignons géants ou des arches rocheuses enjambant des gorges...

Le Wadi Rum fut habité par des peuples nomades qui ont laissé de curieuses inscriptions dans la roche. Aujourd'hui, il est le royaume des Bedu, un peuple traditionnellement nomade : ils y dirigent des troupeaux de chameaux et y travaillent comme guides ou chauffeurs auprès des touristes qui viennent faire des expéditions en 4 X 4 ou à dos de chameau. Les visiteurs peuvent aussi faire de l'escalade et même passer la nuit dans le désert : on leur offre de dormir dans des tentes de Bédouins et de manger le traditionnel repas bédouin.

Environ 50 000 Bedu vivent en Jordanie et ils sont représentés au Parlement. Mais seulement 10 % d'entre eux ont encore une vie nomade. Au cours de notre voyage, dans la réserve de Dana, au sud du pays, nous avons été invités chez Mustapha pour prendre le café. Car le café est un rite très important chez les Bedu. Mustapha vit sous la tente, il a deux femmes, un troupeau et un téléphone cellulaire. Choc des cultures. «C'est une société masculine, explique Saleh Arfou, notre guide, lui-même élevé dans une famille bedu. La vie des Bedu est difficile, et il faut des garçons pour s'occuper des besoins de la famille.»

Mais depuis 1970, le gouvernement Jordanien déploie des efforts pour offrir l'éducation et les soins de santé aux Bedu. Ils vivent maintenant dans des villages, alors que ceux qui préfèrent une vie nomade se déplacent d'un endroit à l'autre, au gré des pâturages et des points d'eau disponibles. Lorsqu'il fait trop chaud dans la vallée, ils cherchent la fraîcheur au sommet de la montagne.

Enfin la mer Rouge

Le désert jordanien s'ouvre enfin sur la mer Rouge. Akaba est la seule station balnéaire du pays, située juste en face de la station touristique Eilat, en Israël. Elle a vue également sur l'Égypte et l'Arabie Saoudite. Contraste frappant avec le reste du pays : Akaba dégage la prospérité avec ses nombreux palmiers et ses villas de luxe résidentielles construites autour de marinas. On y trouve aussi de grands complexes hôteliers de chaînes internationales avec des plages remplies de touristes européens. Sur les plages publiques, réservées aux locaux, des femmes voilées se baignent tout habillées. Le principal intérêt d'Akaba semble être la plongée sous-marine, qui permet de découvrir des récifs coraliens exceptionnels. Mais si on n'est pas amateur de fonds marins, Akaba vaut-elle vraiment le détour?

Pour infowww.visitjordan.com

Pour y aller : Royal Jordanian offre deux vols par semaine, Montréal-Amman.